L’été arrive, les journées s’allongent, les moments en terrasse se font plus nombreux… et également son lot de remarques et de situations discriminantes.
Toute l’année, les femmes, y compris les femmes trans, subissent des remarques sur leur tenue, quelle qu’elle soit, et d’autant plus si elles sortent des standards normés des vêtements dits « féminins » ou respectables. Ta jupe est trop courte, ta tunique est trop longue, pourquoi tu caches tes cheveux ? on voit tes tétons, t’as pas honte ?
Ces injonctions sur les corps et leur apparence reflètent non seulement la prégnance constante du patriarcat dans la vie des femmes, mais aussi sa nature intersectionnelle : les tenues considérées comme respectables pour les unes ne le sont pas toujours pour les autres, et il en va de même pour les vêtements féminins religieux.
L’été, ces remarques se font encore plus bruyantes pour celles qui ne correspondent pas aux normes de respectabilité féminine. Entre les femmes qui mettent des vêtements courts, celles qui en mettent des longs, celles qui couvrent leurs cheveux et celles qui ne veulent plus porter de soutien-gorge, les injonctions vestimentaires sexistes sont omniprésentes et continuent de discriminer les femmes sur un sujet qui ne regarde pourtant qu’elles.
Ce système sexiste d’injonctions règne aussi dans les piscines, où les femmes n’ont que deux choix de maillot : un maillot une pièce ou un bikini. Et c’est tout. Ces maillots sont dits « traditionnels », mais par qui ? Pas par les femmes elles-mêmes, car nombreuses sont celles qui ne se satisfont pas de cette alternative. Entre celles qui ont une maladie les empêchant de s’exposer au soleil, celles qui n’ont pas envie de montrer leur corps et celles qui, au contraire, voudraient le découvrir davantage, il est grand temps de laisser les femmes choisir.
Là où les plages ne sont pas soumises à une réglementation légale en termes de tenues autorisées, ce n’est pas le cas des piscines municipales qui, à une exception près (à Rennes), ont un règlement intérieur très strict, empêchant les femmes de sortir de la norme imposée du bikini ou du maillot une pièce. Ainsi, elles n’ont pas le droit d’avoir un maillot plus couvrant, ni de ne porter qu’un bas de maillot de bain comme les hommes. Pourquoi ce qui est possible sur les lieux de baignade et de loisir que sont les plages publiques - être seins nus, être en combinaison de plongée ou en bikini - est interdit dans ces établissement publics de baignade et de loisir que sont les piscines municipales, et qui sont pour toutes celles et ceux qui ne peuvent pas partir en vacances à la mer, les seuls endroits où trouver un peu d’eau et de fraîcheur en ville l’été ?
La liberté vestimentaire n’est limitée par la loi ou un règlement que dans le cas où la tenue provoquerait un trouble à l’ordre public. Est-ce le cas pour une femme avec un haut de surf à la piscine ? Songerait-on à l’exclure du bassin pour ce motif ? Si la liberté des unes s’arrête là où commence celle des autres, on voit mal comment la liberté de porter un maillot de bain couvrant nuirait à la liberté et au plaisir de nager des autres baigneur·euse·s des piscines municipales.
Les femmes musulmanes sont les premières stigmatisées face à ces injonctions estivales. Non seulement elles subissent le sexisme de ne pas avoir une tenue de bain considérée comme assez « féminine » et sont pointées du doigt dans les lieux de baignade qui n’interdisent pas leur maillot couvrant, mais en plus, elles sont exclues des espaces de baignade réglementés comme les piscines municipales, où leur maillot de bain est jugé comme « dangereux » et « non-hygiénique ». Des études indépendantes ont pourtant prouvé que la longueur d’un maillot ne détermine pas son caractère non-hygiénique ou encore que les difficultés potentiellement rencontrées par les sauveteur·euse·s en cas de noyade sont les mêmes que pour une personne vêtue d’un bikini. Il est donc clair que l’interdiction du maillot couvrant pour les femmes musulmanes sort du cadre de la réglementation vestimentaire – et donc potentiellement du trouble à l’ordre public – pour devenir un débat politique visant à les exclure davantage. Il est bon de rappeler que la piscine est un service public censé être accessible à tout·e·s ; pourtant, les femmes musulmanes en sont exclues par la volonté des mairies de ne pas changer les règlements intérieurs des piscines.
