"Si voter servait à quelque chose, ça ferait longtemps que ce serait interdit" lançait Coluche.
C'est faux. Si le vote ne servait à rien, E. Macron ne ferait pas tant de contorsions depuis juillet pour ne pas en respecter le résultat. Les décisions politiques pourraient transformer les structures économiques, résorber les inégalités, changer le quotidien des Français.
Oui, mais cela fait au moins deux décennies que les décisions politiques ne vont que dans le sens de la régression sociale, de la régression des conditions de vie, de la hausse des inégalités. Avec E. Macron, c'est flagrant: l'accaparement des richesses par une poignée de privilégiés est tel que le patrimoine des 500 plus grosses fortunes, qui représentait déjà 20% du PIB en 2017, représentait 45% du PIB en fin de mandat en 2022. Les cadeaux fiscaux offerts aux plus riches et les subventions attribuées aux grandes entreprises grèvent le budget de l'Etat avec un record historique de 1000 milliards de dette en 7 ans.
1000 milliards. La moitié de la dette accumulée durant les 40 années précédentes. En seulement 7 ans. Ce chiffre n'est pas uniquement dû à l'incurie d'E. Macron et de son ministre Bruno Lemaire. Il peut être le fruit d'une volonté de transférer les ressources de l'Etat vers des intérêts privés et en ce sens être interprété comme un succès du point de vue des classes dominantes. Si le bien commun est affecté par la dette, les créanciers de l'Etat y trouvent leurs intérêts. Aussi, cela permet de légitimer une politique d'austérité, autrement dit la casse du système de protection sociale et des services publics.
Mais, alors qu' E. Macron ne sert les intérêts que d'une minorité de privilégiés - environ 1% de la population - pourquoi a-t-il été élu et même réélu? Comment se fait-il que le suffrage universel aboutisse à désigner un représentant des ultra-riches qui défend une minorité aux dépens de tous les autres?
Le problème n'est pas tant que le vote ne sert à rien. D'ailleurs, on le voit bien, l'action d'E. Macron à la Présidence montre que les décisions politiques ont le pouvoir de bouleverser nos quotidiens: radiations et diminution des allocations chômage, travail forcé pour les allocataires du RSA, baisse des aides financières aux étudiants, inflation de l'énergie et des biens de première nécessité, recul conséquent de l'âge de départ à la retraite qui ampute les travailleurs de quelques années de liberté.
Le problème est d'abord que le vote est verrouillé en amont pour que les résultats satisfassent les classes dominantes. Le problème est que la démocratie représentative ne représente pas toutes les catégories sociales. Le problème est que l'on dépolitise les citoyens.
Le parti socialiste a bien été élu en 2012, me direz-vous (pas vous, puisque l'on est sur le club de Mediapart et que personne ici ne prend le parti socialiste pour vraiment socialiste, mais feignons d'y croire dans un but strictement démonstratif) et il ne s'est pas illustré pour nous changer la vie. Depuis 1983, on constate que même les gouvernements "socialistes" n'appliquent plus de mesures favorables aux intérêts des masses même lorsqu'ils ont été portés au pouvoir par des élections. C'est que les classes dominantes interviennent aussi de plus en plus en aval, après la décision du suffrage universel.
Alors, Coluche avait raison? Je ne le pense toujours pas, malgré tout. Mais cela implique que le parti désigné par le suffrage transforme nos institutions vers plus de démocratie, lutte contre l'hyperconcentration des médias, propose une véritable éducation émancipatrice à la citoyenneté,... Sans ces réformes profondes, aucun réforme sociale d'ampleur ne sera possible.
Aussi, il faut sortir de l'illusion selon laquelle le vote suffit à faire la démocratie. Je n'en peux plus d'entendre des élèves de 18 ans, après 10 ans de cours d'EMC, sécher lorsqu'on leur demande les caractéristiques de la démocratie dès lors qu'ils ont répondu "le vote" ou "avoir un Président". Je n'en peux plus d'entendre systématiquement le silence retentissant qui s'en suit, cette allégorie de leur éducation politique. Mettre un bulletin dans une urne tous les 5 ans et regarder l'élu nous tyranniser en attendant le suivant ne peut pas constituer l'idéal de la démocratie. Ce livre, au-delà de la critique du suffrage universel, vise à enrichir notre vision de la démocratie et à rappeler que nous devrions tous pouvoir en être les acteurs directs.
Le vote ne doit plus être l'opium du peuple.
L'objectif du livre est donc d'établir un diagnostic sur l'état du suffrage universel aujourd'hui, comme une autopsie de notre démocratie représentative. Mais le ver est dans le fruit depuis l'origine. Il se propose donc également de dévoiler les mécanismes par lesquels les classes dominantes ont détourné le suffrage universel depuis 1848 pour se maintenir au pouvoir et préserver leur capital. C'est donc vers une critique plus générale de la démocratie représentative que nous dériverons.
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