R :
J'ai presque toujours travaillé pendant mes études, et même pendant mon lycée. Je ne dépends plus de mes parents financièrement et je me débrouille seule depuis mes dix-huit ans. J'ai enchaîné des petits boulots : donné des cours de soutien scolaire, fait des baby-sitting, distribué des flyers, j'ai été vendeuse ou encore hôtesse d’accueil. L'année dernière, j'ai été serveuse dans une brasserie pendant quelques mois et j'ai pu découvrir les joies de travailler dans la restauration. Au lieu d'être embauchée en CDD (ou allez, soyons fou, en CDI au bout d'un certain temps), j'ai été une « extra » c'est-à-dire que je signais des contrats journaliers et je n'étais jamais sûre d'être rappelée. De ce que je sais, c'est une pratique courante dans les restaurants et les bars. Afin de conserver mon travail, j'ai dû accepter de faire des heures supplémentaires. Alors qu'on m'avait assuré que je ne ferais pas plus de vingt heures par semaine et qu'on prendrait en compte mes horaires de cours, je travaillais en fait régulièrement trente heures par semaine ou plus, et j'ai dû rater certains cours, ou arriver épuisée aux examens.
Au bout de deux mois, la direction a changée, mes conditions de travail se sont encore empirées et on a complètement cessé de prendre en compte ce que j'avais négocié au début. Je n'avais plus d'emploi du temps en avance, j'ai enchaîné des semaines où je travaillais à peine une dizaine d'heures avec d'autres ou je faisais plus de trente-cinq heures en un week-end. On a cessé de me demander mon avis pour mes horaires et on m'a fait faire les fermetures à trois heure du matin, ce qui m'empêchais de prendre les transports en commun pour rentrer chez moi. Pour mes collègues à pleins temps, la situation n'était pas vraiment meilleure. Les horaires qu'ils faisaient étaient fous et ils se retrouvaient facilement à avoir des semaines qui dépassaient les soixante heures. Soixante heures à travailler debout et à porter des plateaux qui font plusieurs kilos, ça fait beaucoup. À cause d'une embrouille entre un chef de salle et une serveuse, ma collègue a eu la vie dure. On lui faisait enchaîner les fermetures tard, on la réprimandait pour un rien... Tout ça pour la forcer à démissionner de son poste CDI.
Quand j'ai quitté définitivement cette brasserie, elle était en arrêt maladie pour dépression. Quand je lui ai annoncé mon départ, le directeur n'a pas compris, il me considérait comme « bon élément » et ne voyait pas de quoi je me plaignais. Après ça, cela m'a pris deux mois pour retrouver du travail et j'ai dû souscrire à un prêt pour continuer mes études. #OnVautMieuxQueÇa
E :
Je suis enseignant en Histoire-Géographie dans le secondaire depuis 2013. J'aime les gosses même s'ils ne sont pas tout le temps faciles. Je fais pourtant un métier aux conditions dégradées : classes toujours plus nombreuses, dispositifs pour les élèves « décrocheurs » qui ferment et en font des laisser-pour compte agréable... et surtout mobilité forcé, cela fait trois ans que je suis à 500 km de mon Rhône-Alpes natal, et je ne suis pas encore rentré. Actuellement Titulaire sur Zone de Remplacement, je remplace de partout dans un rayon de 20 km, appelé du jour au lendemain. J'ai signalé à mon rectorat que je n'avais pas le permis, on m'a fait comprendre que c'était à moi de m'adapter et d'accepter les conditions qu'on m'offrait. Contre mauvaise fortune bon cœur, je cours les bus et je rentre lessivé chez moi. Des collègues qui ont la « chance » d'avoir une voiture se retrouvent souvent réduits à faire 100 km par jour et à manger un sandwitch à la va-vite entre deux remplacements. Je ne me plains pas, j'aime ce métier même si je traîne parfois les pieds en me levant à 5h40.
Le pire est peut être que je me fais pourtant renvoyer à la gueule que je suis un privilégié, et que j'échapperai à cette loi sur le travail, alors que l'application de techniques managériales dans la fonction publique se calque également sur cette loi. Et je touche 1,3 SMICS pour un Bac +5 et un concours tout de même sélectif, en vertu de calculs remontant aux années 1950 qui ne prenaient pas en compte la totalité de mon temps de travail. Mais ce n'est pas tout : depuis peu, porté par la passion de ma matière, je suis également chercheur, inscrit en doctorat, et je me prépare à l'idée qu'il faudra mener ma recherche de front avec l'enseignement, car les bourses, surtout en sciences humaines, sont rares et difficiles à obtenir.
Ici, mes réclamations se font moins hautes, mais je suis outré de voir que de très nombreux collègues qui n'ont pas la « chance » d'avoir l'enseignement ni de bourse triment comme des perdus, voire abandonnent leurs recherches, faute d'une possibilité de vie décente. Et je vois dans le système universitaire que ceux qui montent n'ont souvent pas vu beaucoup d'élèves de leur vie, voire aucun, et qu'hélas, enseignement secondaire et recherche sont de plus en plus cloisonnés. Aujourd'hui, je veux pouvoir faire mon travail d'enseignant dans des conditions décentes, que ne permettent pas la réforme des collèges, calque malséant de la loi pour la travail et appartenant au même sac. Le pouvoir que la loi donne à présent au patron, la réforme des collèges le donne au chef d'établissement. La recherche et l'enseignement de qualité passent de plus en plus à la trappe dans une société qui veut fabriquer du consommateur et gérer la cocotte minute. Alors à ces gens-là, je dis non, #onvautmieuxqueça
A :
Aujourd'hui, j'ai 24 ans, 6 mois, et 21 jours et je suis doctorant en science politique. Je n'ai touché aucune bourse, je vis sur l'épargne de mes parents, qui font partie de la petite proportion de Français qui ont encore les moyens d'en avoir. Par rapport à la plupart de mes compatriotes, je suis un privilégié : je n'ai jamais été dans le besoin matériel de travailler à côté de mes études pour survivre, je n'ai jamais eu besoin de faire un emprunt, j'ai même pu me payer des vacances une fois ou deux depuis le début de mes études. J'ai commencé la recherche parce que j'y crois : je crois que mon travail a un sens. Sur ce point aussi, vis-à-vis de la plupart de mes compatriotes, je suis un privilégié.
Et pourtant je finis chaque mois depuis 2013 en me demandant à partir de la deuxième semaine du mois comment je vais réussir à arriver à la fin. Par passion, j'ai augmenté mon temps de travail pour arriver à une moyenne de dix heures par jour. J'ai vu mes collègues tomber dans la misère, dans la dépression, dans l'alcoolisme ou dans une morosité permanente par fatigue et par perte de sens. J'ai vu mes amis s'enfiler des antidépresseurs pour tenir le coup. Ma santé s'est dégradée, je souffre d'une pathologie chronique, heureusement bénigne, causée par l'angoisse. J'ai pris du poids. J'ai recommencé à passer des nuits à ne pas dormir à cause de l'angoisse qui me glace le sang. Je me lève un jour sur deux avec la certitude absolue que mon effort quotidien ne mènera à rien.
