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Billet de blog 13 janvier 2025

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Gabon : La Banque mondiale suspend à nouveau ses financements

Pour la deuxième fois en sept mois, la Banque mondiale gèle ses financements au Gabon, révélant l'incapacité de la junte militaire à honorer ses engagements financiers.

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Gabon, nouvel arrêt des financements internationaux sous la transition militaire.

Le retour de la sanction internationale

L'histoire se répète au Gabon. Ce 13 janvier 2025, la Banque mondiale a annoncé une nouvelle suspension de ses financements, sept mois seulement après une première interruption en juin 2024. Cette décision, motivée par une accumulation persistante d'impayés, sonne comme un désaveu cinglant pour le régime de transition dirigé par le général Brice Clotaire Oligui Nguema.

La première suspension, survenue en juin dernier, avait déjà fait l'effet d'un électrochoc. Le gouvernement s'était alors empressé de régulariser environ 10 milliards de FCFA d'arriérés, évoquant un simple "aléa technique". Une explication qui apparaît aujourd'hui bien légère face à la répétition de ces défauts de paiement.

Des finances publiques sous haute tension

L'obsession pour ces méga-projets masque mal l'absence totale de vision économique. Pendant que les ministres dessinent des châteaux en Espagne, le tiers de la population survit avec moins de deux euros par jour. Le chômage frappe jusqu'à 40 % des actifs, et la croissance plafonne à un indigent 2,5%.

La réalité est implacable : ces projets pharaoniques ne sont que des mirages dans un désert d'incompétence. Le port de Mayumba, présenté comme la solution miracle pour diversifier l'économie, risque de rejoindre le cimetière des éléphants blancs qui jalonnent l'histoire du Gabon. La ligne ferroviaire vers Belinga rappelle cruellement le fiasco du Trans-gabonais, gouffre financier jamais rentabilisé.

Le trio Mouissi-Mba-Ntoutoume Ayi continue pourtant d'afficher un optimisme de façade, multipliant les déclarations grandiloquentes sur ces "projets structurants". Une communication digne des plus beaux jours de la propagande qui ne trompe plus personne. La suspension des financements internationaux est venue rappeler une vérité brutale : on ne construit pas l'avenir d'un pays sur des fondations de sable.

Une dette publique hors de contrôle

Les chiffres sont alarmants. La dette publique gabonaise a franchi le seuil critique des 70 % du PIB fixé par la CEMAC (Communauté Économique et Monétaire de l'Afrique Centrale) et devrait atteindre 78,9 % en 2025. Une situation qui témoigne d'une gestion financière défaillante, malgré les promesses de rigueur affichées par la junte lors de sa prise de pouvoir en août 2023.

Le ministre de l'Économie, Mays Mouissi, le ministre des Comptes publics, Charles Mba, et le directeur général de la Dette, Jean Gaspard Ntoutoume Ayi, se trouvent aujourd'hui dans une position délicate. Leurs déclarations rassurantes ne suffisent plus à masquer une réalité devenue intenable.

Des projets stratégiques menacés

Les conséquences de cette nouvelle suspension sont lourdes. Le Projet Gabon Digital et le Projet d'Harmonisation des statistiques en Afrique de l'Ouest et du Centre (HISWACA) sont directement menacés. Au total, ce sont 139,3 millions d'euros (91,2 milliards de FCFA) de financements qui se trouvent gelés.

Cette situation compromet gravement le Plan National de Développement pour la Transition (PNDT) 2024-2026, estimé à 4 536 milliards de FCFA. Trois projets phares sont particulièrement menacés :

  • Le port en eau profonde de Mayumba, censé devenir un hub logistique régional
  • La ligne ferroviaire Belinga-Boué-Mayumba, destinée à l'exploitation des gisements de fer
  • Le barrage hydroélectrique de Boué, crucial pour l'approvisionnement énergétique du pays

Une économie en berne

Le contexte économique aggrave la situation. Avec une croissance estimée à seulement 2,5% pour 2025, le Gabon peine à générer les ressources nécessaires au remboursement de sa dette. Le secteur pétrolier, traditionnel pilier de l'économie, montre des signes d'essoufflement avec l'épuisement progressif des réserves.

Les tentatives de diversification économique, orientées vers le bois, l'huile de palme et le secteur minier, ne suffisent pas à compenser ce déclin. Le déficit budgétaire continue de se creuser, plombé par les subventions aux carburants et une masse salariale importante.

Un impact social préoccupant. Les répercussions de cette crise financière sur la population sont déjà visibles. Le taux de chômage oscille entre 35 et 40 % de la population active, tandis qu'un tiers des Gabonais vit sous le seuil de pauvreté, avec moins de deux euros par jour.

Une transition à la croisée des chemins

Cette nouvelle suspension des financements internationaux met la transition militaire face à ses responsabilités. Dix-sept mois après sa prise de pouvoir, les promesses de redressement des institutions et d'assainissement de l'économie semblent plus lointaines que jamais.

Le général Oligui Nguema, qui ne cache plus son mécontentement en privé concernant la gestion économique, devra prendre des décisions cruciales dans les semaines à venir. La régularisation des impayés apparaît comme une urgence absolue pour restaurer la crédibilité internationale du pays.

Mais au-delà de l'urgence immédiate, c'est tout le modèle de gestion financière qui doit être repensé. Sans une réforme profonde de la gouvernance économique et une plus grande transparence dans la gestion de la dette, le Gabon risque de s'enfermer dans un cycle infernal d'impayés et de suspensions.

L'avenir des grands projets de développement, pourtant essentiels pour la diversification de l'économie, dépendra de la capacité du gouvernement à restaurer la confiance des bailleurs internationaux. Une tâche qui s'annonce ardue dans un contexte où la crédibilité financière du pays est sérieusement entamée.

La transition militaire gabonaise se trouve aujourd'hui à un tournant décisif. La gestion de cette crise financière déterminera non seulement son legs économique, mais aussi sa capacité à tenir ses promesses de transformation du pays.

Par @DworaczekBendom
Journaliste indépendante 

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