Il est des lieux qui, au-delà de leurs murs, incarnent les promesses et les espoirs d’une jeunesse en quête d’avenir. Le lycée François Villon, aux Mureaux, est l’un de ces lieux : une citadelle de l’école républicaine, où la mixité sociale prend forme de manière tangible. Pendant trois ans, de la seconde à la terminale, j’y ai forgé une partie de mon identité, soutenu par des professeurs dévoués et des camarades venus de milieux variés. Pourtant, le déclin de ce lycée ne date pas d’hier. Ce processus insidieux, qui s’étend sur plusieurs années, a progressivement érodé la vitalité et la réputation de François Villon. Ce qui était autrefois un établissement exemplaire devient aujourd'hui le symbole d’un abandon dramatique et d'un manque cruel de moyens.
Cette détérioration n’a pas échappé à la presse locale et nationale. Depuis plusieurs années, les parents d’élèves, les professeurs et la communauté éducative alertent sur la dégradation des conditions d’apprentissage : classes surchargées, manque d’enseignants, infrastructure vieillissante, cantine surpeuplée... Conçu pour accueillir environ 850 élèves, le lycée en abrite aujourd’hui 1 350, une croissance jamais compensée par les ressources nécessaires. François Villon est ainsi accablé de problèmes qui affectent tous les aspects de la vie scolaire, plongeant élèves et enseignants dans des conditions d’apprentissage et de travail inadéquates.
Les classes de François Villon sont aujourd’hui bondées, avec jusqu’à 36 élèves par salle. Dans cet environnement surchargé, les enseignants peinent à offrir un suivi individualisé, pourtant essentiel pour des élèves en pleine préparation d’examens cruciaux comme le baccalauréat. Le manque d’espace rend la prise de parole difficile, et la surcharge a une conséquence directe sur la qualité des cours.
À cela s’ajoutent d’autres difficultés chroniques : l’absence de remplacement pour les enseignants absents et le manque criant de personnel éducatif. Avec seulement deux Conseillers Principaux d’Éducation (CPE) pour 1 350 élèves, alors qu’un troisième serait indispensable, la gestion quotidienne du lycée est compromise. Le personnel de santé se limite à une seule infirmière, sans médecin scolaire ni assistante sociale pour soutenir les élèves en difficulté. Dans une école qui accueille des jeunes parfois en situation précaire, l’absence d’encadrement médical et social est d’autant plus préoccupante.
La cantine du lycée est également surchargée, ajoutant une source de stress supplémentaire. Les élèves attendent jusqu’à 45 minutes pour leur repas et n’ont souvent qu’une dizaine de minutes pour manger, avant de devoir libérer leur place. Cette situation inacceptable force les jeunes à choisir entre manger rapidement ou ne rien manger du tout, ce qui affecte leur concentration et leur bien-être.
On entend souvent parler de "séparatisme" ; or, le véritable séparatisme est ici, dans cet abandon de l’école publique au cœur d’une ville populaire. En laissant le lycée François Villon se dégrader, c’est toute une génération de jeunes des Mureaux qui se voit privée des moyens d’apprendre, de réussir, de s’épanouir. Ce séparatisme silencieux s’exprime par l’indifférence et l’inaction, laissant derrière lui un lycée en péril et des élèves désabusés.
L’avenir de François Villon menace aussi l’attractivité de la ville des Mureaux. Un lycée en déclin, où les conditions d’accueil et d’apprentissage sont dégradées, dissuade les familles de s’y installer. Beaucoup de parents préfèrent alors inscrire leurs enfants ailleurs, aggravant un phénomène de fuite qui isole davantage le lycée et la commune. Pour une ville comme Les Mureaux, un établissement comme François Villon devrait être un atout, un lieu qui attire les familles, rassure sur la qualité de l’éducation, et participe au dynamisme du territoire. Aujourd’hui, ce lycée risque de devenir le symbole d’un abandon et d’une fracture sociale grandissante, poussant ceux qui le peuvent à chercher ailleurs ce que la ville semble incapable de garantir : une éducation publique digne.
Pourtant, tout n’est pas perdu. Les enseignants, bien que découragés, continuent de s’investir, convaincus que chaque élève mérite les mêmes chances. Certains élèves, eux aussi, s’accrochent encore à l’espoir de voir leur lycée renaître. Mais cette renaissance nécessite un engagement ferme de l’État et de la Région. Redonner à François Villon les moyens de remplir sa mission ne serait pas seulement un geste de soutien ; ce serait un acte de foi envers l’école publique, l’école de la République. En rénovant les infrastructures, en renforçant les équipes, et en apportant les ressources nécessaires, ce n’est pas seulement un bâtiment que l’on sauverait, mais un symbole d’égalité et un espoir pour toute une jeunesse. Car laisser ce lycée dépérir, c’est compromettre l’avenir de centaines de jeunes qui ont le droit de rêver, d’apprendre et de réussir.