Quand mon doctorat sera fini, l'avenir qui se présente à moi est radieux : si je fais partie des chanceux, je pourrai, comme mes collègues brillants, passer une petite dizaine d'années à balancer entre la précarité et l'angoisse de ne pas trouver d'emploi, multiplier des missions de recherche courtes, éventuellement d'un emploi sous-payé. Si j'arrive à décrocher la timballe de l'emploi à l'université, je pourrai profiter des extraordinaires conditions de travail de l'université réformée et autonome : des salles de cours surchargées, m'empêchant d'accorder aux étudiants le suivi nécessaire, des locaux délabrés, la nécessité d'organiser un subtil système de chaises musicales avec mes collègues du fait du manque de bureaux, l'impossibilité de m'acquitter de mes missions par manque de financement. Et bien entendu l'impossibilité au final de réaliser mon travail, celui de chercher et d'enseigner : le tarissement des financements de la recherche conduisent la plupart des chercheurs à passer plus de temps à chercher des sources de financement pour maintenir la barque universitaire à flot, plutôt que de s'acquitter de ces triviales tâches consistant à faire ce pour quoi ils ou elles ont été formés. Dans ce processus, j'aurai néanmoins la possibilité d'apprendre les valeurs du travail bien fait : cacher aux autres les bonnes sources de financement, espérer obtenir un emploi à la place de quelqu'un d'autre, m'intéresser davantage à des histoires médiocres et inintéressantes plutôt que de réaliser le service qui est censé être le mien. Voilà mon avenir, présenté par une professeure d'université : "L'université, c'est le tiers-monde".
Le pire dans mon histoire est que je fais partie, pour me répéter, des chanceux. Je fais partie de ceux qui ne l'ont pas trop mauvaise. Je fais encore un travail qui me plait. J'ai encore la possibilité de partir parfois en vacances. Je n'ai à attendre que la deuxième semaine du mois pour m'inquiéter. Il est indéniable que quantité de gens vivent moins bien que moi. La société qui leur est proposée est une société d'esclavage et de maltraitance. C'est une société machinique, destructrice, haineuse, et dystopique. Ils valent mieux que ça. #Onvautmieuxqueça
R :
En 2015, j'ai été stagiaire pendant un mois dans une radio lyonnaise, dans le cadre de mes études en science politique. L'expérience fût brève, mais le stage a été suffisamment désagréable pour que j'en tire quelques leçons sur l'utilisation des stagiaires qu'ont certaines entreprises.
Nous avons été jusqu'à six stagiaires, tous non-payés, en journalisme et en communication. Alors que l'entreprise faisait travailler seulement une dizaine de personnes.
Stagiaire en journalisme, j'allais seul sur le terrain, ou accompagné d'un autre stagiaire, mais jamais d'un salarié. D'ailleurs, les journalistes salariés ne partaient qu'exceptionnellement en reportage.
En plus de cela, j'écrivais certaines brèves et faisais le montage son des reportages pour qu'ils passent toute la journée dans les flash info. Bref, je faisais le travail qu'un journaliste salarié aurait dû faire, avec en plus un travail d'accueil des auditeurs qui venaient récupérer des prix et du standard téléphonique. J'ai aussi dû aller laver la voiture de la radio à une station de lavage.
Les maîtres de stage, journalistes en temps partiel et surchargés de travail, n'étaient que très peu présents pour m'accompagner. Au mépris affiché par la direction, qui nous adressait la parole un jour sur deux, s'ajoutait donc un mépris pour mon travail. Il n'y a jamais eu aucun retour positif, aucun conseil, alors que c'est censé être l'utilité même d'un stage que d'être formé. Tous ce que j'ai appris, je l'ai su par l'intermédiaire des stagiaires qui étaient là avant moi.
Humiliation supplémentaire lorsque l'on m'a demandé de me raser la barbe et de me couper les cheveux parce que « les clients me voyaient ».
Les journées ne duraient que très peu de temps, entre 4 et 6 heures, mais elles paraissaient longues, tant les moments d'inactivité étaient importants. J'avais l'impression d'être un objet, qu'on garde au placard, et qu'on ne ressort seulement quand il y a du travail en trop.
Mes notes de frais n'ont toujours pas étés remboursées. #OnVautMieuxQueÇa
C :
Je suis une étudiante en master 2 de science politique. J'ai toujours des petits jobs à côté de mes études, qui se sont plus ou moins bien passés, mais je dois dire qu'avec le recul la pire expérience que j'ai eu est la suivante : j'ai travaillé durant un an et demi dans un petit café restaurant lyonnais. J'avais déjà un peu d'expérience dans la restauration mais rien de fabuleux (quelques étés à bosser dans le restaurant vers chez mes parents). Quand je suis arrivée, le boss voulait que je sois le plus efficace possible le plus rapidement possible. Ainsi, durant les deux premiers mois je n'étais rien d'autre qu'un chien. L'exemple type est le suivant : on m'appelle un matin à 10h pour me dire que je dois venir à 11h (alors que je n'étais pas prévue), finalement il n'y a pas grand monde donc je repars à 13h. Mais dans l'après-midi ça s'active, et donc on m'appelle à 15h en me prévenant qu'on risque d'avoir besoin de moi à tout moment. Finalement ce sera à 18h, pour repartir à 21h. Quand le téléphone resonne à 23h, je préfère ignorer l'appel. Bilan de la journée : 5 heures travaillées, quand moi je n'ai rien pu faire d'autres. A ce moment là (c'était il y a deux ans), pas grand chose ne me protégeait contre ce type d'abus.
Autre exemple, j'avais un contrat 65 heures par mois (c'était un job étudiant et je ne voulais pas dépasser une 15aine d'heures par semaine). Finalement, je me suis rapidement retrouvée à en faire entre 25 et 30. Que s'est-il passé à ce moment là? Oh, pas grand chose, si ce n'est une simple modification sur ma fiche de paie. La case affichant le nombre théorique d'heures par mois était passée de 65 à 140. Non mais comme ça c'est plus simple, et au moins ne me paye plus mes heures supplémentaires. Quand, étonnée, je découvre ça, je décide d'aller voir mon patron qui m'explique gentiment que c'est normal, et que c'est sa comptable qui lui a dit de faire ainsi. Je lui explique alors que non ce n'est pas normal. Il s'énerve, et me dit que si je ne suis pas contente j'ai qu'à aller ailleurs, et que je devrais déjà être très contente de gagner autant. Parlons maintenant de la surexploitation. C'était un petit commerce, et le patron voulait qu'il y ait le moins d'employés possible. Classique ! Le hic c'est que gérer une terrasse pleine, où les clients peuvent commander des burgers, salades et tapas, et que la personne qui s'occupe de tout ça (i.e. préparations boissons, plats et service) est seule, c'est très vite compliqué.
