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Billet de blog 1 novembre 2021

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Référendum courneuvien: un camouflet de plus pour la majorité municipale !

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Du 26 au 30 octobre dernier, la majorité socialo-communiste de la ville de La Courneuve a organisé l'un des engagements phares de son programme municipal 2020-2026: le référendum courneuvien.

Une consultation citoyenne d'envergure qui s'ajoute aux précédentes initiatives de 2006 et 2011 portant respectivement sur le vote des étrangers aux élections locales et la création d'une police municipale.

Cette fois, les habitant.e.s étaient appelé.e.s à se prononcer sur le déploiement de la 5G et la place de la voiture en ville (stationnement et zone à 30km/h).

Tous les habitants de la ville de plus de 16 ans quelque soit leur nationalité été donc invités à se prononcer sur ces sujets "locaux".

Pour voter, les habitants devaient présenter :

  • une pièce d'identité avec photo
  • un justificatif de domicile à La Courneuve

Sur BFM Paris, Gilles POUX, maire PCF/LFI de La Courneuve déclarait en réponse à la question de la journaliste qui l'interrogeait sur la légitimité des résultats et leur prise en compte :

"On souhaite un minimum de participation pour que ces résultats soient pris en compte. On s'est fixé une barre autour des 4000 votants. Ce qui est un chiffre si on le rapporte aux dernières élections cantonales, qui est de l'ordre du nombre de personnes qui ont voté aux élections cantonales. Donc on est dans quelque chose qui a quand même du sens. Parce que effectivement si il y avait 2 ou 300 votants ou 4...600, ça n'aurait pas de valeur significative."

Après 5 jours de scrutin, une communication locale sans précédent et une importante mobilisation de moyens humains et logistiques de la collectivité locale, seul 1216 votants ont répondu à l'appel. Soit au regard des 35 000 Courneuvien.ne.s appelé.e.s à se prononcer, une abstention record de plus de 96%. Oui, vous ne rêvez pas, 96% d'abstention alors même que le nombre d'inscrits au scrutin a plus que doublé.

Une campagne à laquelle la partie socialiste de la majorité municipale n'a pris part que très timidement. Laissant le soin aux équipes du Maire de battre le pavé pendant que Stéphane TROUSSEL assurait son rôle de porte-parole de la candidate socialiste à l'élection présidentielle, Anne HIDALGO. Pourtant un accord de principe en faveur de l'unité (publique) de la majorité municipale avait été scellé en séminaire de rentrée en septembre dernier, en réponse aux résultats des élections départementales de juin dernier.

Toutefois, les socialistes de La Courneuve pourront répondre que l'élu en charge de la démocratie participative n'a lui aussi pas pris part au débat et encore moins été présent sur le terrain. En effet, Sacha MOSKOWITZ passait quant à lui l'essentiel de son temps à exercer sa mission de collaborateur du groupe Insoumis à l'Assemblée Nationale.

Qu'importe, pour bien comprendre les résultats de ce scrutin, il est indispensable de faire un bond dans le passé et revenir notamment sur les deux précédents référendums locaux.

En effet, en 2006 bien qu'en dehors du champ de compétences de la commune de Seine-Saint-Denis, la consultation citoyenne portait alors sur le vote des étrangers aux élections locales.

Sur les 13 834 électrices et électeurs inscrits, 3644 soit 26,34% avaient déposé.e.s un bulletin dans l'urne. Au final, c'est le OUI qui l'avait emporté d'une courte avance avec 53,87%.

https://www.lagazettedescommunes.com/16935/ile-de-france-un-ouia-5387-lors-du-referendum-sur-le-vote-des-etrangers-a-la-courneuve/

Aussi, il est indispensable de rappeler que ce type de "référendum local", n'en demeure pas moins illégal. 

