Alter Natives (avatar)

Alter Natives

Association socio-culturelle

Abonné·e de Mediapart

7 Billets

0 Édition

Billet de blog 5 avril 2020

Alter Natives (avatar)

Alter Natives

Association socio-culturelle

Abonné·e de Mediapart

Quizz #2: Abdoulaye Tall

Quel est cet homme ? Quelle est son histoire ? Une semaine de collecte de sources et de réflexions dans nos divers réseaux, pour revenir vers vous vous présenter une petite compilation de savoirs autour de ce personnage. Merci aux divers.e.s contributrices et contributeurs et retrouvez plus bas la prochaine image du quizz.

Alter Natives (avatar)

Alter Natives

Association socio-culturelle

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1
Abdoulaye Tall

Eh non cet homme n’est pas le Corto Maltese africain ! Il s’agit de Abdoulaye, fils de Ahmadou, roi de Ségou et petit fils d’El Hadj Omar ou Omar Foutiyou Tall, qui créa au début du XIXe l’empire toucouleur musulman.

Abdoulaye ou Abdou-lahi (dans les sources françaises) est né en 1879 dans le royaume de Ségou et mort à Paris très jeune en 1899.

Sa vie illustre celle de la colonisation du Soudan français – sur le territoire de l’actuel Mali – et elle est étroitement liée à une autre personne, le Général Archinard.

En 1890, l’ambitieux lieutenand-colonel Archinard part à la conquête du Soudan pour étendre la domination française sur les territoires de l’Afrique de L’Ouest. Il est motivé également par la légende du trésor de Ségou qu’aurait réuni la famille omarienne : les descriptions des voyageurs européens sont nombreuses dans cette région, vantant des quantités d’or et d’argent amassées depuis l’ancien royaume de Kanka Moussa jusqu’au plus récents royaumes Bambaras. Aussi la capture de la ville et de son trésor constitue un objectif pour porter un coup fatal au sultan Ahmadou.

Il s’allie diverses populations qui ont à subir la domination de cette famille toucouleur pour conquérir le royaume et progressivement entrer dans Ségou.

Le 6 avril 1890 il prend Ségou alors qu’Ahmadou est en fuite et finit par mettre la main sur un butin qui ne s’est pas avéré aussi important que prévu. Mais ce jour là il fait aussi une capture d’un type un peu particulier : un jeune homme d’une dizaine d’année, « d’un caractère fier et sauvage », le fils d’Ahmadou.

Il est probable que cet enfant portait alors le sabre dit d’El Haj Omar Tall au moment de sa capture à Ségou. Depuis Faidherbe, les fils de chefs locaux soumis étaient envoyés dans des écoles d’otages ou de fils de chefs. Elles étaient organisées par les militaires colons qui assuraient leur éducation dans le but d’en faire des futurs intermédiaires et de les soustraire à leur culture. Or Archinard se méfiait de ces écoles qui pouvaient engendrer de futurs ennemis. Aussi il ramène avec lui le jeune Abdoulaye, l’inscrit dans un lycée et le confie à une famille parisienne lorsqu’il repart en campagne. Au lycée Jeanson-de-Sailly, Abdoulaye a passé ces baccalauréats avec succès et est devenu le premier africain à intégrer l’école militaire de Saint–Cyr. Il a été autorisé à revoir sa mère à Kayes en 1898 et ce serait à cette occasion qu’il aurait attrapé « le germe de la phtisie » qui l’a emporté à Paris le 19 mars 1899.

Nous n’avons jusqu’à présent que la version coloniale de son exil : appelé l’Aiglon du Havre, en écho au surnom donnée à Napoléon II, mort également très jeune, il aurait été très lié à son ravisseur Archinard. Ce que cette histoire raconte peu, ce sont les exactions commises par ce dernier envers les toucouleurs à la suite de cette prise, ce qu’elle ne raconte pas c’est la souffrance qu’a pu endurer cet enfant exilé pendant toute son adolescence en France.

Archinard ou la boucherie héroïque © Alter Natives 2020
Illustration 3
Abdoulaye Tall

En 1995 le neveu d’Abdoulaye, Thierno Mountaga Tall parvint à faire rapatrier son corps au Mali. Khalife général de la famille omarienne, il a oeuvré pour le retour des objets ayant appartenu à sa famille. En 2011, la ville du Havre a organisé une exposition à partir des objets pris par Archinard et conservés au Muséum de la ville à laquelle de nombreux africains assistèrent. Le 17 novembre 2019, le sabre d’El Hadj Omar Tall était restitué au Sénégal, quittant les réserves du musée de l’armée. Objet hydride (lame française et manche décoré localement), son histoire et son attribution restent discutées.

 Abdoulaye Tall, fils de chef occidentalisé ?  Il semble nécessaire aujourd’hui où l’on commence en Europe à regarder cette histoire coloniale par les objets de musées, de penser la co-construction de sa narration avec les sources orales ou écrites locales. Et qu’on la transmette.

Aussi merci à ceux qui ont contribué à cet article et n’hésitez pas à réagir en commentaires, ou sur notre page Facebook, ou encore sur notre adresse anatives@gmail.com, pour enrichir cet article.

--------------------------

 Pour aller plus loin :

Claude Malon, Le havre Colonial, de 1880 à 1960, Presses universitaires de  Rouen et du Havre, 2005, - Chap 9 : le travail de l’imaginaire colonial

 Daniel Foliard , Les vies du « trésor de Ségou », Presses Universitaires de France | « Revue historique », 2018/4 n° 688, pages 869 à 898

 Bouche Denise. Les écoles françaises au Soudan à l'époque de la conquête. 1884-1900. In: Cahiers d'études africaines, vol. 6, n°22, 1966. pp. 228-267;

Jean-Pierre Bat «  l’école des otages de Kayes », Africa4, blog Libération, 17 février 2019

------------------------------------------------------------------

La prochaine image du Quizz est la suivante : 

Illustration 4
Quizz #3

Quel est cet objet? et quelle est son histoire - envoyez nous vos commentaires sur anatives@gmail.com ou en commentaire sur notre page facebook.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.