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Billet de blog 10 octobre 2014

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Fin de campagne tranquille pour un Evo Morales sur la voie d’un 3ème mandat

Evo Morales salue la foule lors de son meeting du 8 octobre à El Alto (©Keystone)Hier, mercredi 8 octobre, avait lieu le dernier meeting du MAS (Mouvement vers le Socialisme), marquant la clôture de la campagne électorale. Dans la ville d’El Alto, au-dessus de La Paz, s’étaient réunis ses plus fervents soutiens. Ils promettent la déferlante d’« une vague bleue », la couleur du mouvement, dimanche 12 octobre dans les urnes.

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Evo Morales salue la foule lors de son meeting du 8 octobre à El Alto (©Keystone)

Hier, mercredi 8 octobre, avait lieu le dernier meeting du MAS (Mouvement vers le Socialisme), marquant la clôture de la campagne électorale. Dans la ville d’El Alto, au-dessus de La Paz, s’étaient réunis ses plus fervents soutiens. Ils promettent la déferlante d’« une vague bleue », la couleur du mouvement, dimanche 12 octobre dans les urnes.

Arrivé accompagné du Vice-Président Alvaro Garcia Linera, Evo Morales a pris la parole pour rappeler les victoires du MAS et se féliciter de l’indépendance du pays face aux Etats-Unis. « Auparavant l’ambassadeur américain décidait de la politique interne de la Bolivie, aujourd’hui nous n’avons plus d’ambassadeur américain et nous nous en passons très bien », a-t-il déclaré a El Alto, soulevant alors l’enthousiasme dans les rangs. Au son de la chanson de la campagne « El pueblo ya decició,  Evo se queda[1] », le président a entamé quelques pas de danse dans une ambiance festive.

Avec près de 59% d’intention de vote, Morales a en effet toutes les chances de l’emporter dès le premier tour du scrutin. Il se place loin devant son plus proche rival, l’entrepreneur de centre droit, Samuel Doria Medina.

Mais l’élection de dimanche ne sera pas uniquement un vote pour élire le Président de la République et le vice-président. Il doit aussi permettre de renouveler intégralement le Parlement, soit 130 députés et 36 sénateurs. Et c’est surement là que réside l’enjeu de ces élections. Fort aujourd’hui des deux tiers des sièges au Parlement, le MAS devra faire mieux, ou du moins il devra conserver cet avantage des deux tiers pour faire passer les réformes de ces cinq prochaines années.

Pour la première fois, le département de Santa Cruz, bastion historique de l’opposition et coeur économique du pays (situé à l’est de la Bolivie), pourrait passer du coté du MAS. C’est en tout cas ce que prédisent les sondages. Le mouvement a en effet réussi à s’allier de nombreux anciens opposants de droite, satisfaits de la politique économique du gouvernement. 

Stabilité et croissance économique

La campagne électorale a été l’occasion de dresser le bilan de huit années de politique du gouvernement masiste. Evo Morales a pu mettre en avant la bonne santé économique du pays qui jouit d’un contexte macro-économique favorable. Les taux élevés des matières premières[2] sur le marché international ont permis à la Bolivie de se constituer d’énormes réserves de devises, quelques 13 Ma de dollars, ce qui lui a valu plusieurs fois les félicitations du FMI.

Aussi, grâce à sa politique de nationalisations des grandes entreprises, l’Etat a récupéré une manne de 2 milliards de dollars par an en moyenne pour mener à bien ses politiques sociales redistributives. C’est six fois plus que ce que percevaient le précédent gouvernement de la part des multinationales des hydrocarbures.

Le Président en exercice peut également se prévaloir d’un taux de chômage en baisse[3], alors que le pouvoir d’achat des Boliviens augmente. Autres indicateur positif : la baisse du taux de pauvreté, passé de 60,6 % à 45% entre 2005 et 2012, selon la Banque Mondiale. « Aujourd’hui les Boliviens ont le sentiment de vivre mieux », assure Manuel Canelas candidat député pour la circonscription de La Paz, « et ils pensent que leur situation va encore s’améliorer, ils ont confiance en l’avenir ». 

Toutefois, même si l’opposition n’a pas réussi à proposer un projet politique cohérent et à rassembler les adversaires du MAS, les critiques à l’égard du gouvernement sont nombreuses. Et de la part même de militants qui s’apprêtent à voter pour lui. Les nombreux cas de corruption et de clientélisme, auxquels s’ajoute un système judiciaire souvent inefficace, minent le bilan du gouvernement.

En outre, l’opposition de gauche ne lui a pas pardonné la gestion du conflit du Tipnis[4] et la répression qui s’en est suivie. « Une répression indigne d’un gouvernement qui se vante d’être le défenseur des peuples indigènes », s’emporte Gustavo Guzman, ancien ambassadeur de Bolivie aux Etats-Unis durant les premières années du gouvernement Morales.

Aussi, ses détracteurs dénoncent le double discours du Président. Un discours rodé pour son image internationale, où il se présente comme le héros de la défense de la « Madre Tierra » et s’affiche pour le respect de l’environnement ; et un discours à l’intérieur du pays où il soutient une politique développementaliste basée sur l’extraction des matières premières et des grands projets industriels.

« La difficulté c’est que les paysans, qui sont la base du mouvement d’Evo Morales, visent le ‘vivre mieux’ et non le concept du ‘vivre bien’, cher au Président. Il y a là une contradiction fondamentale », juge Boris Miranda, journaliste et analyste politique.

 Malgré cela, Evo a réussi à conserver une réelle popularité et jouit encore de son aura de « premier président indigène et paysan » de Bolivie. Sa grande réussite est surtout d’avoir contribué à changer les mentalités du pays et d’avoir renouvelé les élites, dans un pays où le racisme est ancré dans les esprits. « Aujourd’hui nous sommes fiers d’être d'origine indigène », peut-on entendre dans ses meetings.


[1] «Le peuple a fait son choix, Evo reste»

[2] La Bolivie possède les 2ème réserves de gaz naturel d’Amérique latine (après le Venezuela) et exploite des minerais comme le zinc, l’étain le plomb ou et métaux précieux. Le pays possède notamment les plus grandes réserves du monde de lithium dans la zone du Salar de Uyuni.

[3] Selon la Banque Mondiale, le taux de chômage est passé de 5,4% à 3,2% entre 2005 et 2012.

[4] Projet de route transamazonienne devant traverser et couper en deux le territoire indigène du parc national Isiboro Secure. Le projet a déclenché en 2011 une forte opposition populaire dont les manifestations ont été violemment réprimées par les forces de police.

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