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Billet de blog 3 décembre 2025

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PORTRAIT | Lysiane Neyer Kenga : L'analyste qui s'impose au Gabon.

La valeur professionnelle transcende l'âge. Dans le contexte actuel, où le Gabon parachève sa période de post-Transition initiée après les événements du 30 août 2023, portrait à Lysiane Neyer Kenga.

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Cette consultante émergente s'est affirmée comme une figure de proue de la communication et de l'analyse politique. Dans le cadre de cet entretien approfondi, elle explore les étapes marquantes de sa carrière, les enjeux inhérents à sa profession, et partage son expertise sur les perspectives d'évolution du pays et de la société gabonaise.

Illustration 1
Gabon. LYSIANE NEYER KENGA, Spécialiste en communication politique et institutionnelle Consultante et analyste politique, Secrétaire générale de CORDE.

Lysiane Neyer Kenga

Lysiane Neyer Kenga est une figure dont l'impact médiatique repose sur la pertinence de ses contributions et sa capacité à les rendre pédagogiques. Son professionnalisme et sa posture mesurée sont des constantes de ses apparitions publiques. Elle fait preuve d'une maîtrise thématique sans faille et d'une précision remarquable, que ce soit à l'antenne ou dans la presse. Cette rigueur repose sur un perfectionnisme analytique allié à une forte détermination, cimentant sa crédibilité auprès des spécialistes. Bien qu'elle soit une professionnelle d'une trentaine d'années, elle a déjà établi une carrière éloquente et solidement construite.

Pouvez-vous présenter brièvement, âge, votre parcours et ce qui vous a conduite à la communication politique au Gabon ?

LNK. : Bonjour, je suis Lysiane NEYER KENGA, 34 ans, titulaire d’un master en Sciences de Gestion option finances de l’Institut National des Sciences de Gestion à Libreville, achevant actuellement un second master en Sciences Politiques, et titulaire d’un Certificat de Formation Supérieure en Management des Partis Politiques et des Organisations à Caractère Politique, tous deux au sein de l’Institut Supérieur Theopolis.

Mon parcours est assez atypique. En effet, au lycée, je rêvais d’une carrière dans la santé, toute chose qui m’a conduite à m’orienter vers une série scientifique et obtenir mon bac série « D » au lycée Paul INDJENDJET GONDJOUT en 2009. Le refus de mon père de me voir partir à l’étranger poursuivre mes études loin de lui, et mon refus de me soumettre au bizutage imposé « aux bleus » au sein de la faculté de médecine de l’USS, me conduiront finalement à concourir pour intégrer l’Institut National des Sciences de Gestion et à poursuivre mes études dans le secteur de la comptabilité et de la finance.

Tout au long de mon parcours, je me suis toujours distinguée par ma volonté de servir la communauté à travers mon implication au sein des coopératives scolaires et universitaires.  De faire la promotion des valeurs de travail, d’excellence et de rigueur qui fondent profondément ma personnalité. On m’a toujours reconnu un talent oratoire certain et une facilité à analyser et à traduire avec pédagogie des problématiques complexes.

Dès la fin de mes études en 2014, j’entre dans la vie professionnelle en tant que chargée d’études puis responsable communication au sein du Comité National Miss Gabon et de l’ONG Défis de femme. Par la suite, en 2015, je suis nommée en Conseil des ministres chargé d’études du Ministre de la Communication, Porte-parole du Gouvernement. J’ai 24 ans. À cette occasion, je fais mon entrée officielle au sein de la haute administration gabonaise où je ferai mes classes (chargée d’études, directeur adjoint, conseiller) au sein de divers départements ministériels (communication, économie numérique, culture, santé, travail, intérieur et sécurité).

Ce qui me conduit à la communication politique, c’est la campagne électorale de 2016.  J’intègre l’équipe de campagne au sein du pôle communication grâce à ma fonction au sein du cabinet ministériel du ministre de la Communication de l’époque. Comment vous dire, que ce fut un choc pour moi de découvrir que toute la stratégie de communication du président de la République gabonaise et candidat à un second mandat avait été confiée à un cabinet américain dénommé Greenberg.  Et secondé par l’agence WPP.

Au fil des jours et des séances de travail, je découvrais avec horreur la stratégie très mal ficelée qui avait été proposée, et finalement validée par le président/candidat. Un ensemble de concepts faisant office de poudre de perlimpinpin qui le ferait élire « selon les sondages réalisés » à plus de 70 %. C’était tellement lunaire et opposé aux réalités que nous, Gabonais, avions pu percevoir sur le terrain, dans les quartiers et les villages à travers le pays.

