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Billet de blog 24 juillet 2012

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Un secteur qui ne connait pas la crise

17h00 : les trottoirs de Paris s’animent d’une activité fébrile et singulière. Les gardiens d’immeuble poussent les lourdes portes des bâtiments haussmanniens et dans un raclement sourd trainent sur le pavé les containers tricolores où s’amoncellent les rebus de notre quotidien : cartons, bouteilles en plastique, vêtements jetés pour un accroc, livres, stylos, jouets, babioles qui ne trouvent plus leur place dans les rayons de nos souvenirs.  Dans une heure au plus, les éboueurs de la ville vont commencer le ramassage des poubelles dans un bruit infernal de moteur, de couvercles qui claquent, de collecteurs qui s’entrechoquent.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

17h00 : les trottoirs de Paris s’animent d’une activité fébrile et singulière. Les gardiens d’immeuble poussent les lourdes portes des bâtiments haussmanniens et dans un raclement sourd trainent sur le pavé les containers tricolores où s’amoncellent les rebus de notre quotidien : cartons, bouteilles en plastique, vêtements jetés pour un accroc, livres, stylos, jouets, babioles qui ne trouvent plus leur place dans les rayons de nos souvenirs.  Dans une heure au plus, les éboueurs de la ville vont commencer le ramassage des poubelles dans un bruit infernal de moteur, de couvercles qui claquent, de collecteurs qui s’entrechoquent.

A peine sont elles abandonnées au milieu du flot des piétons qu’une nuée de mains anonymes, surgissant de nulle part, plonge avidement dans l’antre de nos détritus. Rapides et expertes, elles saisissent, tâtent, soupèsent, trient par catégorie tout ce qui peut être récupéré, transformé, revendu et jettent pelle même les trésors dénichés dans de vieux charriots à roulettes.

Il faut faire vite pour être le premier à explorer une poubelle. Car force est de constater que le nombre de collecteurs sur les trottoirs de Paris et d'ailleurs est bien loin d’augmenter proportionnellement au nombre de ces éboueurs de nouvelle génération. Par chance, même si l’indice de la consommation des ménages n’est pas au mieux de sa courbe ces derniers temps, les poubelles ne désemplissent pas et il semble même qu’une organisation de la filière se soit tacitement mise en place pour garantir à ces mains noircies de tant de poussières et de saletés une part ne serait-ce qu’infime de nos rebus. A chacun son périmètre d’exploitation, sa spécialité et son circuit de revente.

A l’origine lancées par des clandestins ou des gens du voyage, ces micro-entreprises d’un nouveau genre dans une filière 100% écologique et qui ne requiert aucune autre énergie que la force humaine s’ouvrent désormais aux travailleurs pauvres en quête d’un complément de revenus et aux familles sans ressources.

Si les statistiques font défaut, une observation rapide de nos rues en fin d’après-midi permet d’appréhender les principales caractéristiques du secteur. La retraite n’existe pas plus que le travail des enfants n’est interdit ; si la parité homme/femme n’y est pas respectée, la diversité, elle, y est sans conteste bien ancrée.

Laissés pour compte des coupes budgétaires au nom d’un improbable assainissement de nos dépenses publiques, restructurations mal anticipées de pans entiers de nos économies : le secteur risque d’enregistrer un boom dans un futur proche. La concurrence y sera certes plus âpre mais tant que nos poubelles déborderont de nos rebus, la crise n’affectera pas cette classe émergeante d’intouchables à l’occidentale qui investit silencieusement mais sûrement notre paysage urbain.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.