La cerise sur le gâteau arriva au moment de partir, quand je vis mon solde tout compte. Je dois avouer que j'étais préalablement assez enthousiaste, car je savais que j'allais toucher un certain nombre de congés payés. Mais, au moment de signer mon solde tout compte, il n'y avait que ma paye du mois précédent et une micro prime de départ qui n'avait rien à voir avec mes CP. Il m'a fallu un mois pour récupérer la moitié de ce qu'il me devait, et comme je partais à l'étranger, je n'ai pas engagé de poursuites. De toute façon, quand j'ai appelé le service administratif qui s'occupe de conseiller sur ce type de litige, on m'a simplement faite comprendre que j'étais une sacrée conne, et que c'était tant pis. Je suis restée un an et demi, car j'avais besoin d'argent et que je pouvais en gagner ici. Je suis restée un an et demi, car pendant tout ce temps j'ai subi une violence symbolique je ne percevai pas. Exemple type : votre patron vous insulte devant les clients, et à la fin du service vous explique à quel point vous êtes géniale et vous offre une gauffre. C'était mon pain quotidien, et je devais m'adapter, accepter, car au moins j'avais un travail.
L :
Je fais un master dans lequel, outre notre stage obligatoire de fin de semestre, un « mini-stage-obligatoire » dans une entreprise partenaire du master conditionne la validation de notre année. Cette entreprise, appelons-la « le ministère de la magie », est située dans une petite ville à quelques kilomètres de la fac. Il s’agissait d’un stage d’une semaine pendant laquelle nous devions travailler de 8h à 22h. Ayant fait savoir au ministère de la magie que pour la grande majorité, dans notre master, nous n’étions pas véhiculés, ce dernier a proposé de mettre un bus à notre disposition, les frais duquel seraient déduit de notre salaire, si nous étions suffisamment nombreux. Sauf que nous n’étions pas assez nombreux, il a fallu alors se débrouiller comme on pouvait (car dans la ville du ministère de la magie, qui est toute petite, il est difficile de trouver des bus après 20h) certains d’entre nous ont loué un appartement dans la ville du ministère de la magie. D’autres se sont débrouillé en voiture. Le salaire que nous devions recevoir était de 200€ pour la semaine. Or, nous devions travailler 14h par jour pendant 7 jours, c’est-à-dire 98h. Nous payer 200€ c’était nous payer 2€ de l’heure, pour un travail pour lequel nous étions qualifiés (directement en lien avec notre master professionnel), que nous n’avons pas choisi et dont nous subissions les contraintes matérielles (frais liés au déplacement principalement). Je ne parle même pas du fait que nous avons dû rater des cours pour aller à ce stage, qu’il aura par la suite fallu rattraper.
D’autres propositions de stage ou (certains osent appeler un chat un chat) de bénévolat de tout le pays nous ont été transmises par le responsable de notre master. Je me dis que si ces entreprises contactent le responsable pédagogique de mon master professionnel et qu’ils ne passent pas par des réseaux d’offre de stage plus impersonnels, c’est sans doute qu’elles mesurent que nous disposons de compétences professionnelles dans les domaines qui les intéressent. Or, qu’il s’agisse d’un événement d’un week-end ou d’un stage plus long, aucune entreprise n’offrait de rémunération. Que doit-on comprendre ?
Je suis choquée par le comportement de ces employeurs qui se tournent vers moi (vers moi, vers toi, vers nous quoi) ou qui acceptent ma (ta, notre) candidature mais qui refusent de nous payer. Pourtant ma (ta, notre) force de travail a une valeur économique et j’oserai même dire que les études que nous avons faites en investissant du temps et plus ou moins d’argent ont aussi une valeur économique qui doit être reconnue par un salaire. Je suis choquée par les services d’orientation de l’université qui nous apprennent à nous « vendre » à des entreprises qui nous auront gratos tout le temps que dureront nos stages (et dans ma filière on compte généralement 10 ans de stage quand on est optimiste). Je suis choquée par notre, ton, et surtout mon comportement qui après s’être plus ou moins indigné (« mais quand même c’est de l’esclavage »), accepte un travail chez un employeur pour qui on va créer de la richesse et qui ne va pas nous payer sous prétexte que ce stage fait partie de notre apprentissage. Je pourrais encore m’étendre sur la qualité de cet apprentissage, souvent réduit à des tâches répétitives et sans responsabilité, mais j’essaye de rester optimiste pour ce stage d’un mois que je viens de décrocher, aujourd’hui bac+6, pour lequel je suis qualifiée et où je ne serai évidemment pas payée.
O :
Cela peut sembler idiot, mais je n'ai jamais vraiment expliqué à mes proches la situation que j'ai vécu, je n'ai jamais énoncé ce qui suit. Je suis graphiste de formation. Diplômée d'une école d'arts graphique reconnue par l'État (niveau II) qui coutait environ 10 000 à l’année. Pour en arriver à ce diplôme j'ai déjà pas mal ramé, des petits boulots dès mes 18 ans, le week-end, les vacances et même quelques heures pendant les journées de cours. Sans compter les trois heures de transports par jour pour me rendre à l'école. Nos profs ne nous absolument pas expliqué la réalité de notre métier, tout était idéalisé... Deux mois après avoir célébré ce diplôme tant souhaité, je décroche un premier CDD. Je vois les personnes de ma promo avoir plus de difficulté. C’était « une agence de com’, design, pub, web et strat ». Dès le début je ne me sentais pas à l’aise, mais j’avais maintenant un appart à payer et un prêt à rembourser. Je donne tout ce que j’ai, je m’entends bien avec collègue… CDD renouvelé ! 5 mois de plus. Pareil, je ne compte pas mais heure, je suis affiliée cadre et de toute façon les heures sup ne sont pas payées. Des coups de fil à 23h, même le vendredi soir. Des dimanche à bosser chez moi pour prendre de l’avance. Des briefs à 19h pour une prez client le lendemain à 9h… Bref, le quotidien en agence. Fin de CDD, ils ne peuvent pas m’avoir de CDI. Chômage.
Je fais une pause, j’ai 26 ans, ça fait des années que je ne suis pas partir en vacances, des années que je n’ai pas eu plus de quelques jours consécutifs de repos. Deux mois plus tard, l’agence me demandent si un CDI m’interesse, je dis oui, un CDI c’est le graal ! Par contre pas d’augmentation possible pour le moment. Donc en signant je gagnerais moins qu’en CDD. 1440e net. Je reprends le poste d’une fille qui a démissionné pour se consacrer à son enfant, elle était senior. Les mois se suivent, tous pareil. Un nouveau arrive dans l’équipe, il est plus jeune que moi, sort de l’école, meilleure paye que moi. Je me bats pour valoriser mon travail, je continue à être là, à aider mes collègues dès que je peux. Les gens aiment bien bosser avec moi. Je commence à faiblir, à me poser des questions. Toujours pas d’augmentation, pas de valorisation. Je pleure le soir quand je rentre. Puis à l’agence, je m’enferme dans les toilettes pour me vider l’esprit. Je craque, je vais voir le médecin, il me prescrit des somnifères. Je tiens plus, arrêt maladie, d’une semaine. Et encore une de plus. Anxiolytiques, anti dépresseurs, somnifère, psychiatre puis psychologue.
