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Billet de blog 5 juin 2016

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Un algorithme pour identifier les lanceurs d’alertes

L’équipe d’intervention contre les menaces intérieures – The Insiders Threats Task Force – est de sortie pour identifier le prochain Snowden.

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Le Pentagone est sur l’aboutissement d’un projet visant à dénicher le prochain Snowden avant qu’il ne devienne une « menace pour la sécurité intérieure », ou un courageux citoyen, tout dépend du point de vue.

Depuis les révélations de Chelsea Manning, un ancien analyste de l’armée américaine, et la publication de milliers de documents classifiés par WikiLeaks grâce à lui en 2010, le gouvernement américain a explicitement communiqué sa volonté de réguler la plus instable composante de son système de sécurité : l’humain.

Avec un nom tout droit sorti d’un Marvel, l’équipe d’intervention contre les menaces intérieures n’a pourtant rien d’une fiction. Le président Obama a, en 2011, publié un décret présidentiel instaurant cette unité avec l’objectif de « prévenir, dissuader et détecter les compromis d'informations classifiées par des initiés malveillants ».

Le 19 mai dernier, le département de défense américain a révélé comment il compte s’y prendre pour atteindre cet objectif. Il souhaite mettre en action son plan sous la forme du système d’enregistrements des composantes de menaces d’initiés (Component Insider Threat Records System).

La note du 19 mai fait office de notice, le CITRS « analysera, surveillera et auditionnera » tout le personnel militaire et les officiels du gouvernement qui ont accès à des informations sensibles ou des installations de sécurités.

Le système se base sur toutes les informations disponibles sur l’employé. Entre autres, ses publications sur les réseaux sociaux, des données sur sa santé, sa famille, ses anciennes relations, ses voyages, les résultats d’un examen au polygraphe et, évidemment, les informations obtenues par les 16 autres agences de renseignements gouvernementales. Pour ne rien laisser au hasard, l’équipe d’intervention surveillera en continue les actions de tous les employés concernés.

Une fois les informations regroupées au sein du CITRS, un algorithme devrait faire apparaître les profils d’agents susceptibles de murmurer aux oreilles des médias. Bien évidemment, les agents en question feront l’objet d’une surveillance encore plus rapprochée, si tant est que cela soit possible de faire plus rapprochée.

Concernant la force d’intervention, elle considère comme une menace  tout ce qui pourrait « nuire aux Etats-Unis par l’espionnage, le terrorisme ou la divulgation non autorisée d’informations concernant la sécurité nationale ». Une définition vague qui vise cependant clairement les whistleblowers.

Le CITRS sera opérationnel aux alentours du 20 juin, date où les décisions d’agences fédérales sont fermées aux commentaires du public. La fermeture de ce système de remontée d’informations, instaurer en janvier 2003 et qui permet aux citoyens de peser sur l’élaboration des décisions prises au niveau fédéral, confirme la feuille de route du gouvernement U.S avec les lanceurs d’alertes.

Ce projet pharaonique de collecte d’informations vise cependant plus à dissuader qu’à vraiment interpeller les Snowden en devenir. En effet, au vu de la masse d’informations disponible, il est difficile d’imaginer que l’équipe d’intervention, aussi grande soit-elle, puisse surveiller tous les employés au contact d’informations sensibles.

Bien plus forte que la sanction, c’est la possibilité d’apparaître sur la blacklist du CITRS qui préviendrait le gouvernement américain contre les lanceurs d’alertes. A la manière des télécrans d’Orwell dans 1984, la paranoïa provoquée par une surveillance constante annihilerait tout esprit critique, dissuadant l’agent de tout acte de rébellion.

Le CITRS est pour le moment très peu médiatisé en Europe. Pourtant, dans le contexte actuel, Lux Leaks et directive des affaires en tête, la mise sur pied d’un tel système est redoutable. En effet, il pourrait très bien à l’avenir être vendu à des entreprises privées ou même détourné de son but initial.

Pas besoin de se plonger dans l’univers Orwellien pour le trouver, Big Brother est déjà là.

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