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Billet de blog 26 novembre 2019

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Les profs en grève à partir du 5 décembre : ensemble, faisons déborder notre colère !

La réforme des retraites ne vise pas à s'attaquer aux "régimes spéciaux" de quelques "privilégiés". Elle a pour objectif une réduction pérenne et considérable du niveau des pensions, tant pour les salariés du public que du privé. C'est pourquoi nous, professeur.e.s de tous horizons, appelons avec la plus grande détermination à la convergence des luttes et des grèves à partir du 5 décembre.

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Rejoignez la liste des signataires ! http://chng.it/TY6V2YSj72.

Le pouvoir entend transformer en profondeur le système français des retraites. S’appuyant sur un rapport remis le 18 juillet dernier par Jean-Paul Delevoye, le Président Emmanuel Macron et le gouvernement d’Édouard Philippe envisagent d’instaurer un système de retraites « par points ». Officiellement, ce nouveau système serait à la fois plus juste et plus transparent que le système actuel. Plus juste, car chaque euro cotisé permettrait d’obtenir les mêmes droits, sur le principe : « 10 euros cotisés = 1 point ». Plus transparent, car cette réforme permettrait la fusion des 42 régimes de retraites existant actuellement.

Mais ces éléments de langage sont incapables de masquer les raisons de fond de cette réforme. L’objectif du gouvernement est en réalité triple :

  • Il s’agit tout d’abord de plafonner la part des retraites à 13,8% du PIB. Comme le nombre de retraités va augmenter dans les prochaines années, le montant des pensions va mécaniquement décroître, contrairement à la promesse du candidat Macron. Le collectif reformesdesretraites.fr, se fondant sur les chiffres officiels du gouvernement, a montré que cette réduction des pensions affectera l’ensemble des salariés, du privé comme du public. Un.e professeur.e certifié.e, à carrière équivalente, verrait par exemple sa pension chuter de 1858€ à 1361€ mensuels, soit une baisse de 26%. Celles et ceux qui voudront toucher la même pension devront travailler plus longtemps.
  • En outre, le système par points offre une souplesse totale pour le gouvernement. La « valeur du point » (qui, multipliée par le nombre de points accumulés, détermine le niveau des pensions) n’est en effet pas garantie par la réforme. Ceci permet dès lors « d’abaisser chaque année le montant de la valeur du point », comme François Fillon – défendant en mars 2016 le système par points devant un parterre de patrons – osait l’avouer.
  • Enfin, pour compenser la baisse de leurs futures pensions, les actifs seront invités à se tourner vers les placements proposés par les assureurs privés. Idéologiquement, cela signifie une individualisation du système de retraites au détriment de la solidarité intergénérationnelle qui prévalait jusqu’ici.

Où est donc la justice d’une réforme qui dégradera encore les conditions de vie des retraité.e.s, en particulier des précaires et des femmes, qui, du fait de carrières discontinues, n’auront pas assez de points pour obtenir une retraite décente ? Où est donc la transparence d’une réforme dans laquelle le niveau des pensions est fonction d’une « valeur du point » variable, impossible à anticiper, abandonnée à l’arbitraire des gouvernements successifs ?

La chose est donc claire. Sous couvert de « bon sens économique », il s’agit de s’attaquer à nouveau aux droits des travailleuses et des travailleurs. Le néolibéralisme révèle ainsi son véritable visage : d’un côté, les plus riches et les actionnaires profitent des milliards provenant de dividendes records, de baisses d’impôts considérables (fin de l’ISF, flat tax), de dispositifs fiscaux exceptionnels (CICE), de l’impunité de l’évasion fiscale, de la privatisation et de la libéralisation de pans entiers de l’économie (ADP, FDJ, rail, énergie, …) ; de l’autre, les salarié.e.s et les citoyen.ne.s subissent la sape du code du travail, les carences de l’État (population rouennaise abandonnée après Lubrizol), la suppression des solidarités (assurance chômage, aides au logement), la casse de l’hôpital, des secours, de l’éducation – illustrée par la loi Blanquer qui, en éparpillant l’enseignement au lycée en une juxtaposition de « spécialités » que seuls les meilleurs établissements pourront proposer en intégralité, aggrave encore les inégalités entre élèves. La réforme des retraites Macron-Delevoye n’est donc qu’un rouage de plus dans l’engrenage néolibéral global qui renforce, pas à pas, la crise sociale et écologique que nous subissons tous.

Mais cette goutte d’eau supplémentaire doit faire déborder le vase de notre colère. Les réformes précédentes s’attaquaient aux uns et aux autres séparément et successivement. Cette fois-ci, la flèche nous atteint tous en même temps, avec une violence inédite. Elle nous fournit ainsi une occasion formidable d’unir toutes les forces qui s’opposent à la politique-bulldozer du gouvernement.