Mais, j’ai aussi compris à ce moment-là que la communication, la stratégie politique et électorale étaient un univers totalement vierge de compétences locales. J’ai décidé à cet instant d’apprendre, de comprendre quels outils sont utilisés, quelles technologies, etc. Et surtout d’adapter tout cela au contexte local pour en faire un véritable outil au service de nos dirigeants et surtout récupérer la main sur ce domaine de souveraineté.

Comment analysez-vous l’évolution du paysage politique gabonais depuis les dernières élections présidentielles ?

 LNK. : Le paysage politique gabonais a été reconfiguré en façade. On peut voir et noter un recul certain du PDG, autrefois parti politique au pouvoir et majoritaire, relégué officiellement à la deuxième place, et l’Union démocratique des bâtisseurs (UDB), nouveau parti au pouvoir, qui règne aujourd’hui quasiment de façon hégémonique sur l’ensemble du territoire national. L’opposition, quant à elle, s’est complètement vidée de tous ses leaders autrefois charismatiques. Quasiment seul dans la barque opposition aujourd’hui, Alain Claude BILIE BY NZE apparaît plus, comme une individualité, tant son parti Ensemble pour le Gabon (EPG), peine à obtenir des suffrages.

Au-delà de cette façade, si on regarde en profondeur, on constate que c’est juste un jeu de chaises musicales qui s’est opéré entre les différents acteurs politiques existants. Le jeu politique a peut-être changé de couleur, mais les acteurs sont restés les mêmes en majorité. Le renouvellement réel de la classe politique n’est pas au rendez-vous

Quelles sont, selon vous, les principales attentes des jeunes Gabonais vis-à- vis de la classe politique actuelle ?

LNK. : Premièrement, la jeunesse ne doit pas être vue comme un groupe homogène ; dans cet ensemble, il y a des sous-groupes qui ont des attentes totalement différentes.

° La jeunesse éduquée et formée. C’est une jeunesse qui suit l’actualité économique et politique du pays. Des jeunes qui ont bénéficié de l’accompagnement de leurs familles et/ou de l’État, et ont été motivés à poursuivre des études pour obtenir un avenir meilleur. Aujourd’hui, c’est une jeunesse frustrée, en proie au chômage et aux emplois précaires. C’est une bombe silencieuse qui grogne, des larmes trop longtemps retenues, des rêves brisés, des ambitions détruites.

Les attentes de cette jeunesse se jouent dans la croissance de notre tissu économique et la structuration de véritables chaînes de valeurs, seuls gages de la création d’emplois stables et durables.

Leurs attentes : la refondation en profondeur de notre système éducatif, l’amélioration des conditions d’études et l’adaptation de l’ensemble de notre système scolaire aux réalités du monde actuel afin qu’il soit compétitif au niveau continental, voire mondial. Les attentes de cette jeunesse face à la classe politique se situent dans l’élaboration et la mise en œuvre de véritables politiques publiques en matière d’éducation et de création d’emplois.

° La jeunesse déscolarisée, précaire, en délinquance. Malgré notre taux d’alphabétisation élevé, notre taux de décrochage scolaire est tout aussi élevé. Malgré la législation en vigueur qui rend l’école obligatoire jusqu’à 16 ans, aucun mécanisme réel n’est mis en place pour récupérer les enfants ni les jeunes qui sortent du système scolaire quelles qu’en soient les raisons (échecs scolaires, précarité, perte des parents, etc.).

Cette frange de la jeunesse gabonaise est la plus dangereuse, car elle suit l’actualité à sa manière et subit au quotidien un sentiment d’injustice. C’est une jeunesse en proie à la délinquance, aux addictions, aux emplois très précaires, aux activités illicites. C’est une jeunesse confrontée à la répression de nos forces de l’ordre et de notre système judiciaire, mais qui, comparativement, voit des voleurs en col blanc « braquer le trésor public et s’en sortir plutôt bien ».

Une jeunesse mise au ban de la société et très souvent instrumentalisée à des fins électoralistes. Les attentes de ceux-ci sont avant tout sociales et liées à leur réintégration dans la société.

° La jeunesse professionnelle. Il s’agit là des jeunes qui ont réussi à trouver un emploi dans le secteur public ou privé. Ils suivent l’actualité avec un regard plus ou moins critique. Malgré le fait qu’ils aient accès à un emploi, le coût de la vie très élevé les empêche de voir un avenir radieux.