Rien n’y fait, je continue de sombrer, je perdu plus de 10kg, ne dors pas, ne mange pas. Je me sens mal, bonne à rien, nulle dans mon travail. Je commence à me faire du mal pour évacuer la douleur. Mon boss, me donne moins de boulot sans me dire pourquoi, ça à un effet dévastateur, je pense que je ne suis pas assez bien, pas assez créative, pas assez gentille, pas assez… Je lâche totalement, depuis déjà quelques temps je ne mange plus avec mes collègues, je m’isole. Rendez-vous avec mon boss en juin 2015, on s’explique. Il a pas bien géré la situation, il s’en excuse. Mais il voit que c’est trop tard. On parle de rupture conventionnelle pour la première fois. Fin aout 2015, je pars de l’agence avec la rupture conventionnelle. Entre temps j’ai commencé une nouvelle thérapie (pas prise en charge par la sécu), je me sens mieux, plus de cachets, plus de crises d’angoisse, je dors, je mange, j’ai repris du poids. J’en ai profité pour changer d’appart, rencontrer de nouvelles personnes. Depuis c’est le chômage. Mes parents arrivent à m’aider financièrement, ils m’ont soutenu pendant tout ce temps et ils continuent aujourd’hui. Je sais que je ne travaillerais plus dans cette branche. Pourtant, ce travail me passionnait.
C’est justement par passion que je me suis orientée dans le graphisme, dès le lycée. J’ai changé, je ne pourrais plus fermer les yeux. J’ai besoin de sens à ma vie, mes actions. Alors je cherche tranquillement ce que je pourrais faire de ma vie. J’ai des idées, je creuse un peu… Je n’ai pas grand chose comme allocations et la vie à Paris ce n’est pas donné, c’est un peu la galère passé le 15 du mois. Mais à bientôt 30 ans, je suis détendue et heureuse !
Je ne parle pas du fait que le monde de la pub est un milieu particulier, y travailler en tant que femme peu être compliqué. Les remarques sexistes, la mise à l'écart pendant les brainstormings parce que bon je suis une femme, les regards lourd de sens, la drague un peu subtil mais pas trop... Beaucoup d'hommes blancs, très peu de minorités chez les créas. Une pseudo ouverture d'esprit, mais des blagues racistes, sexistes... "Oh mais ça va on peut rire hein". Bref, il s'agit là d'un autre problème je pense mais ça s'est ajouté à mon histoire.
S :
En matière de précarité, l’Etat s’autorise des choses qui seraient clairement impossibles dans le privé : travailleurs sans contrat, paiement avec un an de retard, multiplication des emplois très courts et sans protection sociale... C’est bien visible dans l’enseignement supérieur : tout le système universitaire repose sur l’exploitation des personnels précaires, en particulier en matière d’enseignement, où les précaires assurent au bas mot 40 % de l’enseignement (voir le livre récent de Christophe Granger, La destruction de l’université française, La Fabrique, 2015). Pour une même heure de cours, un-e vacataire coûte dix fois moins cher qu’un-e professeur-e, alors pourquoi se gêner ?
Le truc, c’est qu’on ne vous dit pas dès le départ comment ça va se passer ; que vous allez finir, au bout de quelques années, tout en bas de l’échelle des rémunérations et en situation de précarité extrême. Si vous avez la chance de décrocher un contrat doctoral, en début de thèse, les choses semblent même plutôt bien. Pendant trois ans, vous êtes payé-e correctement (1300 euros net sans cours, 1550 euros avec une petite charge de cours) pour faire de la recherche. Ce qu’on ne vous dit pas, c’est que ça sera le moment le plus stable de votre carrière universitaire jusqu’à ce que vous décrochiez un poste - si vous faîtes partie de la petite minorité d’heureux/ses élu-e-s qui y arrivent. Parce qu’un contrat doctoral, ça ne dure que trois ans, et ce n’est pas renouvelable.
Ensuite, vous pouvez être ATER, mais ce sont des contrats d’un an, renouvelables une seule fois (sauf pour les fonctionnaires), et beaucoup moins bien payés que le contrat doctoral : la majorité des ATER sont à mi-temps et gagnent 1200 euros net, pour une charge de cours supérieure à celle du contrat doctoral. Et si vous décrochez un poste à plein temps, c’est certes 1700 euros environ, mais pour une charge de cours équivalente à celle d’un MCF – trois fois plus que ce que vous faisiez durant le contrat doctoral pour seulement 150 euros de plus par mois.
Mais même la situation d’ATER est enviable par rapport à la suite. Après trois ans de contrat doctoral et deux ans d’ATER (et là on parle déjà d’une toute petite minorité de privilégié-e-s qui ont décroché ces contrats), c’est le vide. Si vous n’avez pas soutenu votre thèse, le seul moyen de continuer à la financer est de pointer à Pôle Emploi, pour même pas 1000 euros si vous sortiez d’un contrat d’ATER à mi-temps – une somme qu’il faut nécessairement compléter par des vacations, souvent avec le régime d’auto-entrepreneur, qui vous force à payer des charges sociales en plus. En travaillant l’équivalent d’un ATER à mi-temps, vous arrivez désormais péniblement à 300 euros par mois – le tout dans l’illégalité si vous ne les déclarez pas à Pôle Emploi pour éviter de les voir déduits de vos allocs. Pour ma part, en deux ans de chômage, je n’ai pas eu à aller au-delà des vacations et de tâches de secrétariat, mais combien de collègues doctorant-e-s ou jeunes docteur-e-s ont dû aller faire les marchés, au noir, en se levant à 5 heures du mat’, pour boucler leur thèse ou continuer à faire de la recherche ?
Au bout de deux ans, les allocations s’épuisent, vous avez souvent fini votre thèse, et la loterie commence. Les postes de titulaires arrivent au compte-goutte, les candidatures prennent un temps démesuré par rapport aux chances de succès, mais il faut les faire. Et en attendant il faut bien continuer à vivre, si possible en faisant de la recherche. Les solutions sont minces, et reposent presque exclusivement sur le copinage : tel petit contrat « post-doctoral » dans tel projet, souvent peu lié à ses propres travaux et comprenant une large part de tâches administratives. Je me considère chanceux : pendant deux j’ai eu un poste d’ingénieur de recherche (en vrai, du pur secrétariat) à mi-temps, 800 euros par mois. Pour vivre, j’ai pu compter sur la générosité de ma compagne – comment font ceux et celles qui n’ont pas cette chance ? Et bien sûr, quelques vacations, sans contrat de travail, payées avec retard et à un tarif de misère, mais qu’il faut accepter avec reconnaissance quand on vous les propose, parce que vous êtes sur la sellette en permanence : ce sont vos « collègues » qui vont décider si au final vous aurez ou non un poste.
Ce n’est qu’au bout de neuf ans d’enseignement et de recherche à l’université que j’ai pu (par copinage évidemment) décrocher un véritable post-doctorat d’un an renouvelable, à 1700 euros par mois – pas cher payé pour un docteur avec 9 ans d’expérience, mais ça permet de vivre. Et il a fallu deux ans de plus, soit 11 ans en tout après avoir commencé à enseigner, pour que je sois recruté à un poste de titulaire – une chance incroyable vu l’état du marché de l’enseignement. Pour en arriver là, il a fallu avaler beaucoup de couleuvres, passer un temps infini à faire du réseau et à monter des candidatures au lieu de faire de la recherche ou de l’enseignement, et surtout ça n’est possible qu’à la condition d’avoir un soutien financer direct ou indirect extérieur permettant de tenir sur la longueur. Cerise sur la gâteau : si vous avez finalement la chance d'être finalement embauché-e, vous découvrez que ces centaines d'heures de cours, ces milliers d'heure de travail précaire, mal rémunéré, épuisant, tout ça n'est pas pris en compte dans le calcul de l'ancienneté. Vous avez travaillé pour rien, ou presque.
