Dans une certaine France d’aujourd’hui, il y a ceux qui recherchent un emploi et ceux qui sont en quête d’un logement.
Pour les uns comme pour les autres, cela suppose de savoir se lever tôt pour se battre à armes inégales contre une concurrence rude. Pour les premiers, l’âge, la qualification et l’expérience professionnelle seront déterminants. Pour les seconds, la situation familiale et le montant des revenus feront la différence. Un autre critère différenciant qui vaut aussi bien pour les candidats à l’emploi qu’au logement relève de l’origine ethnique ou raciale du postulant.
La première catégorie de nos concitoyens bénéficie sur ce point d’une protection qui, même si elle tarde à s’installer dans les faits, a le mérite d’exister dans les textes : celle inscrite dans l’article L1132-1 du code du travail qui interdit la discrimination raciale ou ethnique dans le cadre professionnel. Des mesures telles que le recrutement par CV anonyme ou bien la mise en place de politiques RH de diversité accompagnent ce dispositif.
Pour ce qui est des candidats au logement, l’article 1 de la loi du 6 juillet 1989 affirme le droit au logement et de fait, condamne toute discrimination. Il prohibe en l’occurrence la production de photos d’identité, source de sélection au faciès, et le rejet d’un dossier sur la base du patronyme.
S’il est possible de postuler à un emploi sur la base du CV anonyme, il est à ce jour encore irréalisable de rechercher un appartement via une agence immobilière ou en passant directement par un propriétaire sans un contact visuel qui intervient en tout début de la démarche. Comment faire donc, pour qu’en dépit du faciès, un dossier soit sinon examiné et accepté au moins mis sur la pile des demandes de locations? En justifiant de revenus suffisants, en bénéficiant de garanties parentales, ou en proposant une caution bancaire ? Dans la France d’aujourd’hui, il semblerait que cela ne suffise pas.
En atteste l’expérience tout récemment vécue par un membre de mon entourage. Cadre supérieur dans une entreprise florissante, M. est un exemple de réussite sociale au féminin. Parcours professionnel sans faille, revenus plus que confortables, patrimoine immobilier constitué d’un pavillon cossu dans une ville de province qui a le vent en poupe. Tout va donc pour le mieux dans le monde de M. jusqu’à ce fameux jour où son employeur lui demande de rejoindre son staff parisien. Commence alors pour M. une longue marche sur le chemin des désillusions. Combien de portes d’agences immobilières poussées, de propriétaires rencontrés. Combien de photocopies d’attestation de revenus plus que 4 fois supérieur au montant du loyer et de justificatif de propriété fournis pour, au final, essuyer un refus des uns et des autres. Pugnace, M. sollicite le soutien de son employeur qui lui accorde une augmentation de salaire et propose de se porter garant. Ses parents, quant à eux, provisionnent un compte qui servira de caution bancaire. Nouvelles portes poussées, d’autres rendez-vous pour de faux espoirs. Car c’est sans compter un élément du dossier qui oriente invariablement la réponse vers le mauvais côté. Même si elle est de nationalité française, M. est d’origine algérienne. Son visage et son nom, d’emblée, la catégorisent. Cela, rien, pas même l’aisance financière, ne peut l’occulter. Et comme si cela ne suffisait pas, M. est mère de deux enfants dont elle a seule la charge. «Vous comprenez, Madame, le propriétaire préfère un couple avec enfants »…
En dépit des lois, la France d’aujourd’hui est en panne de justice et d’équité. Il ne se passe pas un jour sans que nous ayons à le constater. Une partie de la France de 2012 est aussi en panne de pragmatisme et de logique. Dans un pays d’immigration et de métissage, durement frappé par une crise économique qui dure, il devient dans certains cas insensé et insultant d’exiger l’argent et le faciès.