Ils attendent de la classe politique une vision claire et un cadre cohérent pour pouvoir s’épanouir (accès à la propriété, aux postes à responsabilité). Ils sont moins sensibles aux effets d’annonce, mais attentifs à la réalisation progressive des promesses de campagne et à la transformation profonde de notre nation. La reddition des comptes des acteurs publics est pour eux une exigence, car conscients de leur apport à la formation du budget de l’État par les coupes d’impôts mensuelles sur leurs revenus.

Quel rôle la communication politique doit-elle jouer dans la restauration de la confiance entre les citoyens et les institutions ?

LNK. : La communication politique est essentielle dans la restauration de la confiance entre les citoyens et leurs dirigeants. En effet, le rôle premier de celle-ci est de rendre lisibles, visibles et compréhensibles les programmes de développement, les réformes et toutes les actions de l’Exécutif en général à destination de différentes cibles, dont les citoyens, qui sont en réalité la principale.

En effet, dans les systèmes démocratiques, le pouvoir vient du peuple à travers le suffrage universel direct, qui confère une délégation de pouvoir au président de la République et aux différents élus nationaux ou locaux. Cette délégation de pouvoir implique une reddition des comptes pour maintenir l’adhésion de la population à travers la compréhension des actions menées par les dirigeants. Confucius disait à ce sujet que sans la confiance de la population, aucun gouvernement ne saurait survivre.

Loin des stéréotypes négatifs, la communication politique ne doit pas servir à vendre du vent aux populations, ni à protéger un système, mais à expliquer le bien-fondé des politiques publiques afin de créer une vraie relation de confiance entre dirigeants et population.

Surtout, elle ne doit pas être à sens unique : elle doit également pouvoir servir de boussole et de baromètre pour l’action publique en orientant les décisions des gouvernants vers les attentes et les besoins réels des populations. Permettre ainsi de faire les corrections, les ajustements nécessaires pour permettre un impact positif palpable et une satisfaction réelle des bénéficiaires des actions de l’État.

En tant que secrétaire générale de CORDE, quels sont les principaux défis rencontrés pour renforcer la performance managériale au Gabon ?

LNK. : Il est important de rappeler que CORDE est une coalition de personnes animées par une conviction commune : la promotion de l’excellence à la gabonaise. Elle est réelle et nous devons faire de notre mieux pour la révéler aux yeux du monde. C’est animé de cette ambition que nous nous sommes associés à des acteurs du secteur privé et public pour interroger les clés du pilotage de la performance dans l’environnement gabonais.

Nous avons pu noter que plus de 80 % des participants ont déclaré que le principal frein à la performance est le manque d’engagement des acteurs des projets. Aujourd’hui, la majorité des employés du secteur public comme du secteur privé se rendent sur leur lieu de travail pour toucher une rémunération à la fin du mois. La performance n’est vraiment pas au cœur des motivations des équipes, qui apparaissent en majorité déconnectées de la réussite des projets portés par leurs organisations.

Il est donc crucial pour nos dirigeants, tous secteurs confondus, de réussir à créer l’adhésion par l’exemplarité, des valeurs fortes et un idéal commun porteur d’espoir tant sur le plan économique que sociétal. La principale leçon que nous avons tirée de cette initiative est que, pour atteindre la performance, il faut garder du « sens » dans la prise de décision et le suivi des actions. C’est par le « sens » que nous avons la force de dépasser les limites et les objectifs.

Quel regard portez-vous sur l’engagement des femmes dans la politique gabonaise aujourd’hui ?

LNK. : Mon regard est assez critique sur cette question, car ce sont encore les hommes qui décident quelle femme doit éclore en politique au Gabon. Mais il y a une appétence grandissante des femmes gabonaises pour la chose politique. S’il est bien vrai que les femmes ont toujours participé à la vie politique du pays, il faut reconnaître que celles-ci étaient plutôt reléguées au second plan et aux tâches subalternes (groupes d’animation, gestion de la mobilisation, de l’hébergement et de la restauration lors des meetings).

