De retour d’un séjour à Jérusalem où nous avons constaté de visu la situation en Israël et dans les territoires palestiniens, nous ressentons le besoin de témoigner de ce que nous avons vécu. Longtemps hésitants avant d’y aller afin de ne pas cautionner ce qui s’y passe, nous nous sommes décidés à y aller après avoir été encouragés à le faire par des Palestiniens et après avoir rencontré une personne qui y a séjourné pendant un an.
Le refus, ces derniers jours, des autorités israéliennes de laisser entrer dans leur pays de nombreuses personnes de plusieurs pays qui souhaitaient participer à la semaine « Bienvenue en Palestine » organisée à Bethlehem met en lumière l’impasse où la politique actuelle du gouvernement israélien conduit les peuples israélien et palestinien. Il confirme une impression que nous a laissée notre séjour, d’un pays qui vit, en grande partie, replié sur lui-même. Il est inacceptable d’ailleurs que nos propres gouvernants n’aient pas réagi devant ce qui constitue une atteinte aux droits des citoyens de voyager librement.
Avant d’y aller il nous avait toujours semblé incompréhensible qu’un peuple qui a tant souffert dans le passé de l’exclusion, de la négation de ses droits, des pires atrocités dans les camps de la mort, puisse aujourd’hui imposer à d’autres une situation insupportable qui revient ni plus ni moins à nier les droits de l’homme tels qu’ils ont été élaborés par l’ONU, par des femmes et des hommes qui avaient très présent à l’esprit le martyr du peuple juif lors de la deuxième guerre mondiale.
Nous avons donc été confrontés à la réalité de ce pays et de la vie dans les territoires occupés, notamment à Hébron. Bien sûr nous ne sommes pas restés très longtemps et nos impressions n’englobent pas la situation dans sa totalité ou sa complexité. Néanmoins ce que nous avons vu nous incite à témoigner et à exprimer notre indignation.
Jérusalem n’est sans doute pas Israël et dans d’autres villes la religion est peut-être moins pesante. Mais les différentes religions s’y côtoient, chacun semble vivre dans l’ignorance de l’autre. Un Israélien d’origine française converti au judaïsme rencontré par hasard dans une librairie française nous disait que Jérusalem était un « melting-pot », un creuset ; pourtant nous avons eu l’impression contraire. De même, le discours hégémonique, cette fois-ci officiel car exprimé par le représentant d’Israël aux Nations Unies dans le journal « Jerusalem Post » qui affirmait que les réfugiés palestiniens, chassés de leur terre en 1948 et qui revendiquaient le droit de retour, venaient 3000 ans trop tard car Dieu avait déjà donné cette terre aux juifs. Que les Palestiniens n’étaient que de passage sur la terre de Palestine, donnant clairement à entendre que la colonisation est totalement justifiée.
Nous avons pu constater d’ailleurs l’encerclement de la ville par des colonies qui coupent Jérusalem Est des territoires palestiniens et qui facilitent l’annexion totale de la ville par l’état d’Israël. En voyageant à Bethlehem et à Hébron nous avons été frappés de voir ce haut mur qui s’érige comme une blessure dans le paysage pour séparer les uns des autres et dont le tracé ne lèse que les Palestiniens qui parfois sont obligés de faire de longs détours ne serait-ce que pour se rendre à l’hôpital ou pour accéder au cimetière où sont enterrés les membres de leurs familles.
Hébron que nous avons visité par l’intermédiaire d’une association d’échanges culturels France-Hébron, en compagnie d’une délégation de Médecins du monde, nous a ouvert les yeux sur ce que vivent les habitants au quotidien. Nous avons pu notamment entrer dans plusieurs maisons, rendre visite à ceux qui y habitent. Le vieux centre-ville rendu difficilement vivable aux habitants par 300 ou 400 colons qui se sont installés et qui essaient par tous les moyens de faire partir les habitants : fenêtres des maisons à proximité de la colonie brisées par des cailloux, de l’eau de javel lancée à travers les fenêtres… Les ruelles du vieux marché sont protégées par un grillage au-dessus de nos têtes car les colons lancent toutes sortes d’objets qui vont de simple détritus aux gros parpaings qui pourraient tuer des passants. Une famille nous a raconté que quelques jours auparavant suite à un incident où des enfants avaient lancé des cailloux l’armée israélienne a débarqué au milieu de la nuit et a fait sortir – sans laisser le temps de se couvrir – tous les habitants du vieux centre pour fouiller toutes les maisons. Cela a été vécu comme une volonté d’humiliation de la population.
Les Palestiniens sont des prisonniers dans leur territoire à qui on refuse le droit de se déplacer librement, de sortir. Comment peut-on accepter qu’un pays qui accorde la nationalité sur des critères religieux – tout juif peut venir s’installer en Israël – tout en refusant le droit de revenir au pays où sa famille a vécu depuis des générations à tout Palestinien qui s’absente au-delà d’une période de sept ans ?
Ce ne sont là que quelques exemples – sans parler des coupures dans la distribution d’eau auxquelles les Palestiniens mais non les colons doivent faire face, ou des extrêmes privations lorsque le bouclage des territoires est décrété par Israël.
Heureusement des voix s’élèvent en Israël contre cette injustice mais à l’heure actuelle rencontrent un écho insuffisant. Le « Haaretz », quotidien israélien de gauche dénonce la politique de colonisation, demande que soient respectés les jugements de la Cour suprême qui déclare illégales certaines colonies, sinon, dit-il, aucune paix n’est possible. Ou, par exemple, l’A.I.C. (Alternative Information Centre) association Israélo-palestinienne qui a pignon sur rue à Jérusalem, et qui cherche à promouvoir les droits humains et nationaux du peuple palestinien et une paix juste dans le respect du droit international. Ces voix encore insuffisamment entendues méritent un soutien actif de tous ceux qui souhaitent une issue équitable dans l’intérêt de tous, Israéliens comme Palestiniens. Les uns ne pourront vivre en paix et en sécurité que si les droits des autres sont reconnus et respectés.
Quelle solution politique ? A eux de la définir. Comme nous l’a dit un policier palestinien (qui est en train d’apprendre le français à Hébron) en réponse à notre question de savoir si il souhaitait vivre dans un état distinct ou dans un état bi-national, « je veux tout simplement pouvoir vivre. »
Nous sommes revenus en France avec un sentiment d’amertume, de révolte et pessimistes quant à l’évolution positive du conflit dans un avenir proche. Nous avons aussi pris conscience que la présence de visiteurs était très importante : elle montre aux Palestiniens que bien qu’emprisonnés ils ne sont pas oubliés et contribue à faire mieux connaître les conditions de vie réelles dans les territoires palestiniens.