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Billet de blog 7 février 2016

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La prison, avec ceci ?

De l’instauration d’un quartier d’isolement pour détenus radicalisés aux débats sur la suppression des peines planchers, le thème carcéral est au niveau politique rarement abordé seul. Pourtant, les prisons sont là, exhibées discrètement au centre de nos villes. Elles nous gênent, reflétant aux yeux de la plupart la déviance de certains, pourtant elles sont là.

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Mercredi 27 janvier, l’Elysée annonce le départ de Christiane Taubira et son remplacement par le député socialiste Jean-Jacques Urvoas. D’emblème de la gauche à la figure du laxisme gouvernemental, l’Ex garde des sceaux est une personnalité controversée depuis sa prise de fonction en 2012. Sa démission nous permet de faire un bilan de son action, et en particulier sur le plan carcéral.

A l’initiative du Mariage pour tous, elle est aussi l’instigatrice du projet de loi relatif à l’individualisation des peines (adopté le 10 juin 2014) et de la loi sur la contrainte pénale, promulguée le 15 aout 2014. Contre le « tout carcéral » des années Dati, l’ancienne ministre s’est affichée par exemple pour la suppression des peines planchers et la création de peines alternatives, malgré l’opposition, manifestée par ses adversaires ou par son propre camp. Cependant, il est mal aisé de taxer le gouvernement et son ex-ministre de laxisme au vu de l’augmentation du nombre de détenus, passant de 60.554 en 2011 à 68.559 en 2014(1).

Au cours des dernières semaines, le milieu carcéral a été l’objet de plusieurs débats. Manuel Valls a fait de la prison l’un des piliers de la lutte contre le terrorisme par la prévention de la radicalisation en détention. Quant à la droite, dans sa grande majorité, elle a  descendu en grandes pompes les réformes entreprises ces trois dernières années.

L’univers carcéral est-il réellement une priorité au sein du débat politique ?

Le bruit qui est fait autour du milieu carcéral ne fait que cacher sa relégation au deuxième plan de l’agenda politique. De l’instauration d’un quartier d’isolement pour détenus radicalisés aux débats sur la suppression des peines planchers, la prison n’est qu’un moyen, une échelle, servant à atteindre d’autres buts. Le thème carcéral est au niveau politique rarement abordé seul, il n’apparait alors que comme la composante d’un ensemble plus grand, d’un but plus noble.

 Les prisons sont là, exhibées discrètement au centre de nos villes. Une anomalie liberticide au sein de nos sociétés libérales. Une anomalie présente pour nous rappeler la coercition possible d’un système et sa capacité à nous isoler. Dissimuler derrière l’architecture carcérale, le pouvoir est là, nous dissuadant d’enfreindre ses règles. Plus dur que les coups de fouets, plus dissuasif qu’une exécution publique, le regard culpabilisateur de la majorité sur ce bâtiment et ses habitants. Ces prisons nous gênent, reflétant aux yeux de la plupart la déviance de certains, pourtant elles sont là.

Le manque de transparence reste l’un des principaux reproches fait au système pénitentiaire français. L’engagement d’associations comme le GENEPI est d’une importance cruciale dans le décloisonnement du milieu carcéral. Lever le voile, la peur qui entoure les prisons et leurs détenus, humaniser ces derniers pour mieux les comprendre.

L’échange avec l’extérieur affirme ce lien d’égal à égal, permet au prisonnier de ressentir son appartenance à la communauté, malgré la marge dans laquelle il vit. Tout individu qui entre en prison sera un jour amené à en sortir, maintenir ce lien est l’un des piliers de la réinsertion voir même, dans certains cas, de l’insertion au sein de la société. L’échange permet d’autre part à nombre de citoyens de prendre conscience de la réalité de nos prisons.

Voilà la dynamique engagée par l’ex-garde des sceaux, par l’individualisation des peines, par l’engagement associatif ou par l’encouragement aux députés et sénateurs à utiliser leur droit de visite. Une dynamique de dévoilement du milieu carcéral, de mouvement vers l’Autre, cet Autre fantasmé qu’est le détenu.

L’action associative se révèle cependant insuffisante. Le GENEPI comme d’autres ne visent qu’une partie infime de la population carcérale, et la prison reste, malgré tout, un milieu clos. Il apparait d’autre part difficile de compenser le manque d’investissement de l’Etat. De la formation d’aumôniers musulmans à la rénovation du parc immobilier pénitentiaire revient le même obstacle: le manque de moyens. Selon une étude de la Commission Européenne pour l’efficacité de la justice(2), la France consacre 61 euros par an et par habitant à la justice. Il est intéressant de comparer ce chiffre au 2100 euros par an et par habitant consacré à l’Education, cependant il est plus pertinent d’opposer ce budget à celui de nos voisins européens. Selon cette même étude,  la France, loin derrière, se classe 37e sur 45.

Il va sans rappeler que la France a été épinglée de nombreuses fois, par la Cour européenne des droits de l’Homme ou des organisations comme Amnesty international, sur son système de détention. Face aux difficultés d’intégration et loin de correspondre aux critères européens ou aux idéaux revendiqués, il est nécessaire de réintroduire, seul et non plus comme accompagnement, le système pénitentiaire français au cœur du débat politique.

(1)  http://www.liberation.fr/societe/2014/04/17/le-nombre-de-detenus-atteint-un-nouveau-record_999246

(2)  https://www.coe.int/t/dghl/cooperation/cepej/evaluation/2014/Rapport_2014_fr.pdf

Cet article est publié dans le cadre du projet R ! O, websérie créée par Jalal Kahlioui et Alexis Denous

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