Depuis quelques années, nous avons noté une volonté de celles-ci de s’affranchir de ces pesanteurs pour s’impliquer réellement dans la gestion des partis politiques et la sollicitation des mandats électifs. Afin d’appuyer cet élan, le législateur a jugé utile de fixer un quota de 30 % de représentativité des femmes aux différentes élections politiques et aux emplois supérieurs de l’État. C’est une avancée significative, mais les efforts doivent se poursuivre avec les textes d’application qui, à mon sens, doivent compléter le dispositif des quotas, à l’exemple de mesures coercitives qui doivent frapper les partis politiques réfractaires ; préciser, pour le cas des locales par exemple, que les femmes doivent être positionnées en haut de liste pour ne pas être systématiquement éliminées par la proportionnelle ; les mesures incitatives également comme l’accompagnement financier des candidatures féminines, même au franc symbolique.

Les dernières élections couplées législatives/locales ont vu une très belle participation des femmes. Nous notons néanmoins que nombreuses d’entre elles ont besoin de formation et d’accompagnement pour mieux structurer leur projet politique. En effet, une femme qui s’engage en politique ne doit pas le faire pour singer les hommes, mais pour apporter plus de sens, de valeurs, de lumière dans le fonctionnement et la gestion de la chose publique.

C’est dans cet esprit qu’en 2018, avec d’autres, nous avons créé POLITICA, un incubateur dont l’objectif est d’outiller les femmes qui ont la volonté de se lancer en politique.

Comment mesurez-vous l’impact des réseaux sociaux et des plateformes digitales dans le débat politique gabonais ?

LNK. : Au Gabon, ces dernières années, on a assisté à une montée en puissance de l’impact des réseaux sociaux sur le débat politique. En effet, les réseaux sociaux ont offert des espaces de communication libres où les citoyens gabonais, qu’ils soient sur le territoire national ou à l’étranger, ont pu faire valoir leurs avis, analyses et critiques vis-à-vis de la gestion de la chose publique, dans un contexte où le musèlement de la presse ne rendait pas possible un véritable dialogue entre la classe politique et les populations.

L’opposition, quant à elle, a trouvé en ces nouveaux médias l’opportunité de se faire entendre en contournant les espaces médiatiques qui lui étaient complètement verrouillés. C’est ainsi que nous avons vu, dans un premier temps, des groupes puissants se former et influencer significativement l’opinion publique, à l’exemple d’« Infos Kinguélé », qui a bousculé fortement les codes et permis l’éclosion d’acteurs et d’activistes politiques proches de l’opposition. La réplique a été donnée par le pouvoir à travers « Infos d’Akebé » et différents hashtags comme otambia, qui ont traduit la prise de conscience du pouvoir en place à l’époque sur le réel impact des réseaux sociaux sur les dynamiques politiques.

Chacun peut se rappeler le rôle crucial qu’ont joué les réseaux sociaux dans les crises politiques de ces dix dernières années, que ce soit la crise post-électorale de 2016 ou le coup d’État du 30 août 2023.

À titre d’exemple complémentaire traduisant l’impact puissant des réseaux sociaux sur la gouvernance au Gabon, je peux citer :

  • L’éviction du Directeur Général du FGIS suite aux révélations sur de fausses déclarations dans son curriculum vitae ;
  • Le report de la mise en application de la suppression de la subvention sur les produits pétroliers
  • Et, fait le plus marquant, la diffusion du communiqué final du Conseil des ministres sur les réseaux sociaux en prime devant les médias traditionnels.

La lutte contre la corruption est un thème central dans le discours politique national, comment évaluez-vous les avancées réalisées ?

LNK. : Pour ma part, je ne vois pas jusque-là de réelles avancées sur la question de la lutte contre la corruption de façon concrète. Le discours politique a porté une position affirmée sur la question, mais les actions concrètes ne sont pas encore visibles.

Il apparaît que la Commission nationale de lutte contre l’enrichissement illicite est inopérante dans son fonctionnement actuel. Les nombreuses task forces qui ont été mises en place n’ont pas rendu publiques leurs conclusions et le parquet n’a pas communiqué sur les éventuelles poursuites judiciaires lancées à la suite de celles-ci. Les rapports de la Cour des comptes ne sont pas systématiquement suivis de poursuites judiciaires pour les agents publics épinglés.

Autant de dysfonctionnements qui permettent aux corrompus de passer encore entre les mailles du filet. Par ailleurs, on a bon espoir que les institutions constitutionnelles nouvellement installées prendront le sujet à bras-le-corps pour mettre en place un dispositif institutionnel et juridique fort et opérant qui permettra de garantir enfin l’intégrité de nos finances publiques.