Alors oui, clairement, chercheur-e-s précaires ou ex-précaires, on vaut mieux que ça.
Y :
J'ai pour ma part 48 ans, et 23 ans de passé professionnel dans une grande entreprise de service public, dans laquelle je suis journaliste, après un parcours en sciences po et école de journalisme, et des études auto financées depuis le baccalauréat. J'ai été vendeuse, nounou, gouvernante "chez des riches", j'avais des objectifs, des rèves, et la certitude que, si je le veux vraiment, rien n'est impossible. J'en ai bavé, et mon embauche, immédiatement en sortie d'école, a tenu du miracle.
Rapidement, j'ai voulu agir pour "la collectif", je me suis syndiquée, j'ai pris des mandats... Aujourd'hui, je suis toujours élue du personnel, je suis même déléguée syndicale centrale. et si je m'écoutais, je pleurerais tous les jours. Je n'ai jamais pu changer quoi que ce soit, La concertation, le dialogue social, ce ne sont que des mots, Le travail "en mode projet", ce n'est qu'une expression sans réalité. Le "bien être des salariés", un mensonge. Les risques psycho sociaux, un phénomène qu'on prétend combattre par du "process". Et les négociation en entreprise, mise en avant par le gouvernement... une mascarade. Même pas un rapport de force - face aux menace de fermeture de site / licenciements / non recrutements etc., qui peut négocier ???
La compétence est secondaire. On privilégie la docilité, la lâcheté, pas une tête ne dépasse, pas d'aspérité, pas de questions. Tout est organisé, règlementé, pour assurer la bonne marche de l'entreprise. Mais sur le terrain, de moins en moins de soldats, de plus en plus de généraux et d'administration.
Tout cela avec notre complicité, nous salariés. Les CDI, qui ne viennent au boulot que pour toucher une paye à la fin du mois. Les CDD, obligés d'accepter des conditions de travail de plus en plus irrespectueuses de leurs compétences et de leur vie personnelle - sinon, ils giclent, les écoles produisent de la chair fraiche tous les ans... Les cadres, qui exécutent les directives venues du haut sans contester - leur part variable en dépend. Les syndicats, qui pour certains veulent co gérer l'entreprise et assoient leur représentativité sur un clientélisme honteux et caché. Des instances représentatives du personnel qui acceptent de ne plus être des lieux de débat et de contestation, mais simplement des chambres d'enregistrement.
Pourquoi c'est grave? Parce que je travaille dans une entreprise de service public, un grand média audiovisuel. Nos façons de travailler sont le reflet de notre antenne, de nos journaux: pas de vagues, on fait simple pour ne pas susciter de questionnements, on positive.
Qu'est ce qui marche? Le fait divers, la météo et l'anecdote. Alors on sert la soupe. La nouvelle marotte? Une chaine tout info et des sujets "positifs" sur l'économie. Pour permettre à M. Hollande de mener campagne en 2017? Ce n'est pas dit, mais tout le monde le pense très fort.
Quand je lis les témoignages publiés, j'ai peur. Pour mes enfants, 15 et 19 ans. Pour "mes" CDD, que j'essaye de conseiller, d'entourer, de rassurer. Pour nos métiers, galvaudés et réduits à un assemblage de compétences et de polyvalences.Pour nous, la génération des 45 - 55 ans, qui n'a pas su prendre sa place et penser un projet de société pour les générations futures. Pour ceux "d'en bas", les fragiles sur lesquels il est facile de taper. Et qui ne sortiront pas de leur misère, parce que le déterminisme social a fait son retour. Tout comme le cynisme des dirigeants, qu'ils soient issus de la sphère politique ou économique.
B :
La situation que je vais décrire ici n’est pas directement la mienne. Mais la personne concernée étant plus ou moins illettrée (donc ne fréquentant jamais ce site) et dotée culturellement de cette dignité fière et de cette abnégation courageuse qui l’empêche, en toutes circonstances, de se plaindre (ou d’en avoir l’air), je me permets de témoigner à sa place. Par ailleurs, cette personne étant mon épouse, vous comprendrez que je suis à la fois informé et légitime pour le faire.
Appelons-la A. Elle est de nationalité malienne, c’est-à-dire qu’elle est Noire (adepte d’Aimé Césaire et de Cheikh Anta Diop, je ne m’embarrasse pas d’euphémisation qui appelle un chat « Felis Sylvestris de la famille des félidés »)
Il y a un peu moins de 10 ans, A, qui venait d’être « régularisée » après 3 ans de clandestinité, car elle devenait « mère d’enfant français » (ma première fille), trouva un emploi dans une entreprise locale de nettoyage. Appelons-la la « Boîte ». Cet emploi, contractualisé en CDI (ça ne se refuse pas ! ) à hauteur de 20h hebdo, consistait au début à nettoyer toutes sortes de locaux professionnels dans l’agglomération de la « grande ville » proche : bureaux divers dans des entreprises variées, maisons particulières, locaux sur l’aérodrome local, nous apprîmes à connaître les adresses de tout un tas d’acteurs économiques… car A (qui n’a toujours pas le permis de conduire) devait se rendre sur site par ses propres moyens pour assurer le « ménage » de ces locaux : 2h ici à 6h du matin, puis 1h là-bas à 9h30, puis 2h ailleurs à midi, etc. Les transports collectifs étant ce qu’ils sont, il m’arrivait fréquemment de lui éviter des heures de bus ou de tramway (qu’elle empruntait avec son vélo, pour pouvoir rejoindre des lieux non desservis) en l’amenant moi-même sur site, en particulier le matin très tôt ou le dimanche. Elle partait (ou nous partions) donc aux aurores 6 jours sur 7 pour revenir vers 16h à la maison… en ayant effectué 5h de travail « réel », c’est-à-dire « payées ». .. pour un salaire net d’environ 500 € !
Notons au passage que ce métier, qui s’appelle dans le jargon « agent d’entretien qualifié », nécessite normalement une formation car il utilise des produits et techniques spécifiques… A s’en passa très bien et appris toutes les subtilités du job en quelques jours.
Très vite, moi qui suit très au fait du « droit du travail » pour des raisons familiales, je l’interpellais sur ces « conditions de travail » qui me semblaient parfaitement illégales : salaire réel insuffisant, non-respect de la convention collective concernée (fractionnement du temps de travail, entre autre), indemnité de transport microscopique, etc. Je lui proposais de l’aider à faire valoir ses droits… mais ce qui peut nous paraître (à nous « autochtones » cultivés) scandaleusement évident, se révéla plus « complexe » dans la réalité : tout d’abord, A était trop heureuse et fière d’accéder à un peu d’indépendance économique pour barguigner sa condition. Ensuite, la totalité des salariées de la Boîte sont des femmes (mères) Noires et Arabes plus ou moins dotées de « papiers » et dont la situation économique et culturelle les tient assez éloignées de toutes connaissances du Droit et de toutes représentations dignes de ce nom.
