Nommé le 9 septembre 2023 suite au coup d'État qui a porté au pouvoir le Président Brice Clotaire Oligui Nguema, ce technocrate discret mais déterminé présente aujourd'hui un bilan qui dépasse les attentes initiales.
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Une mission stratégique
"Cet honneur, je l'ai toujours considéré comme une très grande marque de confiance dont j'apprécie la valeur, eu égard à l'importance stratégique du secteur des hydrocarbures pour notre pays et pour nos compatriotes," a déclaré Marcel Abeke lors de son discours de passation.
À son arrivée, la situation était préoccupante : production en chute libre (passée de 270 000 barils/jour en 2010 à moins de 180 000 en 2023), absence d'investissements significatifs depuis près d'une décennie, relations dégradées avec les opérateurs internationaux, et une administration sectorielle sclérosée. Le Président Oligui Nguema lui avait assigné quatre objectifs majeurs : améliorer la production nationale pour accroître les recettes pétrolières, renforcer l'attractivité du bassin sédimentaire gabonais, valoriser les ressources gazières, et renforcer l'appropriation nationale de l'industrie pétrolière. "Dix-neuf mois plus tard, nombre de ces objectifs ont été atteints ou sont en passe de l'être," affirme aujourd'hui l'ancien ministre avec satisfaction.
Réorganisation profonde
Dès sa prise de fonction, Marcel Abeke a lancé une transformation structurelle ambitieuse du ministère. L'éclatement de la Direction Générale des Hydrocarbures en trois directions spécialisées - Amont, Aval et Affaires économiques - a marqué un tournant décisif dans l'organisation administrative du secteur. "Il fallait redynamiser ce secteur stratégique en recréant un climat de confiance avec les opérateurs présents sur le territoire," a-t-il souligné, rappelant l'état de méfiance qui prévalait entre l'administration et les compagnies pétrolières au début de son mandat.
Parallèlement, la création d'une Direction Générale entièrement dédiée au contenu local a constitué une innovation majeure destinée à intégrer davantage les entreprises gabonaises dans la chaîne de valeur pétrolière. Cette direction, dotée de prérogatives renforcées, a travaillé en étroite collaboration avec les opérateurs étrangers pour identifier les opportunités d'implication des entreprises locales. La mise en place de la Convention des Entreprises Pétrolières Autochtones du Gabon (CEPAG) a rassemblé pour la première fois sous une même bannière les PME gabonaises du secteur. "Ce sont des avancées essentielles dont il faut consolider les fondements," a insisté Marcel Abeke.
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Sept contrats signés
L'une des réussites les plus remarquables du mandat d'Abeke reste la signature de sept nouveaux contrats pétroliers en moins d'un an - un véritable exploit après une décennie sans accord majeur. "Depuis l'adoption du Code des hydrocarbures en vigueur, aucun contrat significatif n'avait été signé," a rappelé le ministre sortant. Ces accords comprennent six Contrats d'Exploitation et de Partage de Production (CEPP) et un contrat d'évaluation technique, négociés dans des conditions avantageuses pour l'État gabonais tout en restant attractifs pour les partenaires internationaux.
Les partenariats conclus avec des acteurs de premier plan comme BW Energy (développement du champ Hibiscus/Ruche), Panoro Energy (extension du bloc Dussafu) et Vaalco (reprise de puits matures) ont marqué un tournant dans l'attractivité du bassin sédimentaire gabonais. Ces contrats s'accompagnent d'engagements d'investissements dépassant plusieurs centaines de millions de dollars sur les cinq prochaines années. De même, le rachat stratégique des actifs d'Assala et de Tullow Gabon par la Gabon Oil Company (GOC) a considérablement renforcé la souveraineté énergétique nationale, permettant à l'entreprise pétrolière nationale d'accroître ses réserves prouvées et sa production journalière.
Leadership international retrouvé
Le mandat de Marcel Abeke a également été marqué par un repositionnement stratégique du Gabon sur l'échiquier énergétique mondial. Sous sa direction, le pays a assumé la présidence de l'Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole (OPEP) pendant près de 12 mois consécutifs, de novembre 2023 à décembre 2024. Dans ce rôle prestigieux, Marcel Abeke a su faire entendre la voix du Gabon et des producteurs africains dans les discussions relatives aux quotas de production et aux orientations stratégiques de l'organisation. Sa présidence a été marquée par une approche équilibrée, cherchant à concilier les intérêts parfois divergents des grands et petits producteurs.
