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Billet de blog 31 janvier 2013

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Europe de l’Est : la renaissance des saigneurs de la terre

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Emile Allais disait « Taxons les pauvres, ils sont plus nombreux ! ». Depuis les choses ont peu évolué. La Commission de l’agriculture du Parlement européen refuse toujours d’arrêter de soutenir les riches agri-businessmen, qui pourtant, la main sur le cœur passent leur temps à dire qu’il ne faut pas aider les pauvres, cela leur donneraient de mauvaises manières et les pousseraient à la paresse. Ils sont même contre les subventions, car ils sont libéraux.

Les manants hongrois, roumains, polonais, bulgares, slovaques, lituaniens,  estoniens, lettoniens, sont hors d’eux, et il faut les comprendre. Après la chute du système communiste (une bonne chose pour tout homme de gauche qui se respecte), les grandes fermes d’état, ou coopératives, celles qui au lycées étaient appelés kolkhozes ou sovkhozes, ont été dans de nombreux cas privatisées par ceux qui en un tour de baguette magique, passaient de Camarade-Directeur-Popov à Monsieur-Directeur-Popov. Ce tour de passe-passe ahurissant suffit à montrer d’ailleurs la porosité entre le communisme et le capitalisme, deux systèmes parallèles qui poursuivent les mêmes objectifs, l’asservissement de l’homme par l’homme et le la création du paradis sur terre repoussée à demain. Cette convergence d’aveuglement fera l’objet d’un nouveau billet, car là n’est pas la source d’énervement d’Auguste Maitenaz et des paysans et culs-terreux de l’Est de notre chère Union européenne.

Malgré le volte face des chefs des grandes fermes, l’état avait gardé la main sur des millions d’hectares de terre cultivables. Pendant une dizaine, d’année, les nouveaux états membres purent mettre en place une réglementation contraignante mais aisément contournable avec un transfert de billets sous la table (corruption) pour empêcher (ralentir) que les multinationales ne s’approprient des hectares de bonnes terres bien profondes et bien grasses.

Aujourd’hui, l’heure de la grande distribution des terres à commencé. C’est les soldes. Les petits paysans s’y étaient préparés de longue date. Laborieusement, ils avaient rempli les documents incompréhensibles pour devenir locataire d’une trentaine d’hectare qui touche leur exploitation de 20 ha. Cela permettrait de mettre du beurre dans les épinards. Le cas de la Hongrie est à ce titre, parfaitement édifiant. Le Premier Ministre Viktor Orban dispose de 2 millions d’hectares à distribuer. Qui croyez-vous qu’il choisira, le paysan du coin ou le député de son parti ? J’avoue que la réponse est dans la question. Il a choisit son copain d’enfance du parti et lui offre la possibilité d’exploiter un bout de plaine de plus de 500 ha. Les ploucs n’ont plus qu’à manifester ou à bouffer leur casquette ce qui à peu près aussi efficace.

Etudions un peu plus le cadeau fait par Orban à son ami. 1500 ha sur lesquels il va produire du blé qui se vend à plus de 200 euros la tonne sur le marché mondial, quand il coutait à peine 100 euros avant 2008 (vous vous rappelez quand les émeutes de la faim faisaient là une du JT. Les émeutes de la faim ne sont plus sous le feu de l’actualité, elles ne font qu’alimenter les djihadistes de tout poils). Le député, qui n’aime pas avoir de la boue sous ses bottes en cuir de chevreau, embauche un chef de culture et deux ouvriers agricoles. Grâce à ses salariés compétents, le nouveau saigneur de la terre fait un bénéfice de l’ordre de 50 € par hectare, soit 75 000 €.

- Merci Viktor, 75 000 €. » dit le député, qui n’est pas très instruit et qui n’a jamais entendu parler de la Politique Agricole Commune.

- Merci ? Tu devrais plutôt me lécher les pieds, ce n’est pas 75 000 € que je te donne imbécile, mais 325 000 €, car pour chaque hectare que tu laboureras, le budget européen te versera au minimum 200 €. Et tu toucheras cela jusqu’en 2020…. Alors qu’est ce que l’on dit à Viktor ? On dit merci. Ah, juste un truc, un conseil, avec autant de pognon qui tombe du ciel tu devrais aider un peu les pauvres de ton coin, tu verras, il te seront reconnaissant et voteront pour toi. Chez les frères musulmans, c’est comme ça qu’ils ont pratiqué et cela ne leur a pas mal réussis, non ?

- Mais, Viktor, tu es certain que ça va marcher ta combine ?
- Tu parles, Charles, des Députés de la Commission de l’agriculture du Parlement européen, enfin 90% d’entre eux, ont voté la semaine dernière pour fixer un plafonnement des aides à 300 000 €. Alors, tu vois, tu peux être tranquille. Tout cela devrait être confirmé par le vote en session plénière à Strasbourg en mars. Et la cerise, sur le gâteau, c’est que le Conseil des ministres de l’agriculture lui opterait carrement pour faire sauter ce plafond. Alors, qu’est ce qu’on dit à Orban, aux députés de droite à Bruxelles et à la plupart de leurs amis sociaux démocrates ? On leur dit merci. Et rassure toi, c'est pas nous qui avons inventé le système. Tout était en place quand on est arrivé. Il y a même une duchesse, en Espagne, la Duchesse d'Alba qui empocherait avec ses différentes sociétés près de 3 millions d'euros. Alors, c'est pas avec tes 300 000 euros que le peuple va te faire les gros yeux.
- Oui, d'accord, Viktor, mais si au mois de mars le Parlement européen dit NIET.
- Aucun risque, gros beta, il n'y a pas d'opinion publique européenne, alors à Bruxelles, que ce soit au Parlement ou entre potes au Conseil des ministres, ont fait comme on veut. Tiens, je suis prêt à te parier que même le ministre de l'agriculture français socialiste, entre parenthèse, les français croient encore au socialisme, c'est drôle, non ? Eh bien, le nouveau, là, le grand costeau, zut, j'ai oublié son nom, et ben il votera comme nous, comme son chef lui dira de faire. 

(Le théatre tombe sur la scène) - la pièce sera jouée jusqu'en 2020 si les spectateurs ne balancent pas leurs sièges.

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