Attention contresens ! Quel est le véritable sens du 8 mars ?
Le 8 mars, ce n'est pas la "fête des femmes". C'est la journée internationale des droits des femmes, on y célèbre la lutte pour la conquête de leurs droits.
Inutile de dire, grand seigneur pour éviter d'avoir à offrir des fleurs, "pour moi c'est votre fête tous les jours". Cette journée n'est pas un hommage ou un cadeau donné par les hommes une fois de l'an, cette journée a un sens et une visée politique. C'est un jour qui oblige les médias et pouvoirs à s'emparer du sujet en faisant le point sur ce qui a été fait et ce qu'il reste à faire, cela les contraint aussi à donner la parole aux femmes pour aborder leurs revendications. C’est l’occasion de mettre en lumière les droits acquis et les inégalités qui perdurent : les inégalités salariales, l'inégal accès aux postes élevés en raison des biais sexistes, le mépris des postes traditionnellement occupés par les femmes dans les métiers du soin, le manque de représentation dans les instances politiques et les médias, la charge mentale au quotidien, la double journée de travail, le droit à l'avortement pas garanti, les viols, les féminicides...
Quel événement historique célèbre-t-on le 8 mars ?
Le mythe retenu depuis les années 50 veut que l'on rende hommage à une grève de couturières de New York qui aurait eu lieu le 8 mars 1857 pour défendre leurs droits à la journée de 10 heures et à un salaire égal aux hommes.
D'après une enquête de l'historienne Françoise Picq, nulle trace de cet événement dont la mention apparait pour la première fois dans un article de l'Humanité 100 ans après le moment où il est censé avoir eu lieu. La Conférence Internationale des femmes socialistes de 1910 à l'initiative de cette célébration annuelle n’y faisait aucune référence.
En 1917, la journée des ouvrières qui a lieu en février pour les Russes mais le 8 mars selon notre calendrier grégorien, marque le premier jour de la révolution russe. Les femmes manifestent pour demander "pain et paix" à Petrograd et la manifestation dégénère en affrontements. C’est à ce moment que le 8 mars devient la date retenue par les communistes pour célébrer les droits des femmes en URSS et à l'international.
Yvette Roudy, ministre socialiste des droits de la femme sous F. Mitterrand, fait du 8 mars une fête nationale de la France en 1982, sans préciser à quel événement historique cette date fait référence.
Aujourd'hui, l'ONU a officialisé le 8 mars comme journée internationale des droits des femmes.
La mémoire n'est pas l'histoire et a des enjeux politiques qui visent moins à relater fidèlement le passé qu'à transformer le présent.
Le fait de ne pas établir clairement quel événement est célébré permet d’éviter de réduire la question de la lutte pour les droits des femmes à une simple version dupliquée de la lutte des classes : d’autres enjeux comme la lutte pour disposer de son corps ou les biais sexistes sont spécifiques aux femmes et c’est une dimension que ne recouvre pas le mythe de ces couturières new-yorkaises.
Mais avoir en tête l’origine socialiste, communiste et ouvrière de cet événement invite aussi à l’inverse à ne pas se limiter à une lecture bourgeoise de la lutte pour les droits des femmes. Cela permet aussi de rappeler que les femmes ont été actrices de leurs luttes et que les droits n’ont pas été octroyés mais conquis.
Alexandre Guilhem
Auteur de Comment les classes dominantes ont détourné le suffrage universel