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Assemblée Constituante gabonaise - Communiqué
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Une transition politique sous haute tension
Indéniablement, le Gabon traverse une période charnière de son histoire. Le renversement du régime Bongo, après plus de cinq décennies de règne, a ouvert la voie à une refonte complète du paysage politique et institutionnel du pays. L'Assemblée Constituante qui a été lancé ce 12 septembre, cristallise les promesses d'un renouveau démocratique, mais soulève également de nombreux débats quant à la nature et à la portée des changements envisagés. Le président de la Transition, Brice Clotaire Oligui Nguema, a insufflé une dynamique de changement en initiant ce processus de réforme constitutionnelle. Néanmoins, le chemin vers une nouvelle ère politique s'avère semé d'embûches. Les attentes de la population sont immenses, tout comme les défis à relever pour asseoir une démocratie solide et pérenne. Concrètement, l'Assemblée Constituante, convoquée par décret présidentiel, siègera du 12 au 22 septembre 2024 à Libreville. Cette instance éphémère, mais cruciale, aura la responsabilité d'examiner minutieusement le projet de nouvelle Constitution, fruit d'un travail préparatoire mené par un comité spécial. Les 168 parlementaires - 98 députés et 70 sénateurs de transition - qui la composent auront la lourde tâche de débattre, d'amender et, in fine, de façonner le texte qui servira de socle à la Troisième République gabonaise.
Puis, le fonctionnement de cette Assemblée soulève des interrogations quant à sa légitimité démocratique. En effet, contrairement à une situation normale où les parlementaires seraient élus au suffrage universel, les membres de cette instance ont été nommés par les autorités de transition, notamment le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI). Cette méthode de sélection, bien que justifiée par le caractère exceptionnel de la situation, ne manque pas de susciter des débats sur la représentativité réelle de cette assemblée.
L'Assemblée Constituante gabonaise a débuté ce matin à 10 h, à Libreville, marquant une étape clé dans la transition politique du pays.
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Les enjeux d'une Constitution en gestation
Le projet de Constitution suscite indéniablement l'attention générale. Les promesses de changement provoquent des débats intenses sur la forme que prendra le futur régime politique du Gabon. Alors que le texte intégral a été rendu public ou diffusé sur les réseaux sociaux, certaines dispositions clés de ce document ont déjà été abordées, dessinant les grandes lignes d'un nouveau système politique pour le pays.
Premièrement, l'instauration d'un régime présidentiel fort, avec la suppression du poste de Premier ministre, constitue l'une des innovations les plus marquantes. Cette réforme, promise comme un gage d'efficacité gouvernementale, suscite néanmoins des débats animés sur les risques d'une concentration excessive du pouvoir entre les mains du président.
Deuxièmement, la limitation du mandat présidentiel à sept ans, renouvelable une seule fois, apparaît comme une avancée significative. Cette mesure, couplée à l'interdiction pour un président en exercice de modifier la durée ou le nombre de mandats, témoigne d'une volonté de rompre avec les dérives du passé et d'éviter l'installation de présidences à vie. Cependant, des voix s'élèvent pour questionner la pertinence d'un mandat aussi long dans un contexte de transition démocratique.
Troisièmement, le renforcement des critères d'éligibilité à la présidence suscite des débats passionnés. L'exigence d'un âge compris entre 35 et 70 ans, d'un mariage avec un(e) Gabonais(e), et de parents nés gabonais, vise à garantir l'ancrage national des futurs dirigeants. Cependant, ces dispositions soulèvent des questions sur leur caractère potentiellement discriminatoire et leur impact sur le renouvellement de la classe politique.
Quatrièmement, la reconnaissance constitutionnelle des militaires ayant renversé le régime Bongo comme "héros" constitue un point de crispation. Cette disposition, si elle vise à légitimer a posteriori le coup d'État, pourrait être perçue comme une entorse au principe de neutralité politique de l'armée.
Subséquemment, ces propositions dessinent les contours d'un système politique profondément remanié, promettant un nouveau départ pour le Gabon. Toutefois, leur mise en œuvre effective et leur impact réel sur la gouvernance du pays restent au cœur des débats qui animeront l'Assemblée Constituante.
L'impartialité en question : le dilemme des parlementaires
Incontestablement, la question de l'impartialité des membres de l'Assemblée Constituante se pose avec acuité. Des inquiétudes légitimes émergent au sein de l'opinion publique, notamment concernant la probable implication dans les travaux de parlementaires qui, il y a peu, appelaient déjà à voter "OUI" au futur référendum constitutionnel, et ce, avant même d'avoir pris connaissance du contenu du projet.
Le cas emblématique de Marc Ona Essangui, 3ᵉ Vice-président du Sénat de Transition, illustre ce paradoxe. Récemment, ce dernier a effectué un périple dans sa province natale, accompagné d'autres parlementaires, pour battre campagne en faveur du "OUI", alors même que le projet de Constitution n'avait pas encore été officiellement remis au Président de la Transition.
Cette situation soulève des interrogations pertinentes : comment peut-on objectivement et sincèrement examiner, analyser et critiquer un texte que l'on a préalablement appelé à soutenir aveuglément ? - La crédibilité et la sincérité de ces hommes et femmes politiques sont mises en doute, jetant une ombre sur l'intégrité du processus constituant dans son ensemble.