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes qui souhaitent s’engager politiquement dans un contexte aussi complexe que celui du Gabon ?

LNK. : Je dirais aux jeunes de se former en priorité, d’avoir des compétences et un parcours éloquent, parce qu’en réalité, juste être « jeune » ne suffit pas pour se démarquer dans cet univers. Il faut se lancer sur la base d’une idéologie, d’un leitmotiv, d’un amour profond pour l’intérêt public. On ne se lance pas en politique pour être populaire, pour devenir riche, pour accéder à une position dominante. Ce sont malheureusement de mauvaises raisons qui peuvent inciter plusieurs jeunes à se faire finalement instrumentaliser par des personnes très mal intentionnées.

Aujourd’hui, pour que la jeunesse se fasse entendre comme il se doit, il faut qu’elle devienne solidaire, pour passer d’une simple majorité démographique à une réelle majorité politique. Et cela passe par l’émergence de véritables leaders politiques jeunes qui portent les véritables aspirations de la jeunesse dans toutes ses spécificités ; des jeunes animés par des valeurs fortes, qui ne se laisseront pas influencer par les sirènes de la corruption et du clientélisme.

Ensuite, il faut que les jeunes qui souhaitent se lancer aient une compréhension fine des problématiques qu’ils souhaitent adresser, et cela passe nécessairement par la construction de projets politiques forts et pertinents.

Aussi, j’encourage cette jeunesse à être courageuse et à sortir des sentiers battus. Le renouvellement de la classe politique ne se décrète pas, il s’obtient par la lutte constante et l’intelligence stratégique. Le suivisme, l’immobilisme et la servilité ne feront que retarder et compromettre l’éclosion d’une véritable classe politique jeune, et surtout performante pour adresser les questions de développement de notre pays.

Pour finir, quel est, selon vous, le grand chantier politique que le Gabon doit absolument mettre en œuvre dans les cinq prochaines années ?

LNK. : Le plus grand chantier politique des cinq prochaines années est, à mon sens, celui de la reconstruction de notre identité nationale, de notre tissu social et de la confiance des Gabonais envers la classe dirigeante.

L’identité nationale en priorité, car notre pays sort d’une longue période qui nous a fait perdre de vue qui nous sommes réellement. Il est primordial que nous puissions nous rappeler qui nous sommes intrinsèquement, afin que, dans le concert des nations, nous puissions nous démarquer. Cela passe nécessairement par la reprise en main de notre histoire et de notre récit national, la valorisation de notre patrimoine culturel et même de nos héros, pour construire in fine un sentiment d’appartenance fort et un patriotisme solide.

La reconstruction de notre tissu social, car il s’est créé au fil des années une véritable fracture entre les différentes classes sociales dans notre pays. On peut observer aujourd’hui dans nos familles, quartiers, villes et villages de véritables poches de grande pauvreté. Paradoxalement, la classe politique affiche un train de vie jugé ostentatoire, déconnecté des réalités, et de nombreux scandales financiers ont émaillé l’actualité ces dernières années, notamment « Mamba », « Scorpion » et plus récemment celui de la « Young Team », qui sont symptomatiques d’un mal plus profond : celui de la mauvaise répartition des richesses.

Tout ceci a pour corollaire une perte de confiance des Gabonais envers sa classe dirigeante, ayant l’impression d’être livrés à eux-mêmes pendant que ceux censés administrer la chose publique gèrent plutôt leur enrichissement personnel, voire familial. Pour briser ce cycle, il faut remettre

à mon sens la notion de service au centre de l’action publique. Les membres de l’Exécutif ne doivent plus apparaître comme des privilégiés, mais comme de véritables serviteurs de l’intérêt public.

Le contrat de confiance sera par ailleurs rétabli par les réalisations concrètes des promesses politiques qui ont été formulées depuis le début de la transition jusqu’à la campagne présidentielle et le début du septennat de Brice Clotaire OLIGUI NGUEMA.

C’est le respect de ces engagements qui pourra traduire une véritable considération des dirigeants envers les populations qui leur ont accordé leurs suffrages, et permettre ainsi une relation de confiance renouvelée. fin de l’entretien.


Nos sincères remerciements à Mme Lysiane Neyer Kenga pour sa disponibilité et la qualité de cet échange. Nous saluons la franchise de ses réponses et la clarté analytique dont elle a fait preuve tout au long de cet entretien.

Par Anne-Marie DWORACZEK-BENDOME, journaliste indépendante.

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