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Des observateurs internationaux pour crédibiliser un processus contesté
Le pouvoir de transition joue la carte de la transparence. Hermann Immongault, ministre de l'Intérieur, a ouvert les portes aux observateurs internationaux. Un revirement spectaculaire par rapport au dernier scrutin d'août 2023, où le régime Bongo avait soigneusement verrouillé tout regard extérieur. Mais cette ouverture n'est pas sans conditions : le décret n° 1004/PR/MI de 1998 encadre strictement leur action, avec menace de retrait d'accréditation à la moindre incartade. Une transparence sous contrôle, en somme.
La transition accélère, mais vers où ?
Depuis le coup d'État du 30 août 2023, le général Oligui Nguema pilote une transition à marche forcée. La nouvelle Constitution, dévoilée le 21 octobre, propose 173 articles qui bousculent l'architecture institutionnelle héritée des "Bongo". Un texte qui se veut révolutionnaire, mais dont la précipitation d'adoption interroge sur les véritables motivations de ses concepteurs.
Une "Constitution" taillée sur mesure ?
Le projet constitutionnel dessine les contours d'un régime présidentiel musclé : mandat de sept ans renouvelable une fois, suppression du Premier ministre, Haute Cour de Justice dédiée au président. Si les nouvelles conditions d'éligibilité - avoir au moins un parent gabonais et l'interdiction aux proches d'anciens présidents de se présenter — semblent viser la famille Bongo, elles pourraient aussi servir d'autres desseins politiques.
Une campagne éclair sous haute tension
Dix jours. C'est le temps accordé aux Gabonais pour débattre de leur future loi fondamentale. Une période dérisoire pour un texte qui engagera leur avenir pour des décennies. Le Premier ministre appelle à "s'approprier" le texte, mais comment digérer 173 articles en si peu de temps ? Les positions se radicalisent entre partisans inconditionnels du "oui" et opposants qui dénoncent un passage en force.
Le fossé se creuse dans la société gabonaise
Sur le terrain, la fracture est nette. D'un côté, les "pro-Oligui", qui voient en leur général-président le sauveur providentiel du Gabon. De l'autre, une opposition qui s'interroge sur cette précipitation démocratique. Entre les deux, une machine de propagande gouvernementale qui quadrille le pays : écoles, supermarchés, mairies, aucun lieu n'échappe à la campagne de "sensibilisation".
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L'abstention, fantasme ou réelle menace ?
"Notre seul ennemi est l'abstention", martèle le général Oligui Nguema. Une inquiétude qui trahit la fragilité du processus. La population, encore marquée par le traumatisme d'août 2023, manifeste une certaine lassitude électorale. La complexité du texte et le doute sur son impact concret sur leur quotidien pourraient pousser de nombreux Gabonais à bouder les urnes. D'autant que l'opposition évoque désormais ouvertement un boycott, stratégie qui pourrait sérieusement entacher la légitimité du scrutin.
Un référendum sous surveillance internationale
La présence d'observateurs internationaux, présentée comme un gage de transparence par le ministre Immongault, pourrait aussi se révéler une épée à double tranchant. Leur verdict sur la régularité du scrutin pèsera lourd dans la reconnaissance internationale du processus de transition gabonais. Une pression supplémentaire pour un régime qui joue sa crédibilité.
Perspectives : entre espoir et scepticisme
Ce référendum n'est qu'une étape vers les élections présidentielles prévues en août 2025. Mais il pourrait en conditionner la suite. La participation au scrutin et son degré de transparence seront scrutés comme autant d'indicateurs de la sincérité démocratique du régime de transition. Le Gabon s'apprête-t-il vraiment à tourner la page de son passé autoritaire, ou assiste-t-on simplement à un changement de décor pour une pièce déjà vue ?
L'histoire récente de l'Afrique centrale incite à la prudence. Les transitions démocratiques y ont souvent servi de paravent à la perpétuation d'anciens systèmes sous de nouveaux visages. Le Gabon saura-t-il déjouer ce piège ? Réponse dans les urnes, si les Gabonais choisissent de s'y rendre.
@DworaczekBendom