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Billet de blog 30 janvier 2025

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Accuser LFI d'antisémitisme ou l'art de mal poser les débats pour manipuler l'opinion

Le 28 janvier, en pleine Assemblée, la députée macroniste Caroline Yadan a accusé LFI de « haine du juif ». Une stratégie de diversion indécente qui se poursuit depuis le 7 octobre et fait le jeu de l'extrême droite.

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C'est la stratégie rhétorique de l'homme de paille : prêter à l'adversaire des propos scandaleux qu'il n'a pas tenus et des idées qu'il n'a jamais portées.

L'accusation d'antisémitisme est tellement répétée par la classe politique et les médias dominants qu'elle s'instille dans les représentations comme un fait avéré sans besoin d'argumenter. Elle permet de discréditer le parti de gauche qui a le plus de chances de parvenir au pouvoir. Elle a aussi le mérite, en posant mal le débat, de discréditer toute personne qui voudrait dénoncer les méfaits de la politique israëlienne.

Au lieu d'avoir une grille de lecture géopolitique de la situation en voyant un colonisateur qui étend son territoire sur des colonisés, au lieu d'une lecture humanitaire en voyant des criminels de masse qui bombardent allègrement des milliers de civils ; ces prétendus pourfendeurs de l'antisémitisme voient des juifs et des arabo-musulmans, essentialisant ces groupes sociaux et racialisant les enjeux du conflit.

Pour eux, critiquer Netanyahu, c'est critiquer les juifs ; embarquant tous les juifs du monde en les considérant de facto comme solidaires du Premier ministre israëlien. C'est leur propre lecture raciste qui les fait taxer de racistes les représentants de la gauche anticoloniale et humaniste.

Critiquer Netanyahu n'est pas plus antisémite que critiquer Hitler n'est de la germanophobie.

Ceux qui dénoncent aujourd'hui le risque de génocide en Palestine sont les mêmes qui auraient défendu les juifs durant l'occupation allemande. Ils défendent les victimes, quelles qu'elles soient, et veulent faire cesser les bourreaux, quels qu'ils soient.

Au lieu d'instrumentaliser la mémoire de la Shoah pour dénoncer ceux qui portent un jugement critique sur la politique d'Israël, Caroline Yadan aurait mieux fait d'en tirer les leçons pour identifier une nouvelle dérive génocidaire à Gaza. Plutôt que de convoquer cette mémoire pour réaliser une analogie basée sur l'ethnie, il aurait sans doute été plus judicieux d'établir une analogie basée sur la situation.

La sensibilité des éditorialistes à l'antisémitisme est à géométrie variable. Ainsi, R. Enthoven voit dans LFI « le premier parti antisémite de France » pour avoir rappelé le 7 octobre le contexte colonial préexistant et pour avoir déclaré « Nous déplorons les morts israéliens et palestiniens. Nos pensées vont à toutes les victimes », là où il considère que le salut nazi d'Elon Musk est « le geste désordonné d'un type qui envoie son cœur à une foule de fans ».

Manquerait-il de sincérité dans sa sensibilité à l'antisémitisme ? Ne serait-ce pas plutôt un moyen pour un bourgeois d'attaquer ad hominem des hommes politiques qui défendent les intérêts de la majorité quand on sait que l'on ne pourra pas gagner l'argumentation sur les questions économiques et sociales ? N'est-ce pas tout simplement une stratégie de diversion ?

Les mêmes qui tordaient les mots pour chercher une référence aux camps de concentration lorsque J.-L. Melenchon reprochait à Yael Braun Pivet de « camper sur ses positions » ne voient pas la référence au nazisme dans un salut nazi. Ils détecteraient la bête au bruissement d'une brindille lorsqu'il s'agit d'un tribun de gauche et deviennent aveugle devant sa gueule ouverte lorsqu'il s'agit d'un milliardaire néolibéral.

Car l'extrême-droite ressort blanchie de cette campagne « contre l'antisémitisme ». C'est le RN qui était à la marche contre l'antisémitisme, c'est le RN à qui le député Meyer Habib préférait serrer la main lors d'une cérémonie d'hommage, ce n'est pourtant pas le RN que Plantu place en héritiers de Jean-Marie le Pen alors que sa fille a repris son parti et que plusieurs candidats aux législatives ont été épinglés pour des faits de racisme, l'une arborant même une casquette nazie.

« Mal nommer un objet, c'est ajouter au malheur de ce monde », écrivait Camus en 1944. C'est ici contribuer à manipuler l'opinion publique pour garder ses privilèges en galvaudant un phénomène grave existant par ailleurs.

Alexandre Guilhem

Auteur de Comment les classes dominantes ont détourné le suffrage universel

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