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Billet de blog 19 avril 2024

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L'écologie sera populaire ou ne sera pas

Le gouvernement Attal prétend se mettre à l’écologie populaire, mais nous n’en avons visiblement pas la même définition. Voici celle d'Alternatiba, celle d’une écologie radicale et populaire, ancrée dans le concret et dans tous les territoires, qui profite au plus grand nombre.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Dans son discours de politique générale du 30 janvier 2024, le nouveau Premier ministre Gabriel Attal a donné la recette de l’écologie sauce Macronie : une écologie qui se veut “populaire” en opposition à une écologie de la décroissance, définie comme punitive et nous faisant plonger dans la misère. “La décroissance, c’est la fin de notre modèle social. C’est la pauvreté de masse. Jamais je ne l’accepterai. [...] Au contraire, nous allons continuer à bâtir ensemble une écologie populaire.” Aujourd’hui, la question n’est plus de savoir qui va parler d’écologie, car des années de mobilisation de la société civile et les évidences scientifiques rendent le sujet impossible à éluder, mais comment on en parle. 

Or “l’écologie populaire” dans la bouche d’élites parisiennes pour qui l’inflation n’est qu’un mot qui n’a pas d’incidence sur le contenu du frigo, ça a de quoi faire douter. Qualifier l’écologie de populaire, comme de radicale, c’est presque une redondance. Car l’écologie, pour remplir sa mission d’offrir à tou·tes, générations présentes comme futures, des conditions de vie dignes sur terre, doit nécessairement être radicale et populaire. Bien loin, donc, de ce que vous faites au quotidien, monsieur Attal ; et non, il ne suffit pas d’utiliser un mot pour transformer la réalité. Par contre, l’écologie populaire est au cœur du projet de changement de société et du travail quotidien d’Alternatiba depuis des années.

Ils s'agitent, on agit

En la matière, l'esbroufe gouvernementale ne tient pas longtemps l’épreuve des faits. Il suffit d’un coup d'œil au bilan de Macron pour s’apercevoir que sa politique n’est pas franchement populaire. Ni franchement écologique non plus, d’ailleurs. Suppression de l’ISF (impôt sur la fortune) pour favoriser les plus riches mais baisse des APL (aides personnelles au logement), qui permettent aux plus pauvres de payer leur loyer. Désormais, 14,5 % de la population française vit sous le seuil de pauvreté, un chiffre inédit depuis 1996 (Insee). Sur fond de crise post-covid et d’inflation, les inégalités ne cessent de se creuser. À titre d’illustration, depuis 2020, les 4 milliardaires les plus riches de France et leurs familles ont vu leur fortune augmenter de 87 % (rapport d'Oxfam). En matière environnementale, les reculades s’additionnent derrière les rodomontades du “champion de la Terre” : des recommandations issues de la Convention citoyenne pour le climat complètement édulcorées ou restées lettre morte, la baisse d’un milliard du budget alloué à la rénovation énergétique des logements ou encore le récent affaiblissement du plan écophyto en réponse à la crise agricole. Le comble est atteint quand le “fonds vert” du gouvernement sert à financer des amarrages pour yachts… Bref, l’écologie façon Macron est surtout populaire… auprès de Bernard Arnault et des grands pollueurs. 

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l’écologie populaire façon Macron est surtout populaire… auprès de Bernard Arnault et des grands pollueurs © Alternatiba

La question mérite donc d’être posée : c’est quoi, une écologie véritablement populaire ? Pour nous, c’est un projet nécessairement radical, c’est-à-dire qui s’attaque à la racine du problème de la crise écologique (le système capitaliste, productiviste et libéral actuel), et qui répond à trois des acceptions du terme populaire : 

  • une écologie qui intègre tout le monde, et notamment les habitant⋅es des quartiers et milieux populaires 
  • une écologie qui propose à toutes et tous un projet de société juste 
  • une écologie dont le modèle est désirable par le plus grand nombre, loin des épouvantails caricaturaux dont on l’affuble bien souvent : un truc de “bobos”, “de gens des villes”, “d’anti-viande qui mangent des graines germées”, “d’allergiques au progrès”, bref d’une certaine élite économique de gauche jugée comme bien-pensante.

L’écologie ne peut pas se faire sans les habitant·es des quartiers et milieux populaires 

Le raisonnement est simple : c’est le système actuel qui a conduit à la crise environnementale, climatique, sociale, que nous connaissons. Il est désormais temps de sortir de nos carcans de pensée hérités de la binarité capitaliste/communiste du monde du 20e siècle pour réinventer un autre système où d’autres façons de consommer, de s’habiller, de produire de l’énergie et des ressources, de se loger, de partager les richesses, permettraient non seulement de mettre fin à l’impact délétère de l’humanité sur les ressources naturelles, mais également de créer des conditions de vie justes, équitables, et bien plus épanouissantes pour la très grande majorité. Or, dessiner un projet de société qui soit le plus juste possible ne peut pas se faire sans les premières et premiers concerné·es par les injustices et les conséquences actuelles et futures des dérèglements climatiques et de leurs impacts. Ce projet de société doit correspondre aux enjeux et besoins concrets des gens. Il ne suffit pas de dire “le vélo c’est super !” si on ne pense pas derrière aux solutions de transport en commun réellement pratiques pour une personne sur cinq qui vit en milieu rural. Ou de sermonner : “il faut isoler son logement pour faire des économies d’énergie” quand 10 millions de personnes vivent dans le parc social et sont tributaires des moyens de leurs offices HLM, et qu’une partie des petits propriétaires sont pile dans la fourchette où ils ne peuvent ni bénéficier d’aides ni faire leurs travaux seuls. Bref, si notre proposition de modèle de société n’est pas capable de répondre aux préoccupations immédiates et matérielles des personnes en situation de précarité, il y a fort à parier qu’on tape à côté, comme Macron. La conséquence ? Continuer à alimenter la désillusion, le repli sur soi, le défaitisme et le sentiment que “à quoi bon batailler puisque rien ne va changer”, qui font le lit des propositions réactionnaires de partis comme le Rassemblement national. 

