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Billet de blog 17 octobre 2024

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Gabon : 37e Journée Mondiale du Refus de la Misère

En ce 17 octobre 2024, 37ᵉ Journée Mondiale du Refus de la Misère, le Gabon offre l'image d'un paradoxe économique persistant.

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Malgré des ressources naturelles abondantes, un tiers de la population croupit toujours dans la pauvreté. Un an après le coup d'État, les promesses de changement se heurtent à la réalité d'un système profondément enraciné dans des décennies de mauvaise gestion et de corruption endémique.

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37ᵉ-Journée-Mondiale-du-Refus-de-la-Misère-au-Gabon. © Montage DBnews

La pauvreté endémique : l'échec d'un État riche

Le Gabon présente un contraste saisissant : doté de richesses naturelles considérables, le pays échoue à sortir une part significative de sa population de la précarité. Cette dichotomie entre abondance potentielle et indigence effective met en lumière l'inefficacité flagrante des politiques socio-économiques successives.

La transition politique d'août 2023 a engendré des mesures palliatives, telles que la gratuité de l'enseignement public et le retour des bourses scolaires. Cependant, ces initiatives s'avèrent largement insuffisantes face à l'ampleur du défi.

Le taux de chômage, obstinément ancré à plus de 40 % de la population active, témoigne de l'échec patent des politiques économiques. Cette situation alimente un cercle vicieux de paupérisation, creusant davantage le fossé social. L'économie, toujours dépendante des ressources naturelles, principalement le pétrole et le bois, peine à se diversifier, renforçant la vulnérabilité des couches les plus défavorisées.

L'élaboration de politiques publiques holistiques et pérennes s'impose comme une nécessité urgente. La diversification de l'économie, maintes fois annoncée, mais jamais concrétisée, apparaît comme un impératif pour réduire la dépendance aux matières premières et créer de nouvelles opportunités économiques.

La lutte contre la corruption et les détournements de fonds publics reste un défi majeur. Ces pratiques, profondément ancrées, privent le pays de ressources essentielles pour son développement et perpétuent les inégalités criantes.

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Gabon – 37ᵉ édition de la Journée Mondiale du Refus de la Misère – Pauvreté-les mesures prises par la transition. © Infographie DBnews

Insécurité alimentaire : le paradoxe du grenier vide

Le Gabon, malgré un potentiel agricole de 5,2 millions d'hectares de terres arables, se voit contraint d'importer plus de 80 % de son alimentation. Cette dépendance aux importations fragilise l'accès à une alimentation digne pour de nombreux Gabonais, particulièrement dans les zones rurales enclavées et les quartiers urbains défavorisés.

Le Programme National de Sécurité Alimentaire (PNSA) et la Politique Nationale de Sécurité Alimentaire et Nutritionnelle (PNSAN) peinent à produire des résultats tangibles. Leur mise en œuvre se heurte à des obstacles structurels persistants : manque criant d'infrastructures agricoles, difficulté d'accès au crédit pour les petits producteurs et exode rural massif.

La revitalisation du secteur agricole nécessite des investissements massifs dans les infrastructures rurales, un accès facilité aux intrants agricoles et la promotion de techniques agricoles adaptées au contexte local. La création de chaînes de valeur agricoles intégrées pourrait améliorer la sécurité alimentaire et générer des emplois ruraux cruciaux.

L'autonomisation des petits agriculteurs reste un vœu pieux face à une bureaucratie kafkaïenne et des intermédiaires voraces. L'encouragement de l'agriculture urbaine et périurbaine se heurte à l'urbanisation anarchique et à la spéculation foncière effrénée.

Éducation : l'ascenseur social en panne

Le système éducatif gabonais, marqué par son inefficacité chronique et son inadéquation flagrante aux besoins du marché de l'emploi, faillit à son rôle d'ascenseur social. Les rendements internes médiocres, caractérisés par des taux de redoublement alarmants et une déperdition scolaire massive, témoignent de l'ampleur de la crise éducative.

L'indice de capital humain (ICH) du Gabon, estimé à un pitoyable 0,45, reflète un gaspillage massif de potentiel humain. La pauvreté perpétue un cycle infernal où les enfants issus de familles défavorisées ont des chances minimes d'accéder à une éducation de qualité.

