Le STOA (Science and Technology Options Assessment) a publié un rapport Making Perfect Life (Rendre la Vie Parfaite) que l'on peut trouver sur internet. Le STOA est une agence de l'Union européenne qui a pour mission d'évaluer les options scientifiques et technologiques.
Le Rapport « Making Perfect Life » n’est pas comme son nom l’indique une apologie de la technologie, bien au contraire…. Des scientifiques réfléchissent à l’avenir proche. Ils mettent en lumière deux tendances lourdes de la science et de la technologie. Elles sont simples à résumer. La première considère que la biotechnologie devient technologie et la seconde est son miroir, la biologie devient également technologie. Ces deux trains sont lancés à pleine vitesse et leur collision leur semble inévitable.
La biotechnologie devient technologie signifie que dans les laboratoires des scientifiques créent des organismes vivant à partir des 4 bases qui constituent le monde vivant. La technologie devient biologie signifie que de l’autre côté d’autres scientifiques créent des ordinateurs en utilisant des cellules animales. Notre conception du monde qui reposait, quelques que soient les sociétés du monde, sur un socle simple, d’un côté des choses vivantes et de l’autres des choses non vivantes est tout simplement entrain de voler en éclat. Cette évolution aux conséquences inenvisageables avance inéluctablement, semble-t-il, dans le silence le plus total. Personne n’en parle.
L’Union européenne dispose d’un programme d’appui à la recherche dénommé Horizon 2020. Le jargon eurocrate l’a rebaptisé H2020 pour le rendre encore un peu plus hermétique, un peu moins visible et des milliards d’euros sont destinés à alimenter les recherches de ces deux tendances lourdes et à accélérer la collision. Une des remarques des auteurs de ce document est que bien peu d’argent est utilisé pour, non pas éviter ce tremblement de terre philosophique, moral, religieux qui paraît inéluctable, mais pour préparer nos sociétés à supporter le choc. Les chercheurs des sciences molles (sociologie, philosophie, anthropologie) ne sont pas conviés au banquet des subventions. Seuls les brevets comptent, seule la rentabilité est prise en considération.
Il ne reste alors plus que la création pour tenter d’alerter l’opinion publique. C’est ce que fait la chaine ARTE en diffusant la série sur les Hubots et les drames entrainés par l’apparition de ces robots humanoïdes. Le Rapport du STOA pose par exemple une question qui est abordée dans les feuilletons : Si un hubots viole un humain, qui est responsable ? Le viol d’un hubot par un humain est-il un crime ? Bien évidemment, les scientifiques qui ont écrit ce rapport n’ont pas de réponse, leur mission se limitant à poser la question. Ils en arrive à la conclusion que notre société n’est pas en mesure de répondre légalement à ces interrogations et qu’il est urgent que les femmes et les hommes politiques deviennent des biopolitics…..
L’Europe dispose aujourd’hui d’organisations non gouvernementales qui sont parvenues à freiner des avancées comme les biotechnologies en agriculture. Les nanotechnologies sont notre quotidien sans que personne n’ait été en mesure de les expliquer, sans que leur utilisation ne soit discutée et surtout sans que notre société ne soit en capacité de les évaluer au niveau de la santé ou de leur impact sur l’environnement. Aucune d’entre elles malheureusement n’a pris la mesure des bouleversements technologiques qui pointent à l’horizon (H2020)… Le souhaiteraient-elles, d’ailleurs que leur travail aurait bien peu de possibilité d’impacter réellement l’opinion public. L’ONG canadienne, ETCGroup travaille sur ces questions. Quelle est la difusion du résultat de ses rapports ? (Voir Extreme Genetic Engineering
La DG Research (ou Ministère de la Recherche) de l’Union européenne est aux mains des grandes multinationales qui utilisent notre argent pour dessiner un futur que nous ne pourrons qu’accepter. Les conflits d’intérêts ne sont pas nombreux, il sont illimités, car ce sont les firmes qui définissent elles mêmes les lignes de crédits dont elles ont besoin. Comme dans toute dictature qui se respecte des miettes sont laissées à des programmes de recherche pour développer l’agroforesterie et satisfaire les grincheux.
La série d’ARTE a deux conséquences diamétralement opposées.
D’une part elle nous montre, sans le dire, un futur qui est déjà à portée de main (le dernier numéro de la revue américaine The Atlantic porte sur les médecins qui seront prochainement remplacés par des robots plus efficaces). Elle joue donc le rôle de lanceur d’alerte. Mais de l’autre côté, en ne prenant pas la peine de nous conscientiser sur le fait que les histoires racontées ne relèvent plus vraiment de la fiction mais de la projection dans un avenir très proche, elle nous prépare à l’acceptation de l’inacceptable.
La barrière entre la science et la technologie n’existe plus. Elle a explosé. Toute découverte scientifique à vocation à être utilisée le plus rapidement possible.
Stéphane Hessel nous a laissé un message magnifique avant de partir : INDIGNEZ-VOUS. Sur quelles énergies pouvons nous compter pour ne pas écrire dans les années qui viennent un opuscule au titre terrifiant : RESIGNEZ-VOUS, qui deviendrait un best-seller ?
http://www.arte.tv/fr/real-humans-100-humain/7364810.html
http://www.europarl.europa.eu/stoa/cms/home/events/workshops/workshop_20111011