Pour rétablir la confiance, les parlementaires devront faire preuve d'une transparence accrue et d'une ouverture au dialogue sans précédent. Ils devront démontrer leur capacité à examiner le texte de manière objective et critique, quitte à remettre en question certains aspects du projet si nécessaire. L'organisation de consultations publiques, de débats ouverts avec les opposants au projet et l'adoption d'un code de conduite strict pendant les travaux de l'Assemblée constituante pourraient contribuer à restaurer leur crédibilité.
Subséquemment, l'enjeu pour ces parlementaires sera de transcender leurs positions initiales pour se mettre véritablement au service de l'intérêt général. Leur capacité à le faire conditionnera largement la légitimité et l'acceptation de la future Constitution par l'ensemble de la population gabonaise.
Les défis d'une refondation institutionnelle
Inéluctablement, l'Assemblée Constituante gabonaise fait face à des défis colossaux dans sa mission d'élaboration de la nouvelle Constitution. Au-delà des questions d'impartialité, elle doit relever plusieurs défis majeurs pour garantir le succès de cette entreprise de refondation institutionnelle.
Premièrement, la recherche d'un équilibre des pouvoirs s'impose comme un enjeu central. Face aux craintes d'un "Hyperprésidentialisme", l'Assemblée devra veiller à instaurer des mécanismes de contre-pouvoirs efficaces, capables de prévenir toute dérive autoritaire. La suppression du poste de Premier ministre, si elle est confirmée, devra être compensée par un renforcement des prérogatives du Parlement et de l'indépendance du pouvoir judiciaire.
Deuxièmement, la question de la représentativité et du consensus se pose avec acuité. L'Assemblée a pour mission d'élaborer une Constitution dans laquelle "la quasi-totalité des Gabonais et Gabonaises ou presque se reconnaîtront". Cette tâche herculéenne implique de prendre en compte les différentes sensibilités politiques, ethniques et sociales du pays, tout en préservant la cohérence et l'efficacité du texte.
Troisièmement, l'indépendance vis-à-vis du Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI) constitue un enjeu crucial. L'Assemblée devra affirmer son autonomie face à cet organe qui aura le dernier mot sur le texte. Sa marge de manœuvre réelle pour proposer des amendements substantiels sera un indicateur clé de la sincérité du processus.
Quatrièmement, le délai contraint de dix jours pour examiner le projet et proposer des amendements pose un défi de taille. Ce temps limité pourrait restreindre la profondeur des débats et des modifications possibles, au risque de produire un texte insuffisamment mûri.
Cinquièmement, la pression de l'opinion publique pèsera lourdement sur les travaux de l'Assemblée. Les parlementaires sont appelés à "reconquérir le cœur de l'opinion publique nationale" après des critiques lors de précédents travaux. Ils devront donc démontrer leur capacité à défendre l'intérêt supérieur de la Nation, au-delà des clivages partisans et des intérêts particuliers.
Ensuite, pour relever ces défis, les membres de l'Assemblée constituante sont exhortés à "privilégier l'intérêt supérieur de la Nation" et à ne pas se "débiner face à leurs responsabilités". Leur capacité à formuler des amendements pertinents, à mener des débats constructifs et à produire un texte équilibré et consensuel sera déterminante pour l'avenir politique du Gabon.
L'Assemblée Constituante gabonaise a débuté ce matin à 10 h, à Libreville, marquant une étape clé dans la transition politique du pays.
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Vers un nouvel horizon démocratique ?
Sans aucun doute, le lancement de l'Assemblée Constituante marque un tournant dans l'histoire politique du Gabon. Ce processus, malgré ses imperfections et les controverses qu'il suscite, porte en lui les germes d'un renouveau démocratique tant attendu par la population.
Les attentes des citoyens gabonais sont multiples et parfois contradictoires. D'un côté, il y a une aspiration profonde à tourner la page de décennies de pouvoir personnalisé et à jeter les bases d'une démocratie plus inclusive et dynamique. De l'autre, la crainte de l'instabilité et le désir de préserver certains acquis créent une tension entre volonté de changement et besoin de continuité.
La nouvelle Constitution, si elle est adoptée, promet plusieurs avancées significatives. La limitation des mandats présidentiels, la séparation affirmée des pouvoirs, la promesse d'une décentralisation accrue sont autant d'éléments qui pourraient contribuer à renforcer l'État de droit et à dynamiser la vie politique gabonaise. Cependant, le chemin vers une démocratie mature et stable reste semé de difficultés.
La mise en œuvre effective des nouvelles dispositions constitutionnelles, le respect de l'esprit des institutions par les futurs dirigeants, et la capacité de la société civile à jouer pleinement son rôle de contre-pouvoir seront déterminants.
Conséquemment, l'Assemblée Constituante qui s'ouvre aujourd'hui porte une responsabilité historique. Elle a l'opportunité de poser les fondations d'un Gabon nouveau, plus démocratique, plus inclusif et plus prospère. Mais pour cela, elle devra transcender les clivages, faire preuve d'une sagesse et d'une vision à la hauteur des enjeux, et placer résolument l'intérêt supérieur de la nation au cœur de ses travaux.
L'Assemblée Constituante qui a débuté ses travaux aujourd'hui, a le pouvoir de redessiner l'avenir politique et institutionnel du pays. Si elle parvient à surmonter les défis qui se dressent devant elle et à produire un texte à la hauteur des aspirations du peuple gabonais, elle pourrait ouvrir la voie à une nouvelle ère démocratique. Toutefois, seul l'avenir dira si cette promesse de renouveau se concrétisera réellement, transformant durablement le paysage politique gabonais
@DworaczekBendom
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