Ensuite, et c’est tout le charme de cette histoire, le patron de la Boîte, un émigré portugais de longue date, se révéla être un type charmant et généreux ! Bosseur s’il en existe, aussi illettrés que ses salariées et doté d’un accent inimitable, il avait lui-même fait ce boulot harassant de longues années avant de « monter » sa propre boîte. D’ailleurs, sa propre femme, portugaise comme lui, était salariée aux mêmes conditions et, lui-même, ne rechignait pas à travailler au côté de ses employés. Au gré des circonstances de la vie, sans être des « amis proches », nous nous fréquentâmes. .. Je pu vérifier que son train de vie très modeste ne révélait aucune extorsion de plus-value abusive. C’était comme ça : il « bricolait » comme il pouvait en étant un maillon de cette chaîne dégueulasse qu’on nomme « sous-traitance » et employait des gens qui était prêts à bosser, à n’importe qu’elles conditions. Donc, des « immigrés ». Un peu paumé dans le maquis législatif, il sous-traitait lui-même la gestion des salaires à un prestataire, à 200km, qui s'en portait très bien. Mais il n’y avait pas un mois sans que des erreurs ne soient constatées sur les bulletins de paie : décompte des heures, taux des récup ou des heures supp, congés, etc.
Comme A se révéla être sa meilleure salariée par son engagement, son perfectionnisme (« l’amour du travail bien fait », une notion partagée universellement chez les gens « biens ») et son courage, elle avait toute son écoute. Elle put, au bout de quelques années, négocier un autre poste de travail qui semblait moins « contraignant » : Il la « plaça » sur un hôtel d’une grande chaîne nationale (appelons-la « First ») dont la Boîte venait d’obtenir la sous-traitance du nettoyage des chambres. Un seul lieu de travail aux mêmes conditions (CDI de 20h hebdo, je le rappelle) : la situation d’A devenait idyllique ! Elle partait le matin à 8h15 pour revenir vers 15h…
Pourtant, à l’usage, ce nouveau travail se révéla tout aussi foireux : 6 jours sur 7, 3 dimanches sur 4, prévenue bien souvent la veille de son congé (ou non) hebdomadaire… A ne gagnait plus que 400€ ! Je m’enquis des raisons de cet état de fait et découvris une chose incroyable : ces femmes (toutes mères de famille, la trentaine sonnée, Noires pour la plupart), étaient PAYEES A LA TACHE !! A LA TACHE ! Vous m’entendez, bonnes gens du XXIème siècle ?
En effet, peu importe qu’elles soient sur site entre 9h et 14h, à attendre parfois le bon vouloir de certains clients à quitter leur chambre, elles touchaient 1 heure de salaire (au « smic ») pour 9 chambres ! Soit moins de 7mn par chambre… quand on connaît un peu le boulot de « faire une chambre », c’est juste du délire ! Peu importe aussi que le contrat d’A lui donne droit à un salaire net plus proche de 800€ que de 400… aucune espèce de « droit du travail » n’était respecté dans cette affaire.
Révulsé qu’une telle situation puisse avoir cours dans MON pays, je fis pression sur A pour qu’elle fasse valoir ses droits, quitte à traîner notre « ami » portugais devant les prud’hommes… là encore, il faut connaître la mentalité et la situation des immigrés en France pour comprendre que les choses ne sont pas aussi simple. Bref. A, qui du fait de son autorité et de sa respectabilité naturelle était devenue la « porte-parole » de ses collègues de galère, porta un certain nombre de revendications directement à l’oreille du directeur de l’Hôtel « First » qui, de son côté, jamais en reste d’exigence de qualité dans le travail des « femmes de chambre », ignorait complètement leurs conditions réelles de travail puisqu’il se contentait, pour en juger, des contrats « papier »qui lui avaient été présentés : scandale ! Remous en tout genre pendant quelques semaines, le patron de la Boîte perd pieds. Il tente de se faire remplacer dans ses responsabilité en plaçant son fils à la tête de la Boîte, en espérant probablement que la jeunesse de celui-ci, son niveau culturel et sa combativité allaient tirer d’affaire son entreprise… mauvais choix : le fils est d’une autre génération, moins bosseuse et « respectueuse » ( !!), plutôt « prend l’oseille et tires-toi » ! Catastrophe. A craint un moment que First se débarrasse de ce sous-traitant indélicat : le licenciement.
Et bien non. Croyez-moi si vous voulez, mais la situation fut réglée en 2 semaines, comme par magie : First réussit à imposer un nouveau patron à la Boîte (une femme, blanche, en l’occurrence) et les salariées purent garder leur emploi : pas de changement de contrat, assouplissements de certaines « règles » (le temps sur site est maintenant comptabilisé, par exemple), sensiblement aux mêmes conditions salariales : A gagne maintenant 500€ !
Je n’arrive toujours pas à comprendre comment c’est possible. Comment le contrat de ma femme n’a pas bougé, ni le nom de la Boîte sur son bulletin de salaire… comment First a réussi à changer la direction du sous-traitant et continue de fermer les yeux sur l’illégalité du traitement salarial de ces « femmes de chambre ». Mais, croyez-moi, c’est comme ça.
J’ai essayé de raconter cette histoire le plus brièvement possible, en évitant des dizaines d’anecdotes toutes plus incroyables les unes que les autres mais qui révèlent toujours la même chose : deux mondes (au moins) qui se croisent et s’entrecroisent, sans se connaître, sans se comprendre, mais qui savent « s’exploiter » mutuellement selon leurs propres « règles », hors de toutes législations.
De son côté, A espère une chose : pouvoir se faire financer une formation d’Aide Médico-Psychologique pour travailler, comme la plupart de nos amis africains, dans les maisons de retraite.
Pour ma part, je regarde encore un peu différemment les femmes de chambre lorsqu’il m’arrive de fréquenter un hôtel et j’ai de plus en plus de mal à participer aux conversations politiques avec mes amis de « gauche » (je ne fréquente pas de gens de droite, bêtement, par atavisme peut-être) qui, en fait, ne veulent pas entendre trop parler de la situation réelle des immigrés salariés : trop « misérabiliste » ai-je déjà entendu, trop « musulmans », trop problématiquement instrumentalisé quant aux conséquences sur le « statut ouvrier »… une indignation sur le sort des migrants est bien plus romantique et exaltante qu’une descente aux enfers du « nouveau prolétariat ».
Et pourtant… si l’on espère que la devise de notre République ne devienne pas Liberté (pour les entrepreneurs), Egalité (pour les Blancs), Solidarité (ethnique), il faudrait que la classe sociale éduquée « de gauche » cesse de se branler sur les Droits de l’Homme en lisant Le Monde et Libé, et commence à s’occuper du sort réservé aux gens qui vivent ici.
Pour en revenir au combat qui nous occupe : oui, « on vaut mieux que ça ». Mais qui est ce « on » ? Car soyez conscients que la destruction du Droit du Travail n’est pas seulement un avenir à éviter. C’est un présent déjà vécu. Par certain(e)s.
