Jour 58 – 1er aout

Arrivés la veille de Bordeaux, ce sont aujourd’hui les premiers coups de pédales de Romain et Ismaël. L’étape du matin est courte vers Philippeville, il fait un soleil de plomb et nous arrivons en plein marché dans cette commune fortifiée par Vauban. Le cap des 3000 km vient d’être franchi. Nous sommes reçus par Jean-Marie Delpire, le maire de Philippeville. Il nous expliquera que la ville ne renâcle pas à soutenir les alternatives : solution au tout voiture, service d’échange local, boutique de seconde main, mise en place d’une ressourcerie...

Puis c’est la section locale de Nature & Progrès qui nous reçoit pour le repas. Après une sieste vers 16 h, la température devient plus supportable, c’est l’heure du départ pour Matagne-la-Petite. Nous passerons la nuit dans le café associatif du village “La Petite Musique”. Le cadre de sa terrasse est très agréable, nous en profitons pour apprécier cette journée tranquille et reposante et aussi pour prendre une douche dans un camping à proximité après deux jours sans.

Entretemps Yvan est aux petits soins et nous prépare un bon barbecue avec Stéphane des Amis de la Terre. Comme d’habitude nous avons bon appétit. Chacun s’occupe des choses en cours pour terminer la soirée avant de passer une nouvelle nuit tous ensemble dans une pièce commune. C’est aussi la dernière pour Coline qui quitte le Tour demain juste avant notre participation au Festival Ezperanzah.
Jour 59 – 02 août
Derniers remerciements à Yvan et Stéphane et nous nous élançons en direction du festival Esperanzah. Fondé en 2002 et organisé dans la magnifique Abbaye de Floreffe, le festival réunit aujourd'hui plus de 30 000 personnes venues partager musique, culture et militantisme. Après la remise en cause du modèle agro-industriel en 2013 et le droit à l'alimentation en 2014, le festival a choisit cette année pour thème central le climat et la mobilisation citoyenne en vue de la COP21. Un message, un slogan : « En route vers tout autre chose, mais pas n'importe quoi ! ».
Si de nombreux festivals se disent responsables et engagés, Esperanzah est lui un modèle du genre. Il règne dans l'enceinte de l'Abbaye une étonnante atmosphère de solidarité, de partage et de tolérance. Réduction des déchets à la source, récup', ateliers solidaires et participatifs, formation au compostage… Tout est pensé pour limiter tant que possible l'empreinte du festival et vivre la transition écologique, par la parole et par l'acte. Et comment être certain de toucher un maximum de festivaliers ? Imprimer des pétitions anti-TAFTA ou des appels au désinvestissement des énergies fossiles au verso des tickets boissons !


Slalomant entre les poules se baladant paisiblement, les triplettes Alternatiba font une entrée triomphale dans le Village des Possibles du festival, accueillies chaleureusement par Benjamin et Jérôme, membres actifs d'Alternatiba Bruxelles et de Climate Express. Parmi les envolées lyriques déposées par les festivaliers dans la « Boite à crier » du village et reprisent en cœur par les présents, nous retrouvons un slogan cher au processus Alternatiba : « Ils ne savaient pas que c'était impossible, du coup ils l'ont fait » ! La journée est bien lancée !
Toute l'après-midi les festivaliers se succèdent au stand pour découvrir le tracé du Tour Alternatiba et s'informer sur le Village des Alternatives qui sortira de terre les 12 et 13 septembre à Bruxelles. Pendant ce temps, Max et les compagnons d'Alternatiba Bruxelles et de Climate Express animent une conférence intitulée « comment désobéir à la COP21 ? ».

Alors qu'un débat sur TAFTA s’improvise devant notre stand, nous préparons les équipages pour le grand moment de la journée. A 18h, une déambulation pour le climat regroupant plus de 200 personnes s'élance du Village des Possibles pour gagner le haut de l'Abbaye. En tête de cortège, Max enchaîne slogans et textes de rap, les triplettes et la quadruplette fendent la foule, un ours polaire Climate Express tente de résister à la chaleur. Musicale, festive, jeune, ultra-péchue : quel bonheur de prendre part à cette marche ! Qu'ils rejoignent Paris à vélo, en train, à pieds ou autre, nous recroiserons certainement tous ces visages en décembre lors des multiples actions de mobilisations organisées pendant la COP21 !


Les plus vaillants poursuivront la soirée jusqu'au dernier concert pendant que les plus âgés (ou les moins vaillants...) regagneront sagement leurs tentes pour une nuit bien méritée au camping familial.
Jour 60 – 03 août

Si la découverte des campagnes belges, où les champs d'éoliennes succèdent aux petits villages est un vrai bonheur, nous comprenons vite que le qualificatif de « plat pays » magnifiquement chanté par Jacques Brel pour évoquer son pays natal ne concerne pas le Sud du territoire ! Nous apprendrons à nous méfier des « faux plats montants » de ce côté-ci de la frontière ! Nous profitons du pique-nique du midi au bord du lac de Louvain-la-Neuve et sous le soleil pour agrandir le cortège : une trentaine de cyclistes de la Transeuropéenne partis de Copenhague le 8 juillet pour arriver à Paris le 12 août se joint à nous, accompagnée de deux bénévoles d'Alternatiba Bruxelles. Claude et Albert, 150 années au compteur en cumulé, conduisent la troupe sur les 75 kilomètres de l'étape jusqu'à l'entrée de Bruxelles.


