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Billet de blog 26 janvier 2011

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La Régente de Carthage, de Nicolas Beau et Catherine Graciet

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L 'intrigante de Tunis

A lire d'urgence, à l'heure où Leila Trabelsi, épouse du président Ben Ali, récolte ce qu'elle a semé : à savoir la révolte des Tunisiens contre le régime corrompu dont elle a été la cheville ouvrière. Extraits (p. 29 et 44-46).

« Son ascension fulgurante, Leila Trabelsi ne la doit évidemment guère aux études, qu'elle n'a pas faites, ni aux métiers modestes qu'elle a exercés. Elle a d'autres atouts dans son jeu : la patience, l'intuition, la manipulation, le secret, l'intrigue, le charme, la séduction - voire le concours de marabouts, longtemps avec l'aide de sa propre mère, Hajja Nana, disparue en avril 2008. Comme sa mère, la fille est en effet versée dans la superstition, la magie, les maléfices et les sortilèges. C'est la Salomé en elle qui a conquis peu à peu, dans les coulisses, les clés de l'influence, puis peut-être demain du pouvoir. Avec une infinie patience, Leila a tissé des liens indestructibles et noué des alliances qui reposent sur l'argent et la parenté. Le clan familial des Trabelsi, constitué de onze frères et soeurs, en est le coeur. [...]
Pendant les quatre années qui ont suivi le mariage en 1992 de Leila avec Ben Ali, le clan Trabelsi s'est fait relativement discret. A partir de 1996, leurs appétits se manifestent de manière plus ostensible [...]. Cette année-là, le frère aîné et bien-aimé de Leila, Belhassen, met la main sur la compagnie d'aviation qui va devenir Karthago Airlines. C'est lui qui deviendra le pivot des affaires financières de la famille [...].
Le verrouillage commence, car les Trabelsi ne sont pas partageurs... Pas un secteur qui ne leur échappe ; pas une transaction avec un groupe étranger dont ils ne sont parties prenantes ; pas un beau terrain, ou presque, sur lequel ils n'ont de vues. Et personne, dans le clan, n'est oublié ! Après Belhassen, Moncef ! Cet ancien photographe de rue a connu une belle carrière. Dans le passé, la Société tunisienne de banque lui a consenti un crédit pour devenir agriculteur. Son premier fils, Houssem, a créé une association, la Jeunesse musicale de Carthage, qui a la réputation de ne pas honorer ses contrats. Le deuxième, Moez, et le troisième, Imed - le neveu préféré de Leila -, ont eu à partir de 2008 de sérieux ennuis avec la justice française dans la fameuse affaire des yachts volés. A Tunis, Imed fait la loi. D'un coup de fil, il peut faire embastiller un adversaire ou au contraire libérer un trafiquant. Personne ne se risquerait à s'opposer frontalement à ce protégé du palais.
En 2002 encore, Ben Ali tentait de maintenir un semblant d'ordre. Ainsi, cette année-là, réunissait-il les principaux membres de la famille Trabelsi pour leur dire : « Si vous voulez de l'argent, soyez au moins discrets. Trouvez des hommes de paille et des sociétés-écrans. » En d'autres termes, professionnalisez-vous ! Un conseil qui ne semble guère avoir été suivi. [...]
Certains notables tunisiens, qui voient rétrécir de jour en jour leurs marges de manoeuvre, sont en tout cas en train de passer de l'exaspération à la résistance. Ce qui fait dire à un diplomate français, qui a vécu longtemps en Tunisie et connaît parfaitement le sérail local : « Dans la succession de Ben Ali qui s'annonce, la bourgeoisie de Tunis ne veut pas d'une solution familiale. » Et donc pas d'une régente nommée Leila...

Notre avis

Notre avis. A l'heure où les Tunisiens ont réussi à destituer Ben Ali, il est urgent de (re-)lire cette enquête parue fin 2009. La régente de Carthage n'est autre que la femme du président Ben Ali, Leila Trabelsi, 53 ans.
Côté pile, cette femme libre et indépendante défend le féminisme officiel. Côté face, l'intrigante, détestée dans tout le pays, a pillé la Tunisie au profit de son clan. Beaux terrains, postes en or, contrats juteux, contrôle des banques et des entreprises... rien ne lui a échappé. Ses méthodes vont de l'intimidation à la mise en prison, sur fond de corruption. Aujourd'hui, elle se serait enfuie à Dubai. Les auteurs reviennent sur la face cachée du « miracle tunisien » : fort taux de chômage des jeunes et des diplômés en particulier, répression, censure, torture. Ils s'étonnent de « l'extraordinaire indulgence de la France ». Pour cela, rien n'a changé : le 11 janvier, la ministre des Affaires étrangères, Michèle Alliot-Marie, a ainsi proposé à la Tunisie l'aide de la France pour « régler les situations sécuritaires ».

Dominique Perrin

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