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Professeur d'histoire-géographie. Auteur du livre Comment les classes dominantes ont détourné le suffrage universel

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Billet de blog 27 juillet 2024

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Une cérémonie placée sous le signe de l'hypocrisie

Pour quelques scènes de pink washing, la mise en valeur d'une France black blanc beur peu renouvelée depuis les grandes heures de 98, l'extrême-droite pousse des cris d'orfraie et l'on croirait presque avoir assisté à un exemple de la prétendue hégémonie culturelle de la gauche. Quelle hypocrisie!

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Certes, nous avons vécu un moment cheh de qualité. Un doigt d'honneur à l'extrême-droite qui hait les minorités. Un spectacle réussi sur la forme et qui brise les normes sociales.

Pourtant, ces apparences progressistes sont une coquille vide et chaque symbole vient se fracasser contre le réel. Tout ce barnum extrêmement coûteux respire l'hypocrisie.

Voir les mots de liberté, d'égalité, de fraternité s'afficher sur l'écran est insupportable quand on connaît la réalité de ces jeux olympiques. Liberté alors que des écologistes étaient en garde à vue pour avoir disposé des autocollants dénonçant les JO, que d'autres étaient arrêtés pour un peu de peinture. Egalité alors que le coût des places réserve les JO à une minorité de privilégiés suivant un critère financier discriminant qui exclut des vrais passionnés, là où on aurait pu privilégier des adhérents de nos associations sportives. Fraternité alors que les SDF, pour ne pas gêner ces privilégiés, ont été chassés sans vergogne des lieux où ils se réfugient habituellement dans Paris.

Reste l'image d'inclusion que la cérémonie a su donner, totalement à rebours de la réalité du pays et de la politique d'E. Macron. Supprimer des normes d'accès handicapés, conjugaliser l'Allocation Adulte Handicapée, c'est cela l’œuvre de la République en Marche, avant que ses opposants ne l'emportent sur le second point. Dénoncer les choses « ubuesques » comme « aller changer de sexe à la mairie », c'est cela la vision des transgenres propagée par E. Macron. Quant à sa politique à l'égard des racisés, je pense qu'il n'est même plus la peine de la commenter.

Le clou du spectacle est peut-être l'hommage à Louise Michel alors que notre gouvernement l'enverrait en prison aujourd'hui, comme d'ailleurs les gouvernements de l'époque. Les épisodes et personnages historiques mis en valeur sont en inadéquation totale avec la politique que l'on subit. Si J.-L. Melenchon est un dangereux personnage d'extrême-gauche parce qu'il est socialiste et que son parti joue le rôle d'opposant à l'Assemblée, alors qu'en est-il de Louise Michel qui est anarchiste et a pris les armes contre les injustices du gouvernement lors de la Commune ? Quid de Gisèle Halimi, qui a lutté contre les violences coloniales en Algérie alors qu'on déroule le tapis rouge à l'Etat colonial israëlien, que l'on interdit aux Français de brandir des drapeaux palestiniens lors du passage de la flamme et que l'on tue des indépendantistes kanaks? Comment peut-on décemment rendre hommage à la Révolution Française alors que la moindre action de désobéissance civile est sévèrement disqualifiée ?

Que dire du commentaire de Delahousse au passage de la délégation israëlienne, qui évoque « le conflit engendré par l'attaque du Hamas le 7 octobre » ? Il reprend la rhétorique des ignorants qui découvrent un conflit vieux de presque 80 ans lorsque la victime s'inverse. Non, le Hamas n'a pas déclenché le conflit. Et non, il ne s'agit pas d'un vague « conflit » mais d'une politique coloniale, d'une invasion et désormais d'un crime de masse accompagné de discours génocidaires.

Le commentateur enfonce le clou en donnant raison à E. Macron qui affirme que les israëliens sont les bienvenus comme s'il s'agissait d'une question d'inclusion. Et pourtant non. Il s'agit de savoir si l'on cautionne ou non B. Netanyahou pour lequel le procureur de la Cour Penale Internationale a demandé un mandat d'arrêt pour «le fait d'affamer délibérément des civils», «homicide intentionnel» et «extermination et/ou meurtre».

Le CIO a su pénaliser la Russie sans pénaliser ses athlètes en les acceptant sous bannière neutre. Pourquoi est-ce impossible pour Israël ? Pourquoi Delahousse ne pense-t-il pas que la bannière russe est « la bienvenue » ?

Le seul vrai gagnant de la cérémonie est Bernard Arnault puisque la marque Louis Vuitton a été mise à l'honneur, sans rancune pour l'évasion fiscale.

Peut-être Thomas Joly voit-il son spectacle comme une forme de résistance aux valeurs d'extrême-droite propagées par E. Macron. Il démontre alors que l'on ne peut pas résister de l'intérieur puisqu' E. Macron renoue grâce à lui avec une image progressiste et brille à travers le spectacle léché que son employé à réussi à assurer. Hier, la France et le monde ont oublié qu' E. Macron s'asseoit sur les résultats des dernières élections pour maintenir son parti au pouvoir. La diversion a réussi, le public a eu, à défaut de pain, des jeux. E. Macron a eu la trêve politique qu'il souhaitait, détournant les mécontentements sur la question des minorités comme cela lui convient.

La résistance ne pourra pas venir de la collaboration mais viendra de l'opposition au déroulé prévu de ces JO, de grains de sable dans l'engrenage, de manifestations de mécontentement. Sur ce point, nous voyons qu'hier soir la gauche n'était pas présente.

Non, la cérémonie ne témoigne en aucun cas d'une quelconque hégémonie culturelle de gauche. Elle préserve les puissants. Les valeurs et l'histoire qu'elle met en exergue sont totalement contraires à l'actualité que nous vivons. Derrière la beauté des images et la profusion de couleurs, la réalité n'est pas jolie Joly.

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