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Manifestation contre le projet minier Conga, août 2012 ©AP/Martin Mejia
PÉROU • Ollanta Humala avait remporté les élections en promettant de brider les puissantes sociétés minières. Le président vient pourtant de leur délivrer un nouveau sauf-conduit.
(Article paru dans Le Courrier Suisse le 23 septembre 2014)
«De l’eau avant l’or». Un slogan avec lequel Ollanta Humala faisait campagne en 2011 dans la région minière de Cajamarca, dans le nord du Pérou. Une fois au pouvoir, le fondateur du Parti nationaliste promettait de domestiquer le développement sauvage de l’industrie minière péruvienne et d’en redistribuer les fruits. Or, trois ans plus tard, l’adoption d’une très libérale loi de «relance économique» ne surprend même plus ses anciens supporters.
José de Echave, codirecteur de l’ONG CooperAcción, est un d’entre eux. «Cette loi est taillée sur mesure pour les entreprises privées, notamment celles du secteur minier», dénonce l’ancien vice-ministre de l’Environnement du premier gouvernement Humala.
Voté en juillet malgré les protestations de la rue, le texte a pour objectif avoué de simplifier les démarches administratives des entreprises, afin d’enrayer le ralentissement de l’économie. Alors que le Pérou affichait des taux de croissance de 6% en moyenne ces dix dernières années, le premier semestre de 2014 a été décevant: +2,3% en avril, +0,3% en juin, son taux le plus bas depuis cinq ans. Lima espère que la loi permette de dégager 11 milliards de dollars d’investissements et plusieurs points de croissance.
Mauvais remède
L’analyse ne convainc pas Germán Alarco, économiste et professeur à l’université du Pacifique: «Ce ne sont pas les lourdeurs bureaucratiques qui contraignent l’investissement mais les prix bas des matières premières dans le monde. Et la tendance va se poursuivre», affirme-t-il. Une conjoncture qui pèsera sans aucun doute sur l’économie péruvienne basée sur l’exportation des matières premières: le secteur minier participe à 14,4% du PIB et représente 60% des exportations.
Insuffisante pour relancer la croissance, la loi ne sera pourtant pas sans conséquences, craint José de Echave. L’ancien ministre pointe «un recul dramatique et alarmant de législation environnementale et du droit du travail». Le Ministère de l’environnement, privé d’une bonne partie de ses prérogatives, perd notamment le pouvoir d’établir des réserves naturelles protégées, de définir les standards de qualité environnementale ou encore les limites maximum d’émissions permissibles.
Autre signal négatif, les études d’impact environnemental, préalables et indispensables avant tout projet d’infrastructure, doivent désormais être validées ou rejetées sous quarante-cinq jours maximum. Un délai jugé trop court par les défenseurs de l’environnement. «Ces études sont des documents volumineux, fastidieux, une enquête de terrain est nécessaire pour les réviser. Avant, ce travail prenait des mois, voire des années», explique Javier Jahncke coordinateur de Muqui, un réseau d’associations qui encourage le développement durable en zone minière. Par ailleurs, l’OEFA, organisme chargé de sanctionner les compagnies qui enfreignent la loi en matière environnementale, voit son pouvoir de sanction fortement réduit durant trois ans. Le montant maximum des amendes infligées est abaissé de moitié et sa mission principale sera désormais axée sur la prévention.
Au Ministère de l’environnement, on essaie de faire bonne figure en minimisant la portée de la loi. «Il n’y a pas de recul des standards environnementaux. Nous allons simplement privilégier les mesures préventives aux mesures punitives», soutient le vice-ministre de l’Environnement, Mariano Castro.
Un pays sous concession
L’enjeu est de taille. Dans ce pays où un quart du territoire est sous concession minière, les conflits sociaux et environnementaux se multiplient, on en dénombrerait plus de cent trente directement liés aux activités extractives. La plupart du temps, l’exploration et l’exploitation a lieu sur des territoires habités, souvent par des populations indigènes. Pour elles, les concessions minières peuvent signifier la perte de leurs terres ou la pollution de leur environnement et la destruction de leur écosystème.
Signataire de la Convention 169 de l’Organisation internationale du travail (OIT), qui reconnaît aux populations autochtones le droit à la consultation avant tout projet d’envergure sur leur territoire, le Pérou n’a pourtant jamais appliqué ce principe dans le cas d’une opération minière. «Les populations ne participent pas à l’élaboration d’un projet. L’Etat l’impose, souvent avec violence, commente Javier Jahncke,
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