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Billet de blog 7 juillet 2025

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Gabon : L'UDB, mascarade démocratique d'un régime autoritaire

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Libreville, UDB - Cérémonie de lancement et logo officiel © am

UDB 

Théâtralisation d'une démocratie confisquée. Le spectacle orchestré le 5 juillet 2025 au Palais des Sports de Libreville s'apparente davantage à une mise en scène politique qu'à un véritable acte démocratique. En lançant l'Union démocratique des Bâtisseurs (UDB), Brice Clotaire Oligui Nguema ne crée pas un parti politique au sens démocratique du terme, mais institutionnalise un système de captation du pouvoir qui bafoue les principes fondamentaux de l'État de droit. Cette mascarade, présentée comme l'aboutissement d'une transition démocratique, constitue en réalité la formalisation d'un régime personnel où les institutions servent exclusivement les intérêts d'un groupe.

L'analyse de cet événement révèle une stratégie de légitimation d'un pouvoir acquis par la force et maintenu par l'instrumentalisation des institutions. Le discours présidentiel sur "l'unité, la responsabilité, le dialogue, le patriotisme et la solidarité" résonne comme une insulte aux aspirations démocratiques du peuple gabonais, qui avait salué la chute d'Ali Bongo en espérant une véritable rupture avec les pratiques autoritaires. Au lieu de cela, le régime Oligui Nguema perpétue et amplifie les dérives antidémocratiques de ses prédécesseurs.

Cette création partisane intervient dans un contexte où le président dispose déjà de pouvoirs quasi-absolus, rendant cette initiative totalement superflue d'un point de vue démocratique. L'UDB ne constitue pas un outil de pluralisme politique, mais un instrument de consolidation d'un système oligarchique qui concentre tous les pouvoirs entre les mains d'un seul homme et de son entourage. Cette dérive autoritaire s'opère sous le vernis d'une légalité constitutionnelle façonnée sur mesure pour servir les intérêts du pouvoir en place.

Concentration autoritaire

L'État gabonais sous emprise personnelle. La Constitution gabonaise de 2025, issue du référendum manipulé du 16 novembre 2024, consacre un système hyperprésidentiel qui viole les principes fondamentaux de la séparation des pouvoirs et de l'équilibre institutionnel. Cette architecture constitutionnelle, taillée sur mesure pour Oligui Nguema, transforme le Gabon en autocratie déguisée où un seul homme concentre l'intégralité des leviers de l'État. Cette confiscation institutionnelle constitue une violation flagrante des standards démocratiques internationaux et des droits fondamentaux du peuple gabonais.

L'accumulation de fonctions par Oligui Nguema – président de la République, chef d'État, chef du gouvernement, commandant suprême des armées et président du conseil supérieur de la magistrature – révèle une stratégie délibérée de neutralisation de tout contre-pouvoir. Cette concentration sans précédent lui permet de nommer et révoquer à sa guise l'ensemble de l'exécutif, de contrôler le pouvoir normatif, et d'exercer une mainmise totale sur l'appareil sécuritaire. Le pouvoir de dissolution de l'Assemblée nationale et de nomination des juges constitutionnels parachève cette captation institutionnelle.

Cette configuration autoritaire s'accompagne de prérogatives exceptionnelles qui transforment le président en dictateur potentiel. Sa capacité à décréter unilatéralement l'état d'urgence ou l'état de siège, sans véritable contrôle parlementaire ou judiciaire, ouvre la voie à tous les abus. Cette concentration du pouvoir viole frontalement les principes énoncés dans la Déclaration universelle des droits de l'homme et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, auxquels le Gabon est pourtant partie. Comme l'avertissait Lord Acton : "Le pouvoir corrompt, le pouvoir absolu corrompt absolument." Le régime Oligui Nguema illustre parfaitement cette dégénérescence démocratique.