Plus d'une centaine de personnes attend le convoi à la gare d'Etterbeck pour le départ de la vélorution, également appelée « masse critique » par nos amis belges. Max et Ben assurent l'ambiance à bord du vélo sono, le cortège déambule joyeusement dans les rues de Bruxelles en passant symboliquement devant le Parlement Européen avant de gagner la Place Sainte Catherine. C'est ici que se déploiera le Village des Alternatives d'Alternatiba Bruxelles les 12 et 13 septembre. On vous y attend nombreux !
Nous rejoignons ensuite La Tentation, magnifique bar aux murs de briques rouge et à la charpente en bois, pour partager le verre de l'amitié avec les vélorutionnaires. Madame Christiane Hessel nous fait le plaisir de partager ce moment avec nous et de lire la prise de parole qui avait lancé le Tour Alternatiba le 5 juin à Bayonne. Une soixantaine de personnes assiste ensuite à la conférence. Urgence climatique, agriculture paysanne, villes en transition, énergies renouvelables citoyennes : les débats sont riches et enjoués.

La soirée se termine par une magnifique découverte : nous dormons ce soir au 123, incroyable squat autogéré et participatif de Bruxelles fondé en 2007 et où vivent actuellement 65 personnes. Une convention d'occupation temporaire a été conclu avec la Région Wallone, propriétaire du lieu. La bâtiment est aujourd'hui un espace unique, ouvert sur le quartier : un repas à prix libre est organisé chaque dimanche, des ateliers participatifs de couture et pour les vélos ont pris place. Le tout dans un décor ultra coloré et un fonctionnement axé sur la transversalité et la collégialité ! Une bien belle alternative concrète à la crise du logement alors que nos villes regorgent d'immeubles inhabités et que la spéculation immobilière rend toujours plus compliqué l'accès à un toit.
Jour 61 – 4 août
Alors que Jacques et son vélo couché qui nous ont accompagnés sur les routes depuis Besançon nous quittent pour regagner Paris, nous quittons Bruxelles direction les Flandres et la ville de Gant. La sortie de Bruxelles est pénible : la route est mal aménagée, la piste cyclable slalome entre les voitures, les panneaux de signalisations et les bornes à verre, les rails de tramway se succèdent… Et la pluie n'arrange rien ! Laurent, qui compte pourtant parmi nos meilleurs pilotes de triplettes subit sa première chute embarquant Ismaël au sol tandis que Romain parvient à rester debout préférant sauver la triplette plutôt que ses camarades. Belle solidarité !
Les campagnes bruxelloises et l'abord des Flandres nous offrent de magnifiques paysages boisés entrecoupés de multiples cours d'eaux. Si le départ fut chaotique, nous atteignons finalement Alost pour un pique-nique rapide sur la place de l'église. Les mécaniques ont souffert ce matin, nous comptons déjà deux crevaisons. Mais le retour du soleil regonfle les cœurs et nous repartons pour 40 kilomètres en direction de Gant, point de passage le plus au Nord du Tour Alternatiba !

Malgré ses 255 000 habitants, on se sent à Gant comme dans un grand village. Les aménagements cyclistes sont remarquables : larges pistes cyclables, calibrage adapté des feux de signalisations, arceaux à vélo… Ces aménagements, simples mais hélas trop rares dans nombres de villes, transforment en profondeur l'espace public. Les lieux d'échanges et de convivialité remplacent les places de parkings, les plantes grimpantes et les roses trémières poussent au pied des immeubles en lieu et place des parcmètres.
Avant de rejoindre Baudelo Park pour le départ de la vélorution, nous travaillons notre flamand. Répétez après moi : « Verander het systeem, niet het klimaat ! ». Dans un audacieux mélange de français, d'anglais et de flamand, Max explique aux 70 personnes présentes les objectifs du Tour Alternatiba, accompagnée de Julie, membre de la Coalition climat belge et de Climate Express.

En triplette, quadruplette, vélo sono, skate, rollers, trottinettes… la vélorution sillonne les quartiers populaires de la ville pour rejoindre Boerse Poort et son immense jardin partagé en bordure de ville. Sorti de terre sur une ancienne décharge, le jardin partagé est grandiose.Tout est pensé pour utiliser au mieux l'espace disponible et le développer de manière responsable et soutenable. Alors que tant de villes ont une autonomie alimentaire limitée à quelques jours, l'urgence de (re)développer une agriculture urbaine et péri-urbaine biologique et accessible à tout public prend ici tout sons sens.
Dans une très bonne ambiance nous partageons un repas végan avec les habitants du lieu et les vélorutionnaires, confectionné avec les légumes du jardin et des aliments glanés. Il est l'heure de regagner nos lits : demain, retour en France !