A :
Au sortir de mes études j'ai contacté un centre de recherche qui a déclaré avoir du travail pour moi à conditions que je sois auto-entrepreneur. Je n'étais pas vraiment emballé par l'idée mais entre continuer la recherche d'emploi et avoir une nouvelle expérience j'ai accepté.
Intellectuellement et financièrement l'étude paraissait attrayante. Le sujet était intéressant. Elle émanait d'un Gouvernement Etranger qui avait mandaté un Centre de Recherche de renommé international qui lui même avait passé commande au Centre de Recherche auquel j'avais postulé qui lui m'avait demandé d'être auto-entrepreneur pour participer au travail.
Très vite je me suis rendu compte que les délais fixées et l'ambition de l'étude étaient intenables mais sur le contrat que j'avais signé figurait des obligations de résultats et non pas de moyens....D'ailleurs des moyens au départ je n'en n'avais aucun, le centre de recherche refusait de m'octroyer un bureau et du matériel, et préférait que je travaille depuis chez moi (avec mon ordinateur perso) de peur qu'en prouvant que j'avais été là tous les jours je ne puisse les attaquer pour travail dissimulé...
Puis ils ont fini par comprendre que pour travailler avec eux et avoir accès aux documents il était plus commode que je sois dans le centre de recherche...J'ai donc un le droit à un bureau mais je n'étais pas déclaré (j'ai donc du faire profil bas).
Ils se sont également rendu compte que l'ambition fixée n'était pas adaptée aux moyens et que les délais étaient intenables(2 mois initialement) même pour eux qui sont des chercheurs confirmés. J'ai fait une croix sur mes week-ends pendant 4mois, j'ai pas compté mes horaires (9h-20h au bureau puis 21h-minuit chez moi), ils étaient contents de mon travail. Ils m'ont déclaré qu'ils me verseraient un nouveau montant pour compenser les moins supplémentaires. Mais l'autre Centre de Recherche (celui de renommé international qui leur avait commandé l'étude) n'a pas réagit de la même façon au retard et à décider de ne pas honorer le montant du contrat. Ils ont donc déclarer qu'ils étaient en incapacité de me payer: au départ ils ont même parlé de revenir sur la somme initialement prévue, en deux jours il n'était plus question de me payer pour les mois supplémentaires mais de ne même plus honorer le montant initial (alors que j'avais passé deux fois plus de temps que prévu).
C'est à ce moment là, qu'on se rend compte à quel point le rapport de force est déséquilibré :
- moi je ne suis rien qu'un jeune sans expérience et en tant qu'autoentrepreneur je ne répond à aucun droit du travail. Je dois fournir un rendu comme une marchandise et tant pis s'il est irréalisable! Tant pis si les conditions font que le salaire mensuel réel est bien inférieur au smic pour des horaires que je ne compte pas. Tant pis aussi si les termes du contrat sont mal écris, qu'ils m'engagent moi à rendre les études finalisées: alors que c'est toute une équipe qui a été mandaté par le centre de renommé international et que c'est en équipe qu'elles ont été effectuées... Tant pis si finalisée ça ne veut rien dire sachant que c'est le chef d'equipe qui fixe ces exigences et décide sans cesse de rajouter et d'enlever et de rajouter des choses, jusqu'à ce ça lui convienne et qu'importe le temps que ça me prendra....... Moi je n'ai aucun recours possible, aucune personne pour plaider ma cause. On achète un tas de feuilles que je dois rendre, et on se moque du temps que ça me prendre et de mes conditions de vie.
- En face il y a un centre de recherche et des chercheurs expérimentés qui ont tout un réseau dont j'aurai besoin si je veux continuer dans le milieu...
Le débat est posé :
- Soit je pars et je compromets mon avenir dans le milieu, soit je continue à travailler quelques mois supplémentaires (encore deux mois de plus) et le contrat initial sera honoré et je recevrai une petite prime. Cela me permettra aussi de mieux valoriser le travail d'aller jusqu'au document "finalisé" et de ne pas me griller dans le réseau. Résultat c'est reparti pour les mêmes conditions de travail pendant 2 mois de plus. J'ai travaillé 6 mois pour un salaire mensuel réel bien inférieur au smic, j'ai pas eu de vie (mais c'est normal je fais de la recherche : c'est ce qu'il y a de plus important et de passionant au monde ... donc il serait incompréhensible que j'ai envie de faire aussi autre chose de mon temps),je n'ai même eu de contrat qui me permettait d'accéder à un logement perrein (puisque je devais initialement avoir un contrat de 2 mois, je suis donc passé de sous loc en sous loc) et j'ai le droit à rien: rien à la fin du contrat, et surtout aucun droit pour garantir mes conditions de travail (et de vie).
On vaut mieux que ça !!!!
P :
Je suis un jeune de 23 ans, diplômé d’une école de son. A la fin de mes études, pour valider mon diplôme je dois réaliser un stage dans une entreprise.Je trouve rapidement une petite association,faisant de la formation; qui accepte de me prendre en stage. J’y ai passé 3 ans.
La première année est relativement simple. A mon entrée dans la boite, mon tuteur de stage, un jeune homme de mon âge qui était dans la boite depuis un an en CUI CAE me prévient. Le patron est une personne extrêmement compliquée, toujours dans la négociation avec ses employés pour les payer au minimum, il paye en retard, n’assume pas ses erreurs et a besoin de ses employés pour faire tourner sa boite et que lui en soit simplement l’ordonateur (comprendre : le donneur d’ordre,… « je les paye, ils doivent faire le travail…TOUT le travail"). Lui (mon tuteur de stage) a un CUI CAE de 26 heures sur lequel le patron lui a demandé de travailler 35h (un travail de 35 heures donc payés 26….).
Il n’est pas le seul à me prévenir, les secrétaires et autres ingénieurs du son (temporaires eux puisqu’auto entrepreneurs) m’ont eux aussi mis en garde. Après 3 mois de mon stage, le contrat de mon tuteur arrivant à sa fin, il part sans le renouveler. Je me suis donc retrouvé seul ingénieur du son permanent de la boite NON REMUNERE puisqu’encore stagiaire et n’ayant pas dépassé la limite des 4 mois au bout desquels le stagiare DOIT ÊTRE REMUNERE. A ce moment je suis bien content de ma situation, il me semble que me garder puis me proposer une gratification est gage de mon sérieux et de la qualité de mon travail. Stagiaire non rémunéré d’abord, on me propose de prolonger mon stage et de me rémunérer…. Je me crois sur la bonne voie, fraichement sorti de l’école on me garde comme stagiaire puis on me propose de me rémunérer…GENIAL. De plus, je suis seul ingénieur du son avec des responsabilités dans l’entreprise et il me semble que sur un CV ce point était très intéressant.
Après quelques temps en tant que stagiaire, il m’est proposé à moi aussi de signer un CUI CAE aux mêmes clauses que mon tuteur parti alors depuis quelques temps (35h payées 26). Ayant recement emmenagé avec un colocataire il me faut continuer à payer un loyer et pour l’instant il me semble que cette situation n’est pas si mal. J’accepte donc.
