Quand, en mai 2012, François Hollande a été élu Président de la République, je me suis pris à rêver. Un anniversaire majeur du Front Populaire, une « décennie », allait être célébré, pour la première fois sous un gouvernement de gauche. 2006, 1996, 1986, 1976, 1966, chaque fois des gouvernements de droite…
Le printemps 2016 allait alors permettre l’évocation de cette construction unitaire de la gauche, politique, sociale, associative et culturelle, en réponse aux défis du fascisme. Il serait l’occasion de rappeler ce bouillonnement créatif, qui réunissait Prévert, Carné, le Groupe Octobre, les auberges de jeunesse, la création du Musée de l’Homme, le foisonnement de la presse, tout ce que Pascal Ory recense dans son livre « La Belle Illusion » récemment réédité.
Cette célébration, cette mémoire revivifiée, ce serait aussi l’hommage rendu à toutes les formes de dévouement internationaliste de la jeunesse, de toutes ces femmes et ces hommes engagés sous une forme ou sous une autre dans le soutien aux Républicains espagnols contre le franquisme et le fascisme. Ce serait enfin l’occasion de débattre de la place de l’engagement politique, pour ceux qui alors espéraient changer le monde, changer la vie, sans se contenter de vouloir l’adapter à un monde changeant.
Dans une certaine mesure, ce rêve se réalise à travers les nombreuses initiatives, commémorations, colloques, comme celui organisé cet après-midi à HEC, les expositions telle celle qui se déroule au Musée d'Histoire vivante de Montreuil, et je tiens, au nom de toute notre famille, à en remercier les initiateurs et les organisateurs. Mais il est un rêve qui ne s’est pas réalisé : j’avais imaginé que ce printemps 2016 aurait pu se conclure par une grande fête, le transfert des cendres de Léon Blum au Panthéon. Une reconnaissance de toutes les valeurs de courage, de véracité, de justice et de probité, portées par Léon Blum tout au long de ses combats pour les idées socialistes et plus généralement, dans les occasions les plus difficiles, pour la France. Mais qui sait, ce n’est que partie remise. Espérons seulement ensemble qu’il ne faudra pas attendre encore 10 ans.
Nous fêtons, aujourd’hui, le 28 mai 2016, dans la maison de Léon Blum, les 80 ans du Front Populaire. Il est aussi resté dans la mémoire collective sous le nom de « Juin 36 ». C’est le mois au cours duquel la conjonction de l’action gouvernementale issue de la victoire électorale de mai et de la mobilisation sociale, syndicale a permis de conquérir les droits nouveaux qui ont constitué le socle du compromis social français : les congés payés, la réduction du temps de travail et son encadrement par la loi, les conventions collectives qui plaçaient les négociations au niveau des branches industrielles. Certains d’entre nous, réunis ici, aujourd’hui, verront dans le mouvement social en cours dans notre pays une référence et un hommage à juin 36.
Antoine Malamoud arrière petit-fils de Léon Blum