Partir des besoins immédiats et matériels des gens : c’est le pari que fait par exemple le mouvement Alda au Pays Basque, qui défend les droits des habitant·es des quartiers et milieux populaires. En multipliant les victoires concrètes à l’échelle individuelle et collective, Alda parvient à montrer, par l’exemple, l’intérêt de l’organisation collective pour affronter les injustices, et tordre ainsi le cou à l’individualisme et au défaitisme. “Ensemble, on gagne !” répète régulièrement l’organisation, qui a choisi de commencer par s’attaquer à l’un des problèmes du quotidien qui touche de plus en plus d’habitant·es des quartiers et milieux populaires : le logement. Devenue en trois ans la première association des locataires du Pays Basque, Alda utilise cette porte d’entrée pour véhiculer les valeurs de solidarité et d’entraide, et définir collectivement un projet de métamorphose du territoire aussi juste que soutenable ! 

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Arrivée du Tour Alternatiba 2018 à Bayonne © Sam Saintyard

L’écologie est le projet de société du plus grand nombre

Face à une écologie d’élite, ou plutôt à un discours libéral maquillé d’écologie, nous défendons une écologie qui profite au plus grand nombre. Pour cela, elle est indissociable des notions de justice sociale et de justice climatique. “Fin du monde, fin du mois, même combat” avons-nous rapidement crié sur les ronds-points en 2018 quand une taxe carbone injuste a mis en colère les “Gilets jaunes” : aucune mesure ne sera véritablement écologiste si elle n’intègre pas une composante de justice sociale. Vouloir instaurer une taxe carbone sans prendre en compte la différence des moyens (proportionnellement, l’effort reposait davantage sur les ménages les plus pauvres que les ménages les plus riches, cf. rapport du Réseau Action Climat), ni penser une redistribution qui pourrait bénéficier aux plus pauvres, c’est se tirer une balle dans le pied, et faire perdurer un système injuste qui ne profite qu’à quelques-uns. 

De même, justice et solidarité ne doivent pas être pensées qu’au sein de notre société européenne, mais bien à l’échelle internationale. La responsabilité des pays du Nord dans le dérèglement climatique, dont les pays du Sud et leurs habitant·es les plus défavorisé·es paient les plus lourdes conséquences, suppose une répartition proportionnelle des efforts de réduction des gaz à effet de serre et des mécanismes de solidarité pour faire face aux impacts. En Haïti, les militant·es d’Alternatiba expérimentent chaque jour les conséquences de se battre pour construire un autre projet de société dans un contexte d’État défaillant, de violence généralisée et de pauvreté massive (Haïti est l’État le plus pauvre de tout le continent américain).

L’écologie, c’est de la pop-culture 

Nous pensons que réussir un changement de système juste suppose une adhésion massive de la société au projet proposé. D’où le leitmotiv d’Alternatiba de construire un “mouvement massif, populaire et déterminé pour le climat”. Or, pour mobiliser largement, il faut être désirable. Populaire. Parler au plus grand monde. Et savoir comment lui donner envie. Dans son numéro 3,0, le fanzine Climax fait le parallèle avec la façon dont un virage a été opéré dans la critique de la dictature de Pinochet au Chili au moment du référendum de 1988 censé maintenir le régime en place. Prenant le contrepied des images horribles des conséquences de la dictature, une campagne positive proposant une réalité désirable, très pop, a été mise sur pied… et a contribué à la victoire du “non”. 

En plein cœur de la sinistrose angoissante provoquée par la crise mondiale du covid et le confinement, c’est notamment dans cet d’esprit que, avec 60 artistes et intellectuels, nous avons publié le manifeste “Et si… pour inviter, en s’appuyant sur l’art, à se projeter goulûment dans ce que pourrait être “le monde d’après”. Les villages des alternatives organisés partout sur le territoire depuis 2013, dans des grandes villes, des quartiers populaires, des villages, donnent également à voir ce que pourrait être, concrètement, le monde qu’on propose - alliant alternatives concrètes, conférences scientifiques, concerts et préparation des luttes à venir dans la joie d’une journée festive et familiale. 

Quotidiennement, sans relâche depuis dix ans, au cœur des territoires et forts de nos 113 groupes locaux, nous nous mobilisons avec détermination et espoir pour démanteler le monde d’avant et construire celui d’après. Pendant tout l’été 2024, du 1er juin au 6 octobre, un immense Tour Alternatiba parcourra plus de 100 étapes pour soutenir l'action dans ces territoires. Ces quartiers, ces grandes villes, ces champs, ces ronds-points, tous ces espaces où fourmillent les alternatives, où on n’attend pas que tout vienne d’en haut pour commencer à changer le quotidien. Où, dans un contexte où les plus défavorisés ont déjà commencé à trinquer à cause des conséquences palpables des changements climatiques, on retrousse nos manches pour montrer comment la solidarité, l’entraide et le partage vont nous permettre de faire face à ces crises, et de continuer de lutter pour chaque dixième de degré. 

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.