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Billet de blog 9 août 2021

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Marathon contre la montre: pourquoi le gouvernement n'écoute-t-il pas les alertes du GIEC?

À l'heure des catastrophes climatiques extrêmes sur toute la planète, le discours du gouvernement est insupportable. « Écologie excessive », image d’un lent « marathon » ou auto-congratulations infondées, c’est à peu près l’essence de la tribune, encore décevante, signée par B. Pompili et P. Canfin le 22 juillet [1]. À l’occasion de la sortie du rapport du GIEC, ce 9 août, Alternatiba répond.

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Avec les dernières actualités climatiques entre inondations en Belgique, en Allemagne, en France ou encore mégafeux qui ravagent la Sibérie et la Grèce et la Turquie ce week-end, la première partie du sixième rapport du GIEC dévoile de toute évidence des impacts encore plus catastrophiques que les fuites dudit rapport ne l’annonçaient le 23 juin. 

Ces catastrophes climatiques avaient déjà été dessinées par le GIEC : il tente d'alerter, depuis plus de trente ans, les gouvernements sur la nécessité d’agir pour éviter l’aggravation de la situation climatique. Sans grand succès.

Illustration 1
Affiche "où est Macron" collée à la suite de certains décrochages de portraits présidentiels dans les mairies pour représenter l'absence d'une politique climatique et sociale ambitieuse du président Macron.


 « L’écologie du gouvernement » ?

Derrière cette formule mystérieuse, le gouvernement montre, par son inaction, qu’il ne prend pas la mesure des alertes des scientifiques. C’est ça « l’écologie du gouvernement ». La mise à l’arrêt de projets inutiles et climaticides tels que Notre-Dame-des-Landes ou Europacity n’a été rendue possible qu’à la seule force de la mobilisation citoyenne. Et se féliciter que ces projets n’aient pas été menés à leurs termes alors que le gouvernement maintient son engagement dans de nombreux autres projets comme l’implantation d’Amazon en France et ce, en refusant un moratoire sur les entrepôts de e-commerce,  pourtant demandé par la Convention citoyenne pour le climat. Nous ne sommes pas dupes, quand un projet est arrêté, d’autres plus dangereux encore fleurissent. L’urbanisation du triangle de Gonesse en est le triste exemple. Mais la lutte citoyenne pour le protéger se maintient. Alors, on ne peut pas dire que c’est courir un marathon mais c’est clairement tourner en rond.

S’opposer publiquement à l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur (Argentine, Brésil, Uruguay, Paraguay) pour dénoncer la politique de déforestation amazonienne menée par le président Bolsonaro est une chose, continuer d’importer massivement depuis le Brésil et n’envisager aucune sanction économique en est visiblement une autre pour les membres du gouvernement. Rappelons que si la France se targue de voir ses émissions carbone territoriales baisser, l’importation de ces mêmes émissions carbone ne cesse d’augmenter. 

Et pendant que les citoyen·nes luttent pour le respect de leur territoire, le dérèglement climatique s’accélère et l’augmentation de 1,5°C, seuil crucial retenu par l’accord de Paris, pourrait bien être dépassée dès 2025, provoquant par ricochets une grande perte de biodiversité, l’augmentation du niveau des mers et des océans ou encore des famines causées par la baisse des rendements agricoles. Tous les compteurs sont au rouge. 

Un gouvernement qui s’auto-congratule d’avancées minimes

Mais le gouvernement français semble ne pas arriver au même constat – ou du moins faire la sourde oreille. La France serait soi-disant en tête de cette écologie « du marathon ». Loin de signifier une stratégie précise ou un plan d’attaque face à l’urgence climatique, cette formule est vide de sens, tout autant que la politique climatique d’Emmanuel Macron.

En effet, les classements régulièrement brandis par LREM pour célébrer l’efficacité de la politique climatique du gouvernement ne sont pas si glorieux : ils font la part belle aux promesses et aux objectifs lointains et manquent cruellement d’actes concrets. Le dernier rapport du Haut Conseil pour le climat dénonce justement l’écart entre les paroles et les actes : les progrès sont « mitigés » et « peu alignés avec la trajectoire de réduction prévue ».

Une chose est claire : aujourd’hui, aucun État ne peut prétendre avoir adopté des méthodes suffisamment efficaces pour faire face à l’urgence climatique. Il y a bien sûr des progrès, des avancées et des engagements forts, mais le plus gros reste encore à faire. Pour le dire autrement : être bien classé par rapport aux autres États ne signifie pas que le cap est bon, que les mesures soient suffisantes. La bataille climatique n’est pas un concours. Partout les efforts doivent être intensifiés, et la France ne peut pas se satisfaire d’une place honorable au sein d’un échec collectif lamentable. 

Illustration 2
Le 8 juin 2019, plusieurs militant·es d’ANV-COP21 Auch avaient décroché le portrait du président dans la mairie de Barran et collé une affiche où figurait l’ombre d’Emmanuel Macron et la question “où est Macron ?” pour dénoncer son inaction en matière de climat.

Nous avons conscience que la course va être longue et qu’il nous faudra de l’endurance pour gagner la ligne d’arrivée. Mais il ne faut pas nier que cette course, il faut la gagner avec rapidité. C’est tout le paradoxe de l’urgence climatique : on doit faire très vite ce qui normalement demande beaucoup de temps. Raison de plus pour entamer le sprint dès maintenant. Et certes : c’est impossible à gagner seul·e, on a besoin d'être solidaires et bien coordonné·es, à l’image d’un 4x100m. 