Bien entendu, celui-ci joue la carte de la division en insistant sur les prétendus « privilèges » propres aux régimes spéciaux. Face à ces tentatives de déstabilisation, nous n’aurons qu’une seule devise : Unité et Solidarité ! C’est seulement tous ensemble que nous parviendrons à établir le nécessaire rapport de force qui nous permettra de donner un coup d’arrêt à la machine infernale qu’est le néolibéralisme.

Car le temps de la négociation est révolu. La parodie du « Grand débat » en a donné l’illustration la plus nette : sur les plateaux, sur les estrades, sous les ors des ministères, le gouvernement joue à domicile, il déroule sa partition, il distribue librement ses promesses et ses mensonges ; mais dans la rue, nous reprenons l’avantage.

C’est pourquoi nous, doctorant.e.s, professeur.e.s des écoles, du secondaire, de l’enseignement supérieur, personnel.le.s de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur :

  • Appelons avec la plus grande détermination à la grève générale illimitée à partir du 5 décembre ;
  • Appelons l’ensemble de nos collègues à nous rejoindre et à faire grève ;
  • Appelons l’ensemble des élèves, des lycéen.n.es, des étudiant.e.s, à ne pas venir en cours à partir du 5 décembre et à se mobiliser à leur niveau pour faire entendre leurs voix ;
  • Appelons l’ensemble des ouvrier.ère.s, des employé.e.s, des cadres, des artisans, des commerçant.e.s, des agriculteur.rice.s, des chômeur.se.s, des retraité.e.s, des précaires, des gilets jaunes, des jeunes engagé.e.s pour le climat, en un mot l’ensemble de celles et ceux qui s’opposent au monde terrible promis par le néolibéralisme, à descendre dans la rue et à s’organiser pour faire tenir la grève dans la durée.

Car nous le savons tous : une journée de grève, isolée, sans lendemain, n’aura pas d’impact. Seule l’optique d’une grève reconductible est à même de faire plier le gouvernement.

Ne l’oublions jamais : nous sommes des millions, dans ce pays, à refuser le monde tel qu’il va. Ensemble, unis, solidaires, rien ne peut nous arriver.

Pour signer la pétition : http://chng.it/TY6V2YSj72.

Liste des premiers signataires :

  • Alexis Delamare, Université de Rouen-Normandie, doctorant en philosophie ;
  • Mathilde Salvador, Lycée Jeanne d'Arc (Rouen), professeure de philosophie ;
  • Dominique Chapel, Collège Saint Bruno (Évian-les-Bains) professeure d'histoire-géographie ;
  • Nathanael Colin-Jaeger, École Normale Supérieure de Lyon, doctorant en philosophie ;
  • Natalie Depraz, Université de Rouen-Normandie, Professeure des Universités (philosophie) ;
  • Luc Benoit à la Guillaume, Université de Rouen-Normandie, Professeur des Universités (études anglophones) ;
  • Christopher Hamel, Université de Rouen-Normandie, Maître de conférences (philosophie) ;
  • Guillaume Coissard, École Normale Supérieure de Lyon, doctorant en philosophie ;
  • Arnaud Milanese, École Normale Supérieure de Lyon, Maître de conférences HDR (philosophie) ;
  • Clémence Bonnefoy, Lycée Blaise Pascal (Rouen), professeure de SES ;
  • François Yvermogéo, Université Sorbonne Nouvelle, chargé de cours en économie ;
  • Christian Kiamana, Lycée Jeanne d'Arc (Rouen), professeur d'EPS ;
  • Erwan Lehoux, Lycée Jeanne d'Arc (Rouen), professeur de SES ;
  • Bérangère Mutel, Lycée Jeanne d'Arc (Rouen), AESH ;
  • Aurélien Deudon, Université de Rouen-Normandie, doctorant en philosophie ;
  • Nicolas Rialland, Université de Rouen-Normandie, Maître de conférences (philosophie) ;
  • Didier Carsin, Lycée Claude Monet (Le Havre), professeur honoraire de philosophie ;
  • Frédéric Chanu, Lycée Marc Bloch (Val de Reuil), professeur de philosophie ;
  • Romain Brugière, Lycée Porte de Normandie, Verneuil-sur-Avre, professeur de philosophie ;
  • Stephen Mangeon, Lycée Anguier (Eu) professeur de philosophie ;
  • Florent Bussy, Lycée Jehan Ango (Dieppe), professeur de philosophie ;
  • Stanislas Nadolski, Lycée Jean Prévost (Montivilliers) ;
  • Frédérique Leblanc, Université Paris Nanterre, Maîtresse de conférences (sociologie) ;
  • Loïc Lamson, Lycée Claude Monet (Le Havre), professeur de philosophie ;
  • Chloé Davaine, Lycée Claude Monet (Le Havre), professeure de philosophie.

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