Les politiques éducatives inclusives et équitables restent lettre morte. L'amélioration de l'accès à l'éducation dans les zones rurales et défavorisées se heurte à l'inertie bureaucratique et au manque chronique de moyens. La formation continue des enseignants, l'adaptation des curricula aux réalités du marché du travail, et l'intégration des technologies éducatives demeurent des chantiers abandonnés.

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Gabon-37e-édition-de-la-Journée-Mondiale-du-Refus-de-la-Misère-Lutte-contre-la-pauvreté. © Infographie DBnews

Logement et emploi : la jungle urbaine gabonaise

Le déficit de logements, estimé entre 260 000 et 300 000 unités, illustre l'échec cuisant des politiques d'urbanisation. Dans les centres urbains, notamment à Libreville, le contraste obscène entre résidences luxueuses vacantes et bidonvilles surpeuplés saute aux yeux. En 2018, 37 % de la population urbaine vivait dans des bidonvilles, un chiffre probablement en hausse aujourd'hui.

L'emploi reste concentré dans les centres urbains, exacerbant l'exode rural et la surpopulation urbaine. Cette disparité géographique alimente un cercle vicieux de dévitalisation des campagnes. Le secteur informel, prédominant, laisse de nombreux Gabonais sans protection sociale, à la merci des aléas économiques et sanitaires.

Une approche holistique du développement urbain et rural s'impose d'urgence. Des programmes de logements sociaux à grande échelle et des politiques d'aménagement urbain inclusives sont nécessaires. Dans les zones rurales, la promotion de l'entrepreneuriat local et la création de pôles économiques régionaux pourraient favoriser une répartition plus équilibrée des opportunités.

Services de base : le mirage de la modernité

L'accès aux services de base — eau, électricité, mobilité — reste un défi majeur. Malgré un potentiel hydrique de 170 milliards de m3 par an, plus de 60 % des Gabonais en zone rurale n'ont accès qu'à des sources d'eau non protégées. Le Programme intégré d'alimentation en eau potable et d'assainissement (PIAEPAL) peine à produire des résultats concrets.

Les délestages électriques persistent à Libreville, tandis que l'écart d'accès à l'électricité entre zones urbaines et rurales se creuse. Les promesses de construction de barrages hydroélectriques restent des vœux pieux. La mobilité demeure entravée par le manque criant d'infrastructures adéquates. Dans les zones périurbaines, les déplacements relèvent du parcours du combattant, impactant négativement la productivité et la qualité de vie des habitants.

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Gabon-37e édition de la Journée Mondiale du Refus de la Misère-Lutte contre la pauvreté. © Infographie DBnews

Objectifs de Développement Durable : le Gabon à la traîne

La performance du Gabon en matière d'Objectifs de Développement Durable (ODD) reste catastrophique. Classé 100ᵉ sur 156 pays, le Gabon échoue à atteindre les cibles fixées pour 2030. Moins de 6 % des 32 cibles mesurables sont en voie d'être atteintes, révélant des lacunes béantes dans les domaines de la santé, de l'emploi décent et de l'éducation.

Les efforts pour améliorer le suivi et l'évaluation des progrès, comme l'augmentation de la performance en matière de renseignement des ODD de 28 % à 35 %, restent dérisoires face à l'ampleur des défis. Le programme pays pour le travail décent signé avec l'OIT pour la période 2024-2027 offre une lueur d'espoir, mais sa mise en œuvre effective reste à prouver.

Une approche intégrée et multisectorielle s'impose pour accélérer les progrès. Cela implique une coordination renforcée entre les ministères, une amélioration drastique de la collecte et de l'analyse des données, et une mobilisation massive des ressources nationales et internationales.

Un an après le changement de régime, le Gabon s'enlise toujours dans le cercle vicieux de la pauvreté. Pour qu'un véritable changement s'opère, une refonte complète du système s'impose, associée à une lutte implacable contre la corruption et une prise de conscience collective. Sans ces transformations radicales, le Gabon risque de rester englué dans sa misère, riche en ressources, mais pauvre en opportunités pour ses citoyens.

@DworaczekBendom

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