La discrimination des femmes musulmanes est organisée à l’échelle étatique et il est temps que cela cesse.
Le 16 mai, le Conseil municipal de Grenoble votera le changement des règlements des piscines de la ville pour une meilleure inclusion des femmes. A cette date, Grenoble sera peut-être la première municipalité à revendiquer haut et fort que les femmes musulmanes ont autant leur place à la piscine que n’importe quel·le autre citoyen·ne ; et que plus personne ne doit être stigmatisé·e jusque dans les bassins en raison de son choix de maillot.
Le 16 mai, la ville de Grenoble va voter pour l’inclusion et contre la discrimination.
Cette initiative, essentielle et largement attendue, ne peut être que reproduite dans d’autres villes pour que l’été 2022 soit placé sous le signe des droits des femmes, qu’elles souhaitent se baigner en maillot couvrant ou en monokini.
Cet été, nous voulons pouvoir choisir comment nous nous habillons, dans la rue, à la plage et à la piscine.
Cet été, nous militerons pour qu’aucune femme ne soit empêchée de se baigner, d’accompagner ses enfants à la piscine ou de profiter de la plage.
Cet été, nous voulons avoir accès aux soins thérapeutiques, comme la balnéothérapie, qui se font dans une piscine et dont nous sommes privées.
Cet été et pour toute l’année, nous nous opposons aux injonctions vestimentaires discriminantes pour toutes les femmes et minorisé·e·s de genre.
Anissa, Yasmina et Soumeya pour
le syndicat des Femmes Musulmanes
de l’Alliance Citoyenne de Grenoble
Signataires :
- Sarah Durieux, autrice et formatrice
- Eléonore Lépinard, professeure associée, université de Lausanne
- Jeanne Larue, élue départementale
- Bénédicte Monville, présidente du groupe de la gauche et des écologistes à Melun et à l’agglomération Melun-Val de Seine
- Mathilde Larrere, historienne
- Founé Diawara, présidente des Hijabeuses
- Samuel Hennequin, consultant RH
- Gontard, chanteur de variété sociale
- Alexandre Jourda, directeur régional Occitanie Fédération Française du Sport Universitaire
- Feïza Ben Mohamed, journaliste
- Mornia Labssi, Parlement de l’Union populaire
- Nathalie Levallois, France Insoumise
- Willy Pelletier, sociologue et coordinateur général de la Fondation Copernic
- Rocé, rappeur
- Merlin Gautier, membre fondateur de PEPS
- Julien Talpin, chargé de recherche au CNRS
- Mohammed Ben Yakhlef, ancien élu de Villeneuve Saint Georges
- Stéphane Vonthron, militant antiraciste
- Sonia Dayan-Herzbrun, sociologue
- Maïté Meeus, fondatrice de Balance ton Bar
- Odile Maurin, conseillère municipale de Toulouse
- Isabelle Aubert, maîtresse de conférences, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne
- Laure Bereni, sociologue, CNRS
- Magali Bessone, philosophe, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne
- Caroline Ibos, professeure de sociologie et d’études de genre, Université Paris 8
- Veronica Noseda, militante féministe et lesbienne
- Claudine Furnion, facilitatrice de liens
- Louis Weber, éditeur
- Nacira Guénif, sociologue, anthropologue, professeure, Université Paris 8
- Tammouz Al-Douri, avocat
- Mathilde Viot, féministe
- Pierre Gilbert, sociologue, Université Paris 8
- Eric Fassin, sociologue, Université Paris 8
- Olivier Esteves, professeur des universités
- Samir Hadj Belgacem, maître de Conférences à l'Université Jean Monnet
- Olivier Roueff, sociologue, CNRS
- Pauline Delage, chargée de recherche au CNRS
- Montserrat Emperador Badimon, MCF science politique Université Lyon 2
- Justine Devillaine, co-fondatrice de l'association Lallab
- Solenne Jouanneau, MCF à l'IEP de Strasbourg
- Annick Coupé, militante altermondialiste
- Imane Ouelhadj, présidente de l’UNEF
- Pierre Khalfa, économiste, Fondation Copernic