Je découvre par la suite que les heures supplémentaires ne sont pas payées et les jours fériés travaillés (non payés…. bien entendu). A la fin de ce premier contrat je re-signe , non sans négociations pour un contrat de 20h travaillées / 20 h payées et (en théorie) les heures supplémentaires remunerées (incroyable n’est ce pas, que de devoir négocier le paiement de ses heures supplémentaires…..) , il s’engage aussi à prendre un stagiaire pour m’epauler puisqu’il voit bien que la masse de travail augmente…Je n’en ai jamais vu la couleur. Entre temps un des ingénieurs du son intermittent (c’est le terme exact à employer, car il n’était pas dans la boite de façon permanente, mais ne nous méprenons pas, il était auto-entrepreneur….et rémuneré comme tel= pas de cotisations patronales, un tarif fixé en accord avec le patron, soit 10 euros de l’heure….) est parti, je récupère donc son travail. Il se trouve aussi que dans cette association ,il y a une boite de production (dont le patron est la même personne…. ce qui lui permet de se faire payer des prestations extérieures). Prestations pour lesquelles il emploie les ingenieurs du son intermittents (mais auto entrepreneurs de statut, vous suivez?).
Au départ de l’un d’entre eux,donc, j’écope de ce travail. Là où cet ingénieur du son facturais ces heures, c’est pour moi simplement du travail supplémentaire sur lequel je ne touche rien (puisque salarié, »quelque soit la quantité de travail, je te paie le même salaire, est c’est normal que le travail soit fait » ai-je entendu me dire mon patron ….. notons aussi que souvent ce travail en plus me fait faire des heures supplémentaires…. mais puisque sous ce nouveau contrat mon patron devait me les payer…..). Plusieurs fois il m’a dit qu’il voyait bien que je faisais des heures supplémentaires, mais que nous nous arrangerions. J’ai été malade 3 fois, à chaque fois il m’a appelé, et je me suis senti coupable d’être malade.
Je pensais sans cesse à mon travail, à ne pas commettre d’impairs à être droit. A bien travailler, il n’était jamais satisfait, ou s’il l’était, il ne le montrait pas. « La reconnaissance silencieuse ne sert à personne » mais je déjà entendu dire… Une fois un des clients m’a ramené un chien dont la tête remue et a décidé de m’appeler « mon chien ». Ce qui a fait rire mon patron. A la fin de mon contrat, mon patron a décrété tout de go qu’il n’y avais pas eu d’heures supplémentaires effectuées chez lui (après comptage il y en a près de 400). Je suis donc allé lui réclamer le paiement de ces heures. Il est sorti de ses gonds me disant que « j’aurais dû le payer pour ce que j’ai appris dans son entreprise » que je lui coutais « près de 1000 euros par mois » (une somme quand on sait qu’en CUI CAE, les cotisations sociales de mon contrat étaient prises en charge par l’état à 60% et que mon salaire mensuel était de 640 euro .Rajoutons à cela que la définition même du CUI CAE stipule que ce contrat est un contrat de formation).
J’ai donc claqué la porte. Humilié au plus haut point, exploité jusqu’au bout, je me sens coupable d’avoir pu croire quel le travail méritant était récompensé dans cette boite. Aujourd’hui encore je ne suis pas serein, il a oublié de me donner les attestations de fin de contrat (qui n’ont pas été faites) ce qui bloque mes droits au chômage, j’attends encore un retour du courrier recommandé que je le lui ai envoyé. Je réalise seulement l’emprise qu’il a pu avoir sur moi et la bêtise dont j’ai fait preuve en ne faisant pas plus valoir mes droits.
Pas de misérabilisme pour le moins, je ne veut personne d’apitoyé sur mon sort, juste une prise de conscience de la manière dont peuvent être utilisés ces « contrats aidés » sur des jeunes peu stables ayant la pression d’un marché du travail complètement saturé. Mon inaction, mon absence de protestation si elle est en grande partie de ma responsabilité, vient aussi du fait que seuls face à se genre de situations, nous ne nous sentons pas en position de faire valoir nos droits. Montrons la réalité du monde du travail, montrons que nous sommes nombreux, seuls face à nos chefs à devoir « négocier » nos droits. Montrons que nous ne sommes pas seuls, et que nous valons mieux que ça….
JC :
C'est l'expérience d'un salarié et d'un syndicaliste, CGT, que je veux exprimer ici. J'ai travaillé dans une association de formation, nationale. J'ai été mandaté pour des mandats d'IRP (délégué syndical, représentant syndical CE, ...). J'ai essayé de faire vivre ces mandats, au regard des obligations de l'employeur (NAO, réunions du CE et du CHSCT). La direction se moquait de ses obligations. Elle ne les respectait pas. Certains de ses représentants s'en vantaient même. L'Inspection du Travail a essayé de peser, mais dans les faits, elle a été neutralisée, elle est devenue impuissante. Et quand elle produit un PV substantiel, la "Justice" le classe, sans suite.
De nombreux droits fondamentaux des salariés sont niés : ils ne les connaissent pas, ou alors, font comme si, mais parfois, ils osent aller aux Prud'hommes. Là aussi, l'Inspection du Travail sait tout, acte tout, mais ne parvient pas à peser, parce que le Ministère du Travail protège les directions délinquantes. Ce Ministère est complice des infractions et des délits. Il faudrait, syndicalement et au-delà, s'interroger sur ce que nous pouvons faire pour nous opposer à un tel favoritisme envers la grande délinquance patronale. Cette impunité, elle est favorisée par la Justice-qui-classe (Justice-de-classe ?), et par l'absence d'enquêtes des médias (ne parlons même pas de ceux qui sont la propriété des milliardaires...). Ces faits contribuent au desespoir et à la colère des salariés, qu'ils soient syndiqués ou non. Cette impunité est scandaleuse, criminelle, à plusieurs niveaux, humain, évidemment, économique, aussi, puisque tous ces salaires non payés pèsent là aussi à plusieurs niveaux.
Dans cette situation, le projet de loi EK apparaît être à la fois une immense provocation, et une étape supplémentaire dans la construction de cette impunité. Je ne veux pas ici faire un trop long texte, il s'agit d'un résumé de situation, mais il y aurait beaucoup à dire aussi sur les fausses organisations syndicales, les procédures de licenciement si aisées, l'absence de surveillance et de contrôle des finances de telles structures, les procédures prud'homales très longues, ..., mais ceci sera dit, après, ailleurs, autrement, par moi et les autres aussi.
* Précision de l'auteur : Je ne suis ni à l'origine de la campagne "On vaut mieux que ça", ni ne veux prendre le crédit de cette campagne. J'ai simplement pensé que le format de Twitter était trop court, celui de Facebook, trop intime. J'ai donc demandé à mes amis de m'envoyer leurs témoignages, précisant qu'ils seraient anonymisés et recopiés comme tels. D'autres témoignages sont venus par la suite. Je ne fais que les copier ici. Si les créateurs de la campagne veulent reprendre nos textes et les publier sur leurs propres plateformes, qu'ils le fassent, ils seront les bienvenus. S'ils estiment que ce lieu n'est pas la place d'une telle entreprise, je supprimerai cette note. Tout lecteur ou toute lectrice qui voudrait ajouter un témoignage ici peut le faire, quel que soit son âge, son statut, son expérience, en laissant un message dans la boite de ce compte, ou par email à mahoudeau.alex@gmail.com.