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Billet de blog 10 février 2012

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La grande absente

Ils s’appellent Karim, Hossine, ou bien Umar.  Le capuchon de leur blouson en berne sur leur front, il est difficile de croiser leur regard et impossible de leur donner un âge précis. Probablement entre 18 et 25 ans, parfois moins, mais guère plus.

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Ils s’appellent Karim, Hossine, ou bien Umar.  Le capuchon de leur blouson en berne sur leur front, il est difficile de croiser leur regard et impossible de leur donner un âge précis. Probablement entre 18 et 25 ans, parfois moins, mais guère plus. Même faciès, même dégaine, pour une communauté de destin qu’ils vivent à l’angle de rues sans issue. Ils le savent : tout français qu’ils sont, pour eux, changement de Président ou pas, l’ascenseur social ne fonctionnera pas.

A l’autre extrémité de l’échelle sociale, il y a ces étudiants qui fréquentent des écoles prestigieuses ou des universités de renom. Se coulant dans le modèle familial pour perpétuer la lignée des élites de la nation, leur voie est toute tracée. Même si les mécanismes de la reproduction sociale se grippent (très exceptionnellement toutefois), pour cette frange aisée et insouciante de la jeunesse qu’ils représentent, le statut social est garanti au bout de ces sacro-saintes années d’études supérieures. Malgré sa conscience des maux dont la France souffre et de la croisée des chemins où elle se trouve, le résultat du scrutin du 6 mai aura bien peu de chance d’affecter négativement son destin.

Et puis il y a cette jeunesse « du milieu », coincée entre rêves et réalités. Qui s’attarde plus qu’à l’envie chez Papa, Maman en attendant un véritable emploi. Qui va chercher son panier alimentaire à l’association de quartier après les cours de fac et finit parfois par renoncer devant trop de sacrifices pour si peu de certitudes. Une jeunesse inventive et talentueuse mais qui, quand elle est parvenue à décrocher un diplôme de l’enseignement supérieur, ne voit parfois d’autre salut que dans l’expatriation, à l’instar de ces jeunes espagnols ou grecs qui s’exilent par milliers. N’ayant toujours pas trouvé son mentor dans la classe politique du moment, elle doute fort de connaître l’euphorie d’un mai 1981 et affirme sa légitimité dans la création de think tank et autres structures alternatives.

Curieusement, s’il est une grande absente des slogans qui rythment la campagne présidentielle, c’est bien elle : cette jeunesse multiple, laborieuse, passionnée et solidaire dans les combats pour la défense de ses intérêts.  « Classes moyennes, élisez-moi ! » scandent tour à tour les candidats à l’élection présidentielle. Mais aucun d’eux ne lui a encore accordé une place pleine et entière dans son programme. Or qui donc assurera  le renouveau de cette classe moyenne aux voix tant convoitées si ce n’est la jeunesse de 2012? Qui mieux que cette jeunesse rentrée aujourd’hui dans la vie active constituera, en 2017, l’électorat en mesure de réélire le vainqueur de 2012 s’il se représente ou d’assurer la continuité du changement en fonction de ce que les Français choisiront dans quelques mois?

On ne rachète pas par le sport la jeunesse des cités tout en se réjouissant que les rois du pétrole investissement massivement dans ses capacités à entreprendre et réussir. Offrir des jeux, en référence à l’époque romaine, quand le pain quotidiennement servi à table est rassis n’a jamais durablement oeuvré en faveur de la paix sociale.

A quand un retour à la reconnaissance de ces milliers de 18-25ans par la création d’instances officielles, représentatives de ses multiples facettes, consultées et associées non seulement aux grandes décisions qui la concernent mais aussi à celles qui visent la France tout entière.

Au delà de mesures pour l’emploi dont elle doit être une bénéficiaire prioritaire, la jeunesse française a besoin de recevoir des signaux forts d’écoute, de compréhension et d’intégration à un projet de société qu’elle puisse, elle aussi, s’approprier. Or pour l’instant, de tels messages tardent à venir.

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