- Malika Hamidi, Université Catholique de Louvain
- Mélanie Luce, juriste et ancienne présidente de l’UNEF
- Madame Bert, beatmaker
- Youcef Brakni, comité Adama, militant des quartiers populaires
- Lenny Gras, co-secrétaire général du MNL
- Armelle Andro, professeure
- Julien O’Miel, MCF science politique
- Sarah Zouak, co-fondatrice et directrice de Lallab
- Fatima Bent, présidente de Lallab
- Chloé Le Bret, militante féministe, ancienne conseillère à l’égalité des droits de Grenoble
- Miana Bayani, autrice et militante féministe
- Laurence De cock, Historienne et enseignante
- Helena Hirata, chercheuse émérite au CNRS
- Fanny Hermant, travailleuse de l'art
- Maryam Pougetoux, syndicaliste étudiante
- Camille Lecomte, co-secrétaire générale du MNL
- Marielle Debos, politiste, Université Paris Nanterre
- Dounia Abderrahman, consultante
- Ugo Palheta, MCF à l'université de Lille
- Willy Beauvallet, universitaire, science politique
- Grace Ly, autrice
- Antonin Laude, étudiant
- Catherine Hoeffler, politiste, Sciences Po Bordeaux
- Haïfa Tlili, docteure en sociologie
- Lena Ben Ahmed, membre de la coordination nationale #NousToutes
- Yuna Miralles, militante féministe et lesbienne, membre de la coordination nationale du collectif #NousToutes
- Zahra Ali, professeur à Rutgers University
- Ismahane Chouder, féministe antiraciste
- NnoMan, photo-reporter
- Monique Crinon, féministe
- Fatima Benomar, membre de la coordination nationale de #NousToutes
- Anne Desprez, militante féministe chez Noustoutes 38, membre de l’Assemblee générale féministe de Grenoble
- René Monzat, auteur
- Annie Lahmer, conseillère régionale
- Laure Salmona, co-fondatrice de Féministes contre le cyberharcèlement
- Marcos Ancelovici, professeur de sociologie, Université du Québec à Montréal (UQAM)
- Sébastien Chauvin, professeur de sociologie, Université de Lausanne
- Michèle Sibony, militante antiraciste
- Françoise Vergès, politologue et militante féministe
- Caroline De Haas, militante féministe
- Fatiha Ajabli, sociologue
- Paola Bacchetta, associate professor, University of California, Berkeley
- Nouria Ouali, sociologue, professeure associée, Université Libre de Bruxelles
- Marie Coiffard, co-présidente de la commission féminisme EELV
- Olivier Le Cour Grandmaison, politologue
- Hanane Karimi, maîtresse de conférences en sociologie, Université de Strasbourg
- Sylvie Monchatre, sociologue, Université de Lyon 2
- Marion Carrel, sociologue, Université de Lille
- Ludovic Chataing, créateur du média L'avertY
- Alice Coffin, conseillère de Paris, militante féministe et journaliste
- Marie Bongars, créatrice de podcast et de contenu
- Florence Tissot, féministe
- Grégoire Mallard, professeur de sociologie, Geneva Graduate Institute
- Sylvain Parasie, professeur de sociologie, Sciences po Paris
- Raphaëlle Rémy-Leleu, conseillère de Paris, militante féministe
- Mathilde Laroussi, militante EELV
- Laura Rouaux, membre de la Commission Féminisme d’EELV, militante écolo
- Hawa Sissoko, Ingénieur Cloud
- Soraya Baccouche, doctorante, artiste chorégraphe
- Sarra Benmeriouma, Educatrice
- SaraEve Graham, militante féministe Noustoustes 38, membre de l’Assemblée générale féministe de Grenoble
- Ilana Eloit, sociologue, Université de Lausanne
- Léa Reboul, co-fondatrice de l’association LIÉ•E•S
- Djaouidah Sehili, professeure, sociologie, Université de Reims
- Hourya Bentouhami, philosophe, Université Toulouse Jean Jaurès
- Hélène Balazard, chercheuse en science politique
- Hania Chalal, présidente nationale EMF
- Fabienne Baccouche, fonctionnaire
- Julie Pascoet, ENAR Senior advocacy officer
- Pascale Molinier, professeure de psychologie, Université Paris 13