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Billet de blog 14 juillet 2025

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Gabon : l'affaire Gisèle Eyue Bekalé révèle une justice aux ordres

À Libreville, l'encerclement du cabinet de maître Gisèle Eyue Bekalé, défenseure de la famille Bongo, expose les méthodes autoritaires du régime d'Oligui Nguema.

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Gabon/Affaire Gisèle Eyue Bekalé, quand la justice devient l'arme du pouvoir. © am-db

Le 8 juillet 2025, une scène surréaliste se joue à Libreville. Les forces de l'ordre encerclent le cabinet de maître Gisèle Eyue Bekalé, contraignant l'avocate de Sylvia et Noureddine Bongo à passer ses nuits barricadée. Cinq jours plus tard, elle est convoquée par la justice pour avoir facilité la diffusion de vidéos de ses clients enregistrées lors d'interrogatoires.

Cette séquence résume à elle seule la dérive du Gabon post-Bongo. Vingt-trois mois après le coup d'État qui a porté Brice Oligui Nguema au pouvoir, la justice gabonaise révèle son vrai visage : celui d'un instrument de règlement de comptes au service du nouveau maître de Libreville.

Une résistance qui dérange

L'affaire Bekalé cristallise les contradictions du régime. Quand l'avocate refuse de comparaître sans la présence du bâtonnier, invoquant l'inviolabilité de son cabinet, elle expose la fragilité des garanties procédurales. Sa résistance légitime déclenche immédiatement l'escalade répressive : encerclement, menaces d'arrestation, pression psychologique.

Le message est clair pour l'ensemble du barreau gabonais : toute défense des "indésirables" sera neutralisée. Cette stratégie d'intimidation révèle un pouvoir qui gouverne par la peur plutôt que par le consensus démocratique promis lors de la "transition".

Deux poids, deux mesures

La justice gabonaise fonctionne désormais selon une logique binaire implacable. D'un côté, l'impunité protège tous ceux qui ont servi les Bongo père et fils et rallié opportunément le nouveau régime. Leurs patrimoines, constitués pendant des décennies de pillage, demeurent intouchables. Recyclés dans l'administration transitoire, ils prospèrent en toute quiétude.

De l'autre, une machine répressive broie méthodiquement quiconque résiste ou simplement manifeste des réticences. Sylvia et Noureddine Bongo en sont l'illustration parfaite. Accusés de détournements, ils auraient subi, selon leurs témoignages déposés auprès d'instances internationales, séquestrations, traitements inhumains et tortures pour obtenir des aveux.

Des magistrats sous influence

Les interventions directes du pouvoir dans les dossiers sensibles ne sont plus un secret. Des magistrats témoignent publiquement des pressions exercées, particulièrement sur les affaires impliquant l'ancienne famille présidentielle. Cette politisation assumée transforme les tribunaux en chambres d'enregistrement des volontés de l'exécutif.

L'absence de renouvellement des élites judiciaires perpétue cette soumission. Nombreux sont les magistrats de l'ère Bongo maintenus à leurs postes, garantissant la continuité d'un système où la justice reste aux ordres.

Illustration 2
-Maître Gisèle Eyue Bekalé © am-db
Un test pour la crédibilité internationale

L'affaire Gisèle Eyue Bekalé, impliquant une figure éminente du barreau gabonais, docteure en droit formée à l’Université de Cergy-Pontoise, diplômée du Centre de Formation à la Profession d’Avocat (CFPA) et inscrite au barreau de Paris, se dresse aujourd’hui comme un révélateur implacable, observé de près par la communauté internationale. À travers cette procédure, c’est une professionnelle irréprochable qui se retrouve menacée de peines d’emprisonnement, de sanctions financières écrasantes et d’une possible radiation. Mais au-delà de la persécution d’une femme engagée, c’est toute la promesse d’une transition démocratique – proclamée avec éclat – qui vacille.

Les observateurs internationaux, initialement bienveillants, expriment désormais leurs inquiétudes. Les promesses de démocratie pluraliste d'Oligui Nguema restent lettre morte tant que la justice demeurera structurellement aux ordres du pouvoir militaire.

L'instrumentalisation révélée

Plutôt qu'une justice équitable, le Gabon assiste à un règlement de comptes méthodique. Défenseurs des droits humains, avocats indépendants et journalistes critiques subissent intimidations et harcèlement tandis que les anciens responsables reconvertis prospèrent.

L'encerclement du cabinet Bekalé, ses nuits d'angoisse, les menaces sur sa carrière : autant de signaux envoyés à la société civile. Le pouvoir démontre sa capacité à broyer toute résistance légale ou contestation démocratique.

Questions sur les sorties du territoire

L'opacité entourant la récente sortie du Gabon d'Ali Bongo, de Sylvia et Noureddine Bongo soulève des interrogations. Pourquoi cette libération discrète ? Quelles pressions se sont exercées dans l'ombre ? Cette gestion surprenante révèle une fois de plus l'instrumentalisation politique de la justice, où l'opportunisme prime sur les procédures légales.

Car au-delà des considérations politiques, un principe demeure : quel que soit l'acte reproché, chacun a droit à un procès équitable. Les conditions de détention et les procédures doivent respecter les standards internationaux, indépendamment de l'antipathie que peut susciter la gestion passée du pays.

L'heure de vérité

Derrière les discours sur la restauration institutionnelle se cache une machine répressive inspirée des méthodes de l'ancien régime. L'affaire Bekalé le démontre : un État qui gouverne par la peur ne peut prétendre incarner les valeurs démocratiques.

Cette avocate porte symboliquement l'espoir d'un peuple gabonais en quête de justice véritable. Son combat dépasse la défense de ses clients : il s'agit de l'avenir de l'État de droit au Gabon.

Le pays se trouve à un carrefour décisif. L'issue de cette procédure déterminera la nature du régime et sa capacité à honorer ses promesses démocratiques. Entre autoritarisme déguisé et transition authentique, le choix se joue aujourd'hui dans les tribunaux gabonais.

Gabon : mobilisation du barreau de Paris

Illustration 3
Gabon : mobilisation du barreau de Paris en faveur de Me Gisele Eyué Bekale

Par Anne-Marie Dworaczek-Bendome | 14 juillet 2025

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