Le Conseil européen doit se réunir une nouvelle fois à la fin de la semaine pour trouver, enfin, un cadre budgétaire pluriannuel pour l’Union entre 2014 et 2020. Les relations sont tendus entre ceux qui veulent mettre l’Europe à la diète et l’austérité (la purge amère et destructrice, doit être avalée à tous les étages) et ceux qui souhaitent la voir ambitieuse et tournée vers l’avenir en développant des programmes innovants de recherche, d’appuis à la formation, de soutien à la création d’une identité européenne avec Erasmus.
La lecture des éditorialistes de la presse ou l’écoute attentive des chroniqueurs radio (je ne parle pas de la télévision où ce sujet n’est pour ainsi dire pas abordée) montrent que le débat relève plus de discours idéologiques repris par des journalistes que de l’apport d’une information brute, des faits concrets, de chiffres qui malgré leur énormité n’en restent pas moins bien réel. Et dans cette biphonie (austérité/relance) qui n’apporte rien de concret au débat, personne ne semble reconnaître le coupable de ce blocage : l’Organisation Mondiale du Commerce. L’OMC, installée à Genève sur les berges du lac Léman est la responsable principale de l’empoignade entre chefs d’états et de gouvernement sur la question budgétaire.
La raison est tellement simpliste qu’elle est devenue transparente, voire invisible. Avant la signature des Accords de Marrakech, le budget européen était financé à hauteur de 80% par les taxes prélevées aux frontières, 10% par la part européenne de la TVA et le reste, c’est à dire à peu près rien, par les apports des états. L’addition pour les budgets nationaux n’était pas difficile à avaler. La Commission comptait les sous et ne gaspillait pas son énergie à gérer les conflits entre les coqs et les poules nationaux.
Mais voilà, l’Europe, comme les autres pays a décidé de participer activement à la mondialisation et à l’ouverture de ses frontières. En l’espace d’une dizaine d’année, les taxes douanières ont fondu comme neige au soleil, et les pays ont bien été obligés de combler le manque à gagner. Aujourd’hui, la contribution des états membres dépasse 75 % du budget de l’UE. Et rien n’est plus simple dorénavant de classer les pays en deux groupes, distincts voire antagonistes, les contributeurs net s’opposent frontalement aux bénéficiaires net. Il suffit d’ouvrir la page 6, d’un des seuls quotidiens économistes français, daté du 4 février 2013, pour se rendre compte que François Hollande n’a pas besoin d’un gros dossier pour aller négocier vendredi avec ses collègues. L’Europe coute à la France, 4,9 millions d’euros par an, 11,2 à l’Allemagne et 4,7 à l’Italie et à l’Angleterre. De l’autre côté, elle rapporte 11,2 milliards à la Pologne (c’est peut être ce qui aide ce pays à surnager économiquement) et 3,7 milliards à l’Espagne (c’est ce qui n’a peut être pas aidé ce pays à surnager économiquement). Bref, nos dirigeants nationaux arrivent avec un chiffre en tête, 4,9 milliards pour le notre François Hollande, et veulent repartir du prochain sommet et claironnant qu’ils ont gagné et qu’ils sont les plus forts. Dans de telles conditions de réflexion, ou le débat politique se résume à un chiffre, pas étonnant que l’Europe soit en panne et qu’il n’y ait plus de projet tourné vers l’avenir.
La signature de l’OMC a de manière insidieuse affaibli les états, l’idée même de l’état, et c’est certainement l’Europe qui en donne le meilleur exemple, mais les conséquences ont été les même pour l’ensemble des états membres de cette satanée organisation mondiale.
Les fondateurs de l’Europe avaient parfaitement compris que la question de l’argent est au cœur de toutes les organisations humaines de notre continent. Les sous, l’oseille, le fric sont avec le sexe, les deux principaux moteurs de l’homme et la femme. Cette vérité va pour la famille (les enfants qui se déchirent sur l’héritage de leur père), comme pour les états. Et dans un éclair de lucidité, Schuman, Spak, et Monnet avait décrété que le budget de la Communauté économique européenne, la CEE, devait être autonome. En d’autre terme, le président de la Commission, disposait d’un cadre clair, le budget ne devait pas dépasser un certain pourcentage du PNB des états membres. Ce budget était alimenté par les taxes douanières, et le Président de la Commission n’était pas obligé de passer son temps à faire la manche.
Cette situation a rebattu les cartes entre la Commission européenne et le Conseil. Le pouvoir étant du côté de ceux qui ont la main sur la cagnotte, ce sont les Hollande, Cameron, Merkel et autre Rajoy qui ont pris le pouvoir et l’Europe devient chaque jour un peu plus une entité inter-gouvernementale où s’affrontement les égoïsmes nationaux. L’idée européenne de solidarité s’effiloche de plus en plus.
Le mal ayant été exposé, quel est le remède ? Permettre à la Commission européenne de pouvoir compter sur des ressources propres, qui ne transitent pas par les états.
Se débarrasser de l’OMC ferait partie des solutions possibles. En remettant des taxes sur les importations nous pourrions trouver l’argent qui fait si cruellement défaut. Mais à moins d’être dans la pure démagogie, comme les leaders des partis extrémistes, cette option est pour l’instant non opérante. En parler serait abuser nos concitoyens.
D’autres possibilités ont été mises sur la table dont la célèbre taxe Tobin, ou Taxe sur les Transactions Financières qui réglerait définitivement le problème puisqu’elle permettrait de rapporter, selon le niveau fixé, entre 50 et 200 milliards par an. La question n’est donc pas financière mais politique.
L’OMC n’est pas la mère de tous les maux et ne pensons pas que ses concepteurs souhaitaient volontairement mettre cette organisation en place pour affaiblir l’Europe. Mais parmi les nombreux effets négatifs on peut compter celui de la destruction des finances publiques.
M. Hollande, les moyens pour trouver une solution socialiste (je veux dire de gauche, c’est à dire qui ne se fasse pas sur le dos des plus faibles) existent. Seul le courage politique fait défaut. Après avoir reconquis Tombouctou, il ne vous reste plus qu’à partir à l’assaut du Conseil européen, mais c’est une tâche plus ardue que vous ne pouvez, heureusement, pas confier à vos militaires et à vos avions de chasse.