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Palais des Sport de Libreville, 5 juillet 2025- Présentation de l’équipement dirigeante du UDB © am

Corruption systémique

Népotisme et recyclage des élites prédatrices. L'examen de la composition de l'Union démocratique des Bâtisseurs dévoile un système de corruption institutionnalisée qui transforme l'État gabonais en patrimoine familial et clanique. Le recyclage massif d'anciens cadres du Parti démocratique gabonais (PDG) au sein de l'UDB constitue une violation manifeste des principes de renouvellement démocratique et de lutte contre la corruption. Ces transfuges, complices des détournements et des malversations des régimes Bongo père et fils, bénéficient aujourd'hui d'une impunité totale et d'une réhabilitation politique qui bafoue les droits des victimes de leurs exactions passées.

Cette résurrection des élites prédatrices transforme l'UDB en machine de blanchiment politique où les anciens pillards de l'État retrouvent légitimité et influence. Ces individus, qui ont participé au détournement systématique des ressources publiques pendant des décennies, occupent désormais des positions stratégiques dans le nouveau système, perpétuant ainsi les réseaux de corruption et de clientélisme. Cette continuité criminelle constitue une insulte à la justice et aux populations gabonaises spoliées par ces pratiques.

Le népotisme institutionnel atteint son paroxysme avec la nomination de Dieudonné Aba'a Owono à la présidence de la Cour constitutionnelle. Cette désignation d'un cousin du président à la tête de l'institution garante de la constitutionnalité constitue un conflit d'intérêts flagrant qui compromet définitivement l'indépendance du système judiciaire. Cette pratique népotique, caractéristique des régimes autocratiques, transforme les institutions publiques en propriété familiale et viole les principes fondamentaux de l'État de droit. Comment concevoir qu'un parent du président puisse rendre des décisions impartiales concernant la légalité des actes de son cousin ? Cette situation révèle la capture complète de l'appareil judiciaire par le clan présidentiel. Entre l'ancien et le nouveau régime, c'est la face d'une même pièce.

Résistance démocratique

L'urgence d'un sursaut citoyen. La légalisation de l'Union démocratique des Bâtisseurs par une Cour constitutionnelle dirigée par un parent du président illustre la dégradation terminale de l'État de droit au Gabon. Cette validation complaisante d'un conflit d'intérêts manifeste démontre que les institutions gabonaises ne servent plus l'intérêt général, mais les appétits particuliers du clan présidentiel. Cette dérive autoritaire exige une mobilisation urgente de la société civile, des organisations de défense des droits humains et de la communauté internationale pour préserver les derniers vestiges de démocratie au Gabon.

Les promesses creuses d'Oligui Nguema de "construire une démocratie faite d'élections libres, crédibles, cohérentes et transparentes" sonnent comme une provocation face à la réalité d'un système qui concentre tous les pouvoirs, recycle les corrompus et instrumentalise la justice. Ces déclarations de façade ne peuvent masquer la confiscation de l'État par un clan qui perpétue les pires pratiques de gouvernance prédatrice. Le peuple gabonais, qui aspire légitimement à la démocratie, la justice et l'équité, mérite mieux que cette mystification institutionnelle.

L'Union démocratique des Bâtisseurs ne bâtit rien d'autre qu'un système autoritaire modernisé, habillé des oripeaux de la légalité constitutionnelle. Cette formation politique, loin d'être un instrument de démocratisation, constitue le verrou institutionnel d'un régime qui privatise l'État au profit d'une oligarchie. Face à cette dérive, la vigilance citoyenne et la mobilisation internationale s'imposent pour exiger le respect des standards démocratiques, la lutte effective contre la corruption et l'établissement d'un véritable État de droit au Gabon.

La communauté internationale, particulièrement l'Union africaine, la Communauté Économique des États de l'Afrique Centrale (CEEAC) et les partenaires européens, ne peut plus feindre d'ignorer cette régression démocratique. Le silence complice face à cette confiscation institutionnelle équivaut à une caution donnée à l'autoritarisme et à la corruption systémique. Le moment est venu d'exiger des comptes aux responsables de cette dérive et de soutenir les forces démocratiques gabonaises dans leur combat pour la liberté, la justice et la dignité. L'avenir du Gabon ne peut se construire sur les fondations pourries d'un système qui bafoue les droits fondamentaux et confisque la souveraineté populaire au profit d'une minorité prédatrice.

 Par Anne-Marie DWORACZEK-BENDOME | 7 juillet 2025

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