https://www.vie-publique.fr/fiches/20178-en-quoi-consiste-le-referendum-local

En 2011, l'initiative portait cette fois sur la création d'une police municipale. Fort de débats assez tendus entre d'un côté Gilles POUX, maire uniquement communiste à l'époque et Stéphane TROUSSEL, chef de la majorité socialiste locale, de l'autre, la consultation citoyenne (résultante de l'abandon d'un référendum local sur le sujet) invitait les Courneuvien.ne.s à notamment répondre à la question suivante: Souhaitez-vous la création d'une police municipale nécessitant l'augmentation des impôts et/ou la baisse des prestations municipales?

https://www.leparisien.fr/seine-saint-denis-93/pas-de-vrai-referendum-sur-la-police-municipale-17-05-2011-1453257.ph

http://archives.stephanetroussel.fr/9-0-356/a-la-courneuve/police-municipale-il-ny-aura-pas-de-vrai-referendum-mais-une-consultation-tres-orientee

https://www.lemonde.fr/banlieues/article/2011/06/16/etes-vous-favorable-a-la-creation-d-une-police-municipale_5983179_1653530.html

Vous l'aurez compris, cette question excessivement orientée par le Maire communiste n'avait pas manqué d'agacer jadis Stéphane TROUSSEL, alors conseiller général du canton et conseiller municipal d'opposition.

Suite à ce scrutin consultatif, le NON l'avait "naturellement" emporté, eu égard à l'orientation très prononcée de la question posée aux administrés.

Quelques années plus tard et fort d'un rabibochage politicien en marge des élections municipales de 2014, le PC et le PS font alliance après 6 années passées dans l'opposition pour le second.

De cette alliance naissent deux accords centraux:

  • la non-présentation du Maire Gilles POUX aux prochaines élections départementales prévues en 2015
  • la création d'une police municipale

Vous l'aurez de nouveau compris, le choix des Courneuvien.ne.s fut enterré en mode ni vu, ni connu par Gilles POUX et consorts.

La démocratie, arguaient-ils !

En 2021, pour cette nouvelle version du "référendum courneuvien", quatre débats publics étaient organisés en amont du scrutin dans les quatre secteurs de la ville.

La première d'entre elles, organisée au sein de la toute nouvelle Maison Pour Tous Youri-Gagarine le 05 octobre dernier, marquait le lancement en grandes pompes de l'initiative. Au total, seulement 9 habitant.e.s ont fait le déplacement. En face, pas moins de 17 agents communaux et élus de la ville.

Animée par Julie GACON, journaliste à France Culture, le débat s'établissait essentiellement sur les problématiques quotidiennes des quelques habitants du secteur présents. En effet, ces derniers pensaient qu'il s'agissait tout simplement d'une réunion du comité de voisinage.

Finalement, des échanges intéressants pour énormément de questionnement quant à l'opportunité de ce référendum proposé et concocté par la municipalité.

Sur la 5G, on apprenait par l'intermédiaire d'un habitant du secteur que son déploiement était d'ores et déjà effectif sur la commune. Dès lors et en l'espèce, pourquoi avoir fait le choix paradoxal de solliciter l'avis des habitant.e.s sur le sujet?

Une question à laquelle les élus locaux présents n'ont pas su apporter de réponse. Eux-même ignorant semble-t-il le déploiement effectif de cette nouvelle technologie.

Sur le terrain, les habitant.e.s bien qu'informé.e.s de la démarche, ne la comprennent pas. Nombreux ont également bonne mémoire des consultations référendaires passées et particulièrement celle concernant la police municipale. Cette police que beaucoup accusent de distribuer des PV aux habitant.e.s notamment en raison des difficultés de stationnement qu'ils rencontrent.

Ça tombe bien, le référendum pose là aussi la question du stationnement en ville.

Hasard du calendrier ou non, le 26 octobre marque à la fois l'ouverture des bureaux de vote du référendum courneuvien et parallèlement le 25e anniversaire de Gilles POUX à la tête de la commune aux 44 000 âmes.