Cette position de « leader de l’action climatique » que le gouvernement s’auto-octroie est par ailleurs largement remise en cause par d’autres classements. Le CCPI (Climate Change Performance Index) a classé différents pays selon leur bilan écologique en fonction de leurs émissions de gaz à effet de serre, de leur production d’énergies renouvelables, de leur consommation d’énergie et de leurs politiques en faveur de la lutte contre le dérèglement climatique. La France arrive en 23e position, derrière la moyenne de l’Union européenne. Il ne suffit pas de s'autoproclamer favori pour rester dans la course.

Si Emmanuel Macron et son gouvernement tentent de mettre en avant des événements singuliers de leur bilan écologique, il s’agit de regarder ce qu’il se cache vraiment derrière ces « victoires ». Parmi ces dernières, le président de la République capitalise sur le supposé arrêt de l’exploitation de la Montagne d’or en Guyane qui menace fortement la biodiversité régionale. Le tribunal de Cayenne a pourtant accepté la reprise de l’activité, sans grandes protestations de l’État…

Urgence climatique : gagner lentement, c’est déjà échouer

Dans Rolling Stones en 2017, Bill McKibben, fondateur de 350.org avait écrit à propos de la lutte climatique  « Winning Slowly Is the Same as Losing » (Gagner lentement, c’est déjà échouer). C’est bien là que que pèche la politique climatique du gouvernement, et où ses déclarations deviennent mensongères. Et la sortie ce matin du rapport du GIEC démontre, à nouveau, l’urgence vitale de passer à l’action. C’est maintenant qu’il faut que les autorités mettent en place des mesures pour la neutralité carbone si on espère voir aboutir à temps cet immense projet de société. Si nous continuons dans la trajectoire actuelle, les écosystèmes terrestres et océaniques auront une capacité de plus en plus limitée pour nous aider à répondre au défi climatique. Plus nous attendons, plus nous prenons le risque d’échouer.

Les scientifiques rappellent que dépasser les 1,5°C, c’est mettre en danger la planète, les écosystèmes et toute l’humanité. Nous sommes les principaux responsables de l’augmentation de la température et les récents épisodes de chaleurs extrêmes, de sécheresses et de précipitations en sont les exemples les plus palpables. Le rapport le confirme : certains de ces récents pics de température n’auraient très probablement pas eu lieu sans l’activité humaine. Dans la bataille climatique, chaque dixième de degré compte. Si nous nous empêtrons dans l’inaction des pouvoirs publics, nous allons suivre la trajectoire actuelle d’augmentation de la température. Si les engagements pris par les gouvernements pour le climat jusqu’à alors étaient respectés - ce qui n’est même pas le cas aujourd’hui - la température estimée d’ici la fin du siècle pourrait déjà atteindre + 2,7°C. 

Léa Vavasseur, porte-parole d’Alternatiba, rebondit sur ce bilan : 

« Pour suivre les avertissements du GIEC, la seule voie possible est celle d’une écologie radicale qui pense un vrai changement de système. Ce n’est pas en jetant quelques verres d’eau sur les incendies qui font des ravages à travers le globe que la ministre de l’écologie parviendra à les éteindre. » 

Illustration 3
© Quarrie Photography | Jeff Walsh | Cass Hodge / Climate Visuals

Avec ces dernières nouvelles alarmantes de la part des experts mandatés par l’ONU, on peut affirmer que l’écologie du gouvernement, c’est celle de la demi-mesure alors même que l’urgence n’a jamais été si criante. 

Ces insuffisances sont aussi soulignées par le Haut Conseil pour le climat :

 « Les efforts actuels sont insuffisants pour garantir l’atteinte des objectifs de 2030, et ce d’autant plus dans le contexte de la nouvelle loi européenne sur le climat. Alors que les conditions climatiques sortent des plages de variabilité climatique naturelle, avec des impacts croissants, les efforts d’adaptation doivent être rapidement déployés et intégrés aux politiques climatiques dans leur ensemble. »

Et n’oublions pas que les propositions de la Convention citoyenne pour le climat ont été affaiblies, dénaturées ou mises sous le tapis et, pourtant on nous parle « d’écologie excessive ». Mais l’excès aujourd’hui est du côté de celles et ceux qui pensent qu’on peut continuer en trottinant, qu’on peut conserver un système productiviste qui montre pourtant ses failles, crise après crise. « L’écologie de la production », celle qui veut « transformer sans fracturer » nie les réalités écologiques auxquelles nous faisons face. Les scientifiques du GIEC le disent, sans « transformation radicale des processus et des comportements à tous les niveaux : individus, communautés, entreprises, institutions et gouvernements », nous allons au devant d’un désastre. Nous devons mettre la science et la technologie au service des besoins humains vitaux, et construire des sociétés soutenables. Nous devons changer de paradigme, pour bâtir un monde juste qui ne laisse personne de côté et permet à chacun de vivre dignement.

Le temps n’est plus celui des mesurettes mais bien celui des actions concrètes et radicales face à l’urgence climatique. Alors, c’est bien de vouloir courir un marathon, mais encore faut-il  savoir passer le relais quand on est dépassé par les événements.

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