En 10 ans, Altermondesa relevé son défi éditorial : aller à contre-courant du traitement grand public des questions internationales et donner la parole aux « oubliés de l’actualité ». Retour sur ce pari fou qui, au départ, était loin d’être gagné.
La première couverture d'Altermondes, en 2005.
C’est en mars 2005 que paraît le premier numéro d’Altermondes. Il aura fallu deux ans de négociations acharnées entre associations pour venir à bout des scepticismes entourant ce projet éditorial. Et pour cause : le défi est de taille. A l’ère d’Internet, peu de gens parient sur la longévité d’une revue papier dédiée à la solidarité internationale, d’autant que les rédactions sont soumises à la règle du « mort kilométrique » qui veut qu’un mort au coin de la rue intéresse plus les lecteurs que mille morts en Haïti.
Oubliés de l’actualité
Trop habitués à se concentrer sur les crises que traverse le monde et les grands enjeux de géopolitique internationale, les médias négligent de nombreuses problématiques et relèguent au rang « d’oubliés de l’actualité » ce qui se passe ailleurs, en Afrique, en Asie ou en Amérique latine. Fort de ce constat, Altermondes veut raconter les dynamiques citoyennes mises en œuvre sur le terrain pour construire un monde juste, durable et solidaire. Le leitmotiv de la rédaction : donner la parole et la plume à celles et ceux qui en sont privés, souvent parce qu’ils appartiennent à une « minorité » ou défendent une réflexion et des pratiques à contre-courant de la pensée dominante.Altermondes tend son micro à la société civile en fédérant des associations, des syndicats, des professionnels des médias et des citoyens autour de son projet éditorial.
Dix bougies
C’est toujours dans cette optique de faire entendre la voix des sociétés civiles que la revue signe, en septembre 2010, sa première collaboration avec Libération en publiant un hors-série intitulé « Un monde sans pauvreté, et si c’était possible ? ». D’autres suivront. Altermondes élargit son audience aux 120 000 lectrices et lecteurs de Libération. Et se fait une place parmi ses pairs en scellant d’autres partenariats de qualité avec Afriscope, Alternatives économiques, Mediapart, Politis, Radio Nova, Regards ou RFI.
Le rédacteur en chef d'Altermondes, David Eloy, les journalistes Erige Sehiri (Inkyfada) et Edwy Plenel (Mediapart) lors de la conférence de presse pour le lancement de la nouvelle formule de la revue.
Qui aurait parié, en 2005, que cette folle aventure soufflerait un jour ses 10 bougies ? En une décennie, « petit » média est devenu grand. Altermondes lance une nouvelle formule et fait ses premiers pas en kiosque à l’automne 2014. Parallèlement, l’association éditrice de la revue devient une Société coopérative d’intérêt collectif (SCIC). Le terme est, certes, jargonneux, mais il cache une structure plus à même de faire entendre, toujours plus haut et plus fort, les valeurs et les propositions des « oubliés de l’actualité » à travers un sociétariat aussi élargi que diversifié.
Croisement des regards
Avec cette transformation, Altermondes proclame sa conviction que l’existence d’une information indépendante et de qualité n’est pas qu’une affaire de journalistes. Elle concerne tout autant les associations, les syndicats, les lectrices et les lecteurs, qui ont désormais leur place au sein de son Assemblée générale et de ses comités de rédaction, conçus comme des espaces de dialogues et d’échanges. Car c’est du croisement et de la confrontation des regards que naît une information différente et pertinente.
Plus que jamais, il y a urgence à continuer sur cette lancée : nourrir différemment le débat public, porter et défendre les valeurs de solidarité, de citoyenneté, de justice, de tolérance et d’ouverture au monde. Pour cela, Altermondes a plus que jamais besoin de celles et de ceux qui l’ont construit pendant 10 ans, mais aussi des autres.