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Billet de blog 25 février 2012

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Un"Homo" pas si "sapiens"

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Prendre une planète du système solaire. Bleue de préférence. D’entre toutes les espèces présentes et inscrites pour la course à la vie, donner sa chance à l’"Homo" dit « sapiens ». Pour le meilleur et pour le pire, lui insuffler l'esprit d'aventure, le lester d’une once d’ambition, semer dans sa pensée quelques graines de croyances. Et laisser le temps faire sa besogne.

Bien des siècles plus tard, cet "Homo" du fonds des âges s’est reproduit par amour ou par nécessité, a conquis, construit et anéanti ; a vénéré le beau, s’est rêvé des anges et a courtisé des démons. Enfin, se croyant vainqueur et maître de toute chose par le truchement de la technologie, au motif de satisfaire ses besoins loin d'être toujours raisonnables, il s’est mis à dévorer le patrimoine qui lui avait été légué. Frénétiquement, comme la cigale, en été, chante à son aise.

Voyant se profiler le spectre de l’hiver énergétique dans un horizon tout proche,  le voilà qui ouvre la boîte de Pandore dont il extrait fièrement le jocker de la filière nucléaire. Sur l’immense table de jeu que semble être devenue la planète bleue, la roulette tourne et s’emballe.

Si l’énumération des coûts humains, socio-économiques et environnementaux des accidents nucléaires a le mérite d’illustrer le débat sur une énergie non maîtrisée, elle ne soulève pas pour autant la question du degré de responsabilité des différents acteurs de la filière dans les accidents passés et à venir (car la probabilité est grande qu’il y en ait d’autres) ainsi que dans l’hypothèque financière et environnementale mise sur les générations futures.  

A ce jour, la Cour européenne des droits de l’homme est la seule juridiction supra-étatique qui soit intervenue sur la question nucléaire. C’était en 2009 et 2010 dans le cadre du versement d’indemnités par l’Etat russe aux travailleurs ayant été employés sur le site de Tchernobyl après l’accident. Pour rappel, en France, la responsabilité de l’Etat fut engagée dans le processus d’indemnisation des victimes du « nuage » au motif d’un maquillage d’information par les autorités de contrôle sur la dangerosité de son passage.

Cependant, quel tribunal international jugera-t-il ces apprentis sorciers que certains d’entre nous sont devenus, menant la partie main dans la main avec les leaders de groupes de pression et  les dirigeants de conglomérats pour ce qui s’apparente au sacrifice passé et à venir de centaines de milliers d’hommes, femmes et enfants ? Car nous ne sommes pas là dans une situation de conflit armé sous couvert de purification ethnique, de querelle religieuse ou de musellement d’une opposition à un régime politique mais d’un crime contre l’Humanité dans son interprétation la plus universelle et suprême. 

Qui, aujourd’hui (et pour longtemps encore), supporte financièrement les tragédies d’une aventure technologique reconnue de tous comme étant à très haut risque? En ces temps de crise financière et de déséquilibres budgétaires, la priorité n’est pas à la construction d’un sarcophage de béton et d’acier proportionnel à la déraison humaine pour en endiguer ses méfaits. Toujours est-il que le réacteur de Tchernobyl, lui, continue de fuir. Quant à Fukushima … 

Les rapports d’experts (y compris celui du GIEC en 2007) sont unanimes : la filière nucléaire  dans son ensemble est largement émettrice de CO² et énergivore, tant en eau qu’en énergies fossiles. Les enquêtes conduites par les associations internationales de défense de l’environnement (et la CRIRAD, pour ce qui est de la France et de l’activité d’Areva) dénoncent tout aussi unanimement l’impact dévastateur de l’exploitation des mines d’uranium sur l’environnement et les populations avoisinantes et pointent du doigt les conditions de travail des ouvriers (absence d’équipements de protection, absence d’information sur la dangerosité du minerai une fois libéré de son milieu naturel et sur la toxicité des produits utilisés dans la chaîne d’extraction et de traitement). Comment, face à un tel consensus et alors que nous sommes engagés dans une course contre la montre pour réduire nos émissions de CO², ne pas soupçonner l’existence de lobbies du nucléaire oeuvrant dans l’ombre au nom de certains intérêts pour le maintien d’une énergie bien loin d’être « propre », tant d’un point de vue éthique qu’environnemental? Et comment, nous Français, ne pas être déçus voire indignés face à l’immobilisme de notre parti écologique? 

Suite à l’accident de Fukushima, certains gouvernements (chinois, suisse italien, allemand) ont ouvert la porte de sortie du nucléaire. D’autres, comme l’Arabie Saoudite qui se lance dans la construction de 16 réacteurs ou la France qui continue de miser sur son expertise, ont décidé de faire fi des leçons du passé. A ceux-là, nous ne pouvons que rappeler les fondements du développement durable en espérant qu'il n'est pas trop tard. 

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