amaitenaz

Abonné·e de Mediapart

10 Billets

1 Éditions

Billet de blog 5 avril 2013

amaitenaz

Abonné·e de Mediapart

Le scandale Cahuzac est une bonne nouvelle pour la démocratie!

amaitenaz

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Depuis deux décennies, Jérôme Cahuzac a menti à sa famille, à ses amis et à ses compagnons politiques, et c’est sans remords visible qu’il continuait il y a peu à regarder les gens droit dans les yeux et à leur déclarer « Je n’ai jamais eu de compte à l’étranger. »

M. Cahuzac n’a pas craqué sous les coups de schlague d’une police de SS ou sous les coups de knout du NKVD mais parce qu’il se savait finalement coincé. Une investigation de Médiapart avait mis sur la place publique une partie de ce qu’il avait camouflé aux yeux de tous. Nous vivons donc dans un pays ou la presse, ou tout du moins une partie de la presse, une toute petite partie, même, soyons honnête, continue à réaliser un travail indispensable pour qu’une démocratie fonctionne, en faisant œuvre de transparence.

Il est vrai que Mediapart a su trouver les moyens de développer un nouveau mode de financement en se passant des annonceurs publicitaires. L’autre journal qui a su et qui sait encore faire émerger ce que les puissants aimeraient nous cacher, le Canard enchainé, est lui aussi libre de pressions économiques. Et de temps à autre, Le Monde ou Libération sont encore capables d’avoir des fulgurances, rares mais savoureuses. L’affaire Cahuzac apparaît donc paradoxalement comme une bonne nouvelle : la liberté de la presse n’est pas totalement muselée en France par le pouvoir politique ou les puissances économiques. Je m’en réjouis.

L’autre bonne nouvelle, c’est que Jérôme Cahuzac a pu vivre dans le mensonge pendant des années. Le pouvoir politique n’a donc pas de fiches exhaustives sur l’ensemble des personnalités politiques. Ceci est également une information réjouissante. Lorsque Hollande et Ayrault ont décidé de le nommer au Ministère du Budget, c’est qu’ils le pensaient intègre. M. Cahuzac avait usé ses pantalons sur les bancs de la Commission des Finances de l’Assemblée Nationale et ni les députés de droite ou de gauche n’avaient ressenti le besoin de critiquer l’attitude, les capacités intellectuelles et le mode de vie de cet homme qui visiblement impressionnait par ses capacités de travail et son intelligence..

Lorsque Mediapart a lancé le pavé dans la mare, François Hollande a-t-il décidé de mettre en place une enquête parallèle ? Les parleurs et les parleuses dans le poste et à la TV passent leur temps à nous dire qu’une démocratie pour fonctionner doit compter sur une séparation nette entre la justice et l’exécutif. Aujourd’hui, ils montent au créneau en disant que Hollande aurait du savoir. Je vois une contradiction flagrante. Que ces gens réfléchissent avant de parler ou mieux encore, qu’ils se taisent définitivement. François Hollande n’aurait pas du savoir. Lorsque la justice s’est réveillée que le Président de la République a demandé à son ministre de prendre le large. Jérôme Cahuzac n’était toujours pas inculpé de quoi que ce soit. Comme un de ses prédécesseurs de droite, il a démissionné comme ils disent tous, pour consacrer son temps et son énergie à laver son honneur. La pression de la Justice a été trop forte. L’homme a craqué pour une raison que lui seul connaît et l’affaire est devenue scandale.

Les adversaires de la démocratie, nationaliste réactionnaires, tiennent le même discours de haine démagogique. Entre Le Pen et Mélenchon, le discours est tellement similaire sur ce scandale, que l’on voit clairement que les extrêmes se tiennent par la main. Pour ceux qui ont l’Histoire Courte, je rappellerai au passage que Mussolini a commencé sa carrière comme un journaliste d’extrême gauche et qu’en France, Pierre Laval est passé naturellement du communisme au fascisme. Cette femme et cet homme politique tiennent le même discours. Le tous pourris qui vient de la porte-parole de l’extrême droite, fait écho au qu’ils s’en aillent tous du ténor de  l’extrême gauche.

Madame Le Pen et Monsieur Mélenchon seraient bien avisés de balayer devant leur porte. Tous les deux, ils acceptent un salaire confortable de députés d’une Europe qu’ils tentent de déchiqueter. Tous les deux étaient absent à Strasbourg lorsqu’il s’agissait de voter sur la Politique Agricole Commune le mois dernier. Ils avaient certainement mieux à faire ailleurs.  Mais lorsqu’un employé de la vie publique ne brille que par ses absences répétées, il devrait en tirer les conséquences. Son activité de politicien nationaliste est incompatible avec sa fonction politique européenne. Mélenchon devrait s’appliquer son « qu’il s’en aille tous» (il en fait parti, lui qui n’a pour passé qu’une carrière politique) et Le Pen devrait lui emboiter le pas.

En France, la justice a suivi son cours, un homme politique a été acculé à la démission, Médiapart a pu faire son travail sans que ses journalistes ne se retrouvent avec une balle entre les deux yeux. Que demander de plus ? Un coquin a disparu de la vie politique et toute la lumière doit être faite sur l’ampleur des sommes qui se trouvent sur ses comptes et leur origine. Le scandale Cahuzac commence en effet seulement aujourd’hui.  Mais l’amalgame entre Cahuzac et LES FEMMES ET LES HOMMES politiques est détestable. Les menteurs et les manipulateurs sont une minorité et ne sont pas confinés à la petite sphère de la politique.

Si je peux me réjouir pour la France de ce rebondissement, je n’en ai que plus de crainte pour l’Europe qui ne dispose pas d’une justice européenne et qui n’a pas de relais audibles dans les médias nationaux. Le limogeage du Commissaire Dalli le 16 octobre dernier a à peine été porté à la connaissance des citoyens des différents états de l’Union. Depuis 5 mois cette affaire proprement scandaleuse se perd dans les sables de l’indifférence, pourtant chaque mois amène son lot de révélations scandaleuses.

En France, Mediapart nous apporte l’oxygène dont la démocratie a besoin pour respirer. Il devient urgent que Medipart et d’autres ouvrent les portes et les fenêtres des institutions européennes pour qu’un changement d’air soit possible. Sans cette prise de conscience européenne, les populistes et démagogues comme Mélenchon et Le Pen pourront continuer à cracher dans la soupe qui les gave.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.