Lundi 18 janvier, suite à un appel du mouvement Y, plusieurs milliers de personnes ont envoyé des mails à des personnalités politiques locales. Lundi soir, TF1 nous expliquait, entre autre, comment se forme la neige. Nous n'allons pas ici en profiter pour faire une revue de presse des thèmes abordés par les différents JT, déjà parce-que la télévision a perdu depuis une dizaine d'années tout l'intérêt qu'elle revêtait (même les Guignols ne sont plus drôles), et ensuite parce-que finalement, c'est toujours les trois grands mêmes sujets qu'on tartine, et re-tartine, tout en faisant allègrement le choix d'en eclipser d'autres. Bien sûr que les médias construisent eux-mêmes leur "agenda", et sont tout à fait libres de mettre en avant les sujets qu'ils veulent. Seulement, peut-on à un moment donné arrêter de se moquer de nous tout en arborant un large sourire dents-blanchés et photoshopé? La réalité est que les médias nous parlent tous de la même chose, en camouflant un même angle d'approche grâce à l'utilisation et l'affirmation de nuances. Pour autant, on nous bassine à longueur de journées avec des litres de liberté d'expression. Et ici tient notre paradoxe. Certes, en comparaison avec l'Arabie-Saoudite ou la Russie, la France jouit d'une relative liberté d'expression. Mais si cette dernière est si prégnante, comment expliquer que des journaux indépendants, à l'image de Médiapart, du Canard enchaîné ou de Charlie Hebdo (avant les événements de janvier 2015), se fassent attaquer juridiquement parlant de toutes parts? Comment expliquer que des médias qui ont fait le choix de l'indépendance face à main-mise économique ne puissent pas savoir s'ils existeront encore dans un an? Notre liberté d'expression, c'est aujourd'hui le droit de se faire ensevelir sous un flot d'informations, qui relatent constamment les mêmes choses, en flottant au-dessus du sujet. Les médias ne traitent plus l'information, ils la vomissent, et nous, on avale. Nos grands médias sont tenus par les mêmes qui tiennent notre économie, et personne ne s'interroge?
Si le mouvement Y apparaît ici caractéristique de ce traitement particulier de l'information, c'est parce-que faire le choix d'en parler ou non a une influence en soi sur le mouvement. La couverture médiatique est ce qui va marquer sa réussite ou son échec. Certes, ce mouvement ne représente aujourd'hui que 20 000 signataires, et lundi, ce ne sont que quelques milliers de personnes qui ont envoyé des mails à des élus politiques locaux pour essayer de leur faire passer un message. Il ne s'agit pas d'un message d'une jeunesse naïve, il s'agit de revendications réalistes pour essayer de soigner une partie des maux de notre société. Le but c'est montrer à l'élite politico-médiatique que ces signataires ont conscience du monde dans lequel ils ont grandi, du filtre continu qu'a représenté la télévision, du magma perpétuel d'informations nous écrasant. Seulement, ils ont aussi conscience que s'ils ne se battent pas un minimum, ils vont rester asservis à cette même élite, qui se renouvelle entre elle, qui est pourrie parce-que certains croulent sous les affaires, discréditant l'ensemble de la classe politique. Une élite qui s'ancre jusqu'à la mort dans les fauteuils princiers, et qui fait la moral aux citoyens français en expliquant que c'est par la rigueur budgétaire qu'on relancera cette très chère croissance, alors qu'elle-même use et abuse d'un porte-feuille illimité. Mais qui en a parlé de cela? Ah, si ! Libé a publié un papier... Enfin, a laisse le Mouvement Y écrire ce qu'elle voulait dire, et les Inrocks ont aussi publié un petit truc rapidos dessus. Mais voilà. Alors, maintenant, la question est la suivante : chers soixant-huitards qui s'offusquent constamment de la jeunesse française paresseuse, mais qui parallèlement tenez cette élite politico-médiatique, pourquoi ne mettez vous pas ce type de revendications et de sujets en avant, au lieu de nous parler de comment se forme la neige?
Nous sommes pieds et poings liés jusque dans nos propres représentations du monde social parce-que le choix de ce à quoi nous avons accès est villipendé par des individus croyant être ceux qui savent, et surtout qui ne veulent pas que les lignes bougent. On nous parle de guerres, de décroissance, de chômage, d'attentats, etc... Et on nous ancre parallèlement dans la tête qu'il faut écouter les Sages pour que la société évolue enfin. C'est marrant, on a pourtant l'impression que depuis que le système néo-capitaliste et les financiers sont à la tête des grands états qui dirigent le monde, on ne fait au contraire que s'enfoncer dans toujours pire.
Faire un encadré dans un grand média sur un mouvement comme le Mouvement Y, c'est lui donner la parole, c'est lui donner du crédit auprès de la population car c'est lui donner le droit à de la visibilité. Ce n'est que par ce biais qu'on arrivera à changer ne serait-ce que quelques lignes de ce système.