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Billet de blog 19 juin 2024

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Et si Macron avait un autre plan ?

Après sa déroute aux européennes et ses plans contrariés par l'union de la gauche pour les législatives, est-ce que Macron ne préparerait pas un passage avec armes et bagages au RN ? Analyse et hypothèse sur ses déclarations « CNews-iennes ».

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Depuis les européennes, Macron multiplie encore davantage les sorties les plus réactionnaires.

Lors de la conférence de presse, il a opéré un inversement de valeurs spectaculaires : dénoncer les valeurs morales de la gauche et les options économiques de l’extrême droite. Jusqu’à présent, la droite dénonçait l‘inverse. Or, en politique, s’il y a une chose sur laquelle on ne transige pas, ce sont les valeurs, quand en revanche on peut discuter de l’orientation économique. Par là, tout est dit. En appelle-t-il ainsi à « l’ordre, l’ordre, l’ordre », quand il ne prétend pas avoir compris les préoccupations des Français sur l’immigration suite à leur vote du 9 juin dernier. Ces derniers jours, il est allé encore plus loin. Il s’est ému que l’on puisse « changer de sexe en allant en mairie », il dénonce aujourd’hui-même « l’immigrationnisme total » du nouveau front populaire. Ces sorties ne sont pas les dernières de la campagne. Bref, il tape comme un sourd sur la gauche et reprend à son compte les mots et les thèmes de l’extrême droite.

Illustration 1

Celui qui s’était posé comme un « rempart » contre l’extrême droite prépare donc le lit de sa victoire.

En agissant de cette manière, il interdit le vote macroniste de se reporter sur la gauche pour faire barrage : pourquoi faire barrage en votant pour quelqu’un dont on ne partage pas les valeurs ? Certains de ses candidats utilisent les mêmes ficelles. Je pense à Braun Pivet ou Olivia Grégoire qui déclarent voter blanc en cas de duel NFP/RN.

La France insoumise n’a, elle, jamais appelé à une telle stratégie. La France insoumise appelait à ne pas voter Le Pen : l’option Macron et vote blanc étaient donc deux options ouvertes, chacun selon sa conscience. Je constate que les macronistes n’ont pas les mêmes scrupules et se vautrent sans difficultés dans la fange lepéniste. Même localement, les mêmes digues sont en train de s’ériger... bers la gauche. C’est le sens de la sortie du macroniste Bonnaterre à Rouen, qualifiant honteusement la France insoumise « d’ultra gauche antisémite » sur twitter quelques jours avant de déclarer sa propre candidature. Là encore, l’objectif est le même : empêcher ses propres électeurs de se reporter sur la candidature d’Alma Dufour au second tour. Il sait que ce sont d'abjectes calomnies, mais à l’instar de son maître il préfère manipuler l’insulte et la montée de l’extrême droite pour arriver à ses fins plutôt que de garder un minimum de dignité dans les débats.

On peut dans un premier temps regarder et scruter la situation politique à la lueur des enquêtes d’opinion. Celles-ci donnent le Front populaire et le RN loin devant les macronistes. Il sait que les seconds tours accessibles se joueront contre ces deux forces et estime que le vote Front populaire face au RN lui sera toujours acquis tandis que l’inverse n’est pas certain au vu de ses politiques sociales. Donc, il drague les passions tristes des électeurs du RN en adoptant leur langage pour mieux les capter face au Front populaire. Une seconde analyse de la situation peut être tout autre. Macron opère déjà un glissement ultradroitier depuis de nombreuses années. Sa réhabilitation de Pétain, ses interviews fleuves pour Valeur Actuelle, son appel à Zemmour pour le soutenir suite à une altercation avec un passant. Cet homme a quelque chose en lui de fondamentalement réactionnaire, une orientation chevillée au corps. Alors dans cette perspective et au vu de sa stratégie, n’est-il pas d’ores et déjà en train de préparer la victoire de Bardella ? N’est il pas tenté, dans une sorte de va-tout narcissique « pour avancer », de jouer sa dernière carte : un pacte de gouvernement avec le RN ? 

La situation que nous vivons est en tout cas inédite car jamais un Président de la République ne s’est retrouvé dans un tel schéma de cohabitation. Les 3 précédentes cohabitations prenaient une autre forme car systématiquement, la principale opposition au parlement était le parti du président de la République. Doté d’appui par des élus locaux puissants, par des députés nombreux, le Président de la République même minoritaire au parlement (en 86-88, en 93-95 puis le fameux 97-2002) disposait de nombreux relais.

La situation la plus probable à partir du 7 juillet, que ce soit le Front populaire ou le RN qui emporte une majorité relative, est la quasi disparition des macronistes au Parlement. Dans ce cas, même l’opposition la plus nombreuse ne serait plus celle du Président, et celui ci ne disposant d’aucun élu local d’envergure, il devra bien constater qu’il sera le dernier macroniste du pays. Le choix du RN « pour avancer » pourrait devenir très tentant, la démission aussi.

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