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Billet de blog 6 mai 2025

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Gabon : Les deux casquettes d'Oyima super ministre et banquier

Le 5 mai 2025, le Gabon s'interroge : Henri-Claude Oyima peut-il réellement être super-ministre tout en dirigeant BGFI Bank ? Cette double casquette au sommet de l'État soulève des doutes légitimes.

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Document interne de la BGFI émis le 05 mai 2025, après la nomination d’Henri Claude Oyima, Président directeur général du groupe. © am-DB

Un cumul qui interroge

Propulsé à la tête d'un empire ministériel regroupant l'Économie, les Finances, la Dette, les Participations et la Lutte contre la vie chère, Henri-Claude Oyima incarne désormais l'homme fort du gouvernement Oligui Nguema. Une concentration de pouvoirs déjà vertigineuse, mais qui prend une dimension plus troublante encore lorsqu'on considère ses autres fonctions.

Car le nouveau ministre n'est pas un simple technocrate sorti de l'anonymat. Il est avant tout le PDG de BGFI Bank, mastodonte financier dont l'influence s'étend bien au-delà des frontières gabonaises. Dans un communiqué laconique diffusé quelques heures après sa nomination, la banque confirmait l'inconcevable : « Nous tenons à vous rassurer que les activités du Groupe BGFI restent sous la supervision du Président Directeur Général ».

Mais l'accumulation ne s'arrête pas là. Oyima présidait également, jusqu'à sa nomination, la Fédération des Entreprises du Gabon (FEG), plaçant ainsi entre ses mains les rênes du patronat national. Une triple casquette : ministre, banquier, représentant du secteur privé qui soulève la question fondamentale de la séparation des pouvoirs économiques.

Illustration 2
Document interne de la BGFI émis le 05 mai 2025, après la nomination d’Henri Claude Oyima.

L'impossible équation

Cette situation sans précédent institue un conflit d'intérêts structurel au cœur même de l'État.
Le ministre Oyima fixera les règles du jeu économique dont bénéficiera le banquier Oyima, sous l'œil bienveillant de l'ancien président du patronat Oyima. Il décidera des politiques fiscales qui s'appliqueront à sa propre banque, négociera les conditions d'endettement de l'État auprès d'institutions financières avec lesquelles BGFI est en concurrence ou en partenariat, et arbitrera entre l'intérêt général et les intérêts particuliers qu'il a représentés pendant des années.

Comment croire à l'impartialité des décisions économiques quand celui qui les prend incarne simultanément les trois faces du triangle financier ? Qui contrôlera le contrôleur, quand le régulateur est lui-même l'opérateur dominant du marché qu'il est censé réguler ?

La trahison des promesses

Pour un régime qui s'était engagé à rompre avec les dysfonctionnements du passé, cette nomination constitue un reniement spectaculaire. Le président Oligui Nguema avait pourtant fait de la bonne gouvernance et de la transparence les piliers de sa légitimité. En validant ce cumul des pouvoirs, il envoie un message inquiétant : la 5e République pourrait bien n'être qu'une réédition cosmétique des pratiques qu'elle prétendait combattre.

Le peuple gabonais, qui attendait un véritable renouveau après des décennies de confusion entre intérêts publics et privés, se trouve confronté à une réalité amère : le changement promis semble s'arrêter aux discours. L'impossibilité matérielle pour un seul homme, fût-il doté de talents exceptionnels, d'assumer sérieusement tant de responsabilités cruciales, n'est même pas le problème principal. Quoiqu'elle témoigne d'une approche peu rigoureuse des défis colossaux auxquels le pays fait face.

À l'heure où le Gabon tente de tourner une page de son histoire, cette nomination controversée ressemble davantage à un retour en arrière qu'à l'aube d'une nouvelle ère. La véritable rupture exigerait un choix clair : soit Oyima se consacre entièrement au service de l'État et renonce à ses fonctions privées, soit il continue à diriger ses entreprises sans prétendre incarner l'autorité publique. L'entre-deux actuel ne peut qu'affaiblir la crédibilité des institutions et compromettre la confiance des citoyens dans le processus de transformation.

La balle est désormais dans le camp du président Oligui Nguema : clarifier cette situation ambiguë ou assumer pleinement ce premier renoncement aux idéaux de la transition. Le test est crucial, car il définira la véritable nature de cette 5e République naissante.

Par Anne-Marie DWORACZEK-BENDOME | Journaliste | 6 mai 2025

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