Le 1er mai dernier, un rapport d’experts, issus de nombreux pays, et membres du Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies, a pointé la France comme une nation défaillante sur le traitement réservé à certaines composantes de sa population :
«Nous recommandons à la France d’intensifier ses efforts pour lutter contre les crimes et les menaces de violences motivés par la haine religieuse tels que l’antisémitisme et la haine antimusulmane…»
Cette commission a par ailleurs demandé à notre pays de faire le point sur toutes les discriminations constatées dans le champ de l’Éducation et de les faire cesser. Ils ont réclamé «d’inscrire l’histoire de l’Afrique dans les programmes d’enseignement», de «lever les obstacles entravant l’accès à l’enseignement supérieur», de «tenir compte du fait que la présentation déformée de l’histoire africaine à l’école et dans les médias portait atteinte à la dignité des personnes d’ascendance africaine… »
Cette semaine nous apprenons que le Ministère de l’intérieur, via ses directions régionales, aurait demandé à des établissements scolaires d’effectuer des recherches statistiques sur les élèves absents le 21 avril dernier (jour de l’Aïd). Une sollicitation policière, émanant des services de renseignements, qui invite à penser qu’il s’agit là d’établir une forme de tentative de signalement, recensant les élèves (musulmans) très impactés par cette célébration religieuse, au point de renoncer à se rendre en cours.
Évidemment, le Ministère de l’intérieur démentira le principe d’un fichage, en précisant qu’il s’agissait d’une évaluation permettant d’apprécier le taux d’absentéisme durant cette période. Or, si l’on demande à des enseignants de produire des chiffres constatant ces absences, cela réclame obligatoirement la constitution de listes nominatives, et d’une certaine manière de réaliser un dénombrement ethnique et clairement stigmatisant.
Des élèves que l’on pourrait signaler absents et qui seraient marqués par cette absence comme étant des élèves très impactés par cette fête. Donc soucieux de s’y soumettre, de la célébrer, et par conséquent, de témoigner d’une religiosité conséquente… Il est difficile de ne pas être tenté d’imaginer quel genre d’utilisation et d’exploitation policière pourraient être faites de ces constatations, particulièrement auprès des familles de ces enfants. Un raccourci serait alors peut-être emprunté pour définir ces familles comme pratiquantes, voire très pratiquantes, et en définitif, établir une forme de fichage…
Si on comprend aisément que nos services de police sont dans leur rôle quand il s’agit de collecter des informations pour protéger nos concitoyens, on les comprend moins lorsqu’ils sollicitent spécifiquement «le comptage» d’enfants afin évaluer la possible défaillance de leurs parents et leur implication dans une pratique jugée «intégriste», «islamiste» ou «fondamentaliste», car cela constitue un procédé inquiétant et dangereux au regard de la protection de l’enfance.
Le syndicat enseignant FSU et la Ligue des droits de l’Homme se sont empressés de dénoncer cette pratique, et cette dernière étudie maintenant avec ses avocats la possibilité d’y mettre un terme. Quant à l’association SOS Racisme, elle a qualifié cette démarche de «particulièrement choquante en ce qu’elle associe la pratique religieuse musulmane à une question de sécurité».
Je pense, comme je l’écris depuis des années, que dans «la lutte contre le risque terroriste», le Ministère de l’intérieur devrait légitimement associer à cette lutte l’ensemble des responsables musulmans de France et leur demandé de rendre plus efficiente cette lutte, plutôt que d’entretenir cette défiance qui conduit malheureusement à cette islamophobie ambiante. Mais pour cela, il faudrait que le Ministère de l’intérieur cesse d’adouber des pseudos-responsables inaptes, des notables déconnectés de la réalité et très éloignés du terrain, ou encore renonce à mettre en place des instances «représentatives», sans devenir, auxquelles ne sont pas toujours associés les véritables acteurs de cette religion.
Dans ce dernier rapport, l’ONU demande également à la France «d’inclure dans la législation la définition et l’interdiction du profilage racial ou ethnique…»
Amar DIB
Juge-Médiateur-International