Loin l'effervescence escomptée, au 4000 sud c'est un désintérêt plus que prononcé pour ce scrutin sans enjeux direct pour les habitant.e.s.

Ces habitant.e.s privé.e.s depuis plus de 4 mois de leur bureau de Poste suite à un dégât des eaux et qui depuis plusieurs années observent dans leur secteur une fuite des services publics de proximité (CPAM, CAF, centre municipal de santé). Un constat prochainement accentué par le départ de l'agence local du bailleur principal de la ville Seine-Saint-Denis Habitat et la fermeture de l'ensemble de ses points d'accueil.

Finalement, ils seront 43 à se déplacer au centre culturel Jean Houdremont pour y déposer un bulletin dans l'urne.

Un chiffre excessivement bas et préoccupant (alors même que le nombre d'inscrits a plus que doublé) qui témoigne non pas d'un désintérêt des résidents de ce secteur pour la sphère publique mais plutôt, d'un raz-le-bol quant aux situations auxquelles ils font quotidiennement face.

En effet et à contrario, en juin dernier dans ce même secteur, ce sont 1287 puis 1585 de ces mêmes électeurs (de nationalité française et jouissant de leur droit de vote) qui s'étaient déplacés aux urnes afin d'y élire leurs conseillers départementaux et régionaux. Dans le bureau de vote Joséphine Baker ce sont près de 50% des inscrits sur les listes électorales qui se sont exprimés.

Malgré son engagement évoqué plus haut, Gilles POUX évoquant sur sa page Facebook une première édition avec "son lot de faiblesses dont nous prenons note, justifie et montre que ce pouvoir d'action directe a du sens et mérite d'être approfondie."

Des propos et un constat qui manifestement frisent le déni d'un résultat sans appel, 3 mois tout juste après la débâcle reçue aux élections départementales qui a vu le binôme PC/LFI soutenu par ses soins se hisser historiquement à la dernière place du scrutin derrière le Rassemblement National.

Au-delà des résultats purement arithmétiques, c'est le non-respect des règles établies qui interroge.

La non-présentation d'une pièce d'identité et d'un justificatif de domicile de La Courneuve, le vote de mineurs de moins de 16 ans, la mobilisation des espaces municipaux de la jeunesse afin qu'ils organisent des sorties "référendum" constituent autant d'irrégularités qui alimentent l'idée de l'insincérité du scrutin et ce malgré un résultat de participation extrêmement faible.

Dès lors, il est urgent que la majorité municipale en place s'interroge humblement sur les carences de notre démocratie locale et les signaux adressés par les habitant.e.s à son endroit.

Il est urgent que Gilles POUX, dont la légitimité démocratique interroge (élu avec 73% d'abstention en mars 2020), reconsidère sa gestion locale et l'idée qu'il se fait de la démocratie participative en s'appuyant notamment sur les forces vives qui font vivre la ville, au lieu de leur infliger des mesures de répression.

Dans une localité en constante mutation urbaine et sociale (gentrification oblige), il est urgent de créer les conditions et de donner les moyens d'agir en droits à l'ensemble des administré.e.s.

Le projet pharaonique du Data Center (en cours et estimé à plus d'1 milliard d'euros), sans consultation des habitant.e.s appelle là aussi à une vigilance citoyenne.

Car les Courneuvien.ne.s l'ont bien compris: dès lors, qu'il s'agit d'une affaire de gros sous, leur avis ne compte pas et l'on s'en passe au 3ème étage de l'hôtel de ville.

Pour une Courneuve écologiquement engagée et socialement juste, loin des faux-semblants et des intentions non-déclarées, la parole et les actes se doivent d'être unis.

C'est ce projet de société dans lequel collectivement nous croyons et pour lequel nous nous engageons chaque jour, ici à La Courneuve.

Aly DIOUARA

Citoyen engagé

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