En parallèle, l'année 2024 a vu le Gabon accueillir avec succès le Congrès africain du pétrole et de l'énergie (CABEF), rassemblant à Libreville les plus hauts dirigeants du secteur énergétique continental et international. "Notre diplomatie dynamique a rassuré les investisseurs sur le potentiel et l'attractivité de notre bassin sédimentaire," s'est félicité l'ancien ministre.
Valorisation du gaz et modernisation du secteur aval
La valorisation des ressources gazières a représenté un volet essentiel de l'action ministérielle. Rompant avec la tradition du torchage systématique, Marcel Abeke a initié une politique ambitieuse de captation et de valorisation du gaz naturel. Des projets majeurs ont été lancés : l'Usine de GPL de Batanga, le Projet IPP Mayumba, l'Usine de LNG du Cap Lopez, ainsi qu'une mini-usine de GNL, une centrale de liquéfaction de gaz naturel pour le marché domestique et la conversion progressive des centrales thermiques à l'alimentation en gaz.
Lors d'une réunion stratégique en avril 2025 avec la Gabon Oil Company, il a particulièrement insisté sur la réduction du torchage, désormais abaissé à 1,2 milliard de m³/an contre près de 2 milliards auparavant. "Il ne s'agit pas simplement d'une question environnementale, mais bien de transformer une ressource jusqu'alors gaspillée en solution énergétique et industrielle profitable," a-t-il affirmé.
Dans le secteur aval, le travail mené en collaboration avec d'autres administrations et opérateurs a permis la baisse des prix de produits essentiels comme l'essence, le gazole et le gaz butane. Le ministère s'est également engagé dans la restructuration d'entreprises stratégiques telles que la SOGARA (raffinerie), PIZOLUB et la SGEPP, avec divers projets en cours : extension de la raffinerie, construction de nouveaux centres emplisseurs de gaz, et mise en service du Nouvel Entrepôt Pétrolier d'Owendo. Marcel Abeke a aussi souligné la redynamisation de la Direction Générale des Études et Laboratoires (DGEL), qui disposera prochainement d'un nouveau bâtiment et d'un laboratoire équipé de technologies modernes.
Des revenus pétroliers au service du développement
Particulièrement soucieux de traduire les bénéfices pétroliers en améliorations concrètes pour les populations, Marcel Abeke a réorienté stratégiquement les mécanismes financiers existants tels que la Provision pour Investissements Diversifiés (PID) et la Provision pour Investissement dans les Hydrocarbures (PIH). Sous son impulsion, ces fonds ont financé des projets structurants dans plusieurs secteurs clés : réhabilitation d'universités (notamment à Libreville et Franceville), équipement de centres hospitaliers dans les neuf provinces (ambulances, groupes électrogènes, kits d'hémodialyse), profilage et réhabilitation de routes départementales, soutien au championnat national de football et organisation des jeux scolaires. "Si la réalisation de certains de ces projets est achevée, d'autres sont encore en cours d'exécution et il est nécessaire qu'un engagement particulier soit pris en faveur de leur aboutissement," a précisé l'ancien ministre, insistant sur l'importance de la continuité de l'action publique.
Le rapatriement historique des fonds environnementaux
L'un des derniers dossiers emblématiques traités par Marcel Abeke concerne le rapatriement de plusieurs centaines de millions de dollars destinés à la remise en état des sites pétroliers exploités. Ce contentieux complexe, vieux d'une décennie, a fait l'objet d'une conférence de presse historique à l'immeuble Arambo à Libreville en avril 2025. "Il s'agit d'un tournant décisif dans notre histoire environnementale et industrielle," a déclaré le ministre, soulignant l'implication constructive des sociétés Assala Energy et Vaalco, ainsi que le rôle déterminant de la Banque des États de l'Afrique centrale (BEAC). Les fonds ainsi récupérés, estimés à près de 600 millions de dollars, financeront le plus vaste programme de réhabilitation environnementale jamais entrepris dans le pays.
Une gestion financière transparente
Au moment de passer le relais, Marcel Abeke a mis en avant la solidité des finances du ministère sous sa direction. Les recettes pétrolières ont dépassé de 22 % les objectifs initialement fixés dans la loi de finances, contribution significative à l'équilibre budgétaire national dans un contexte économique mondial pourtant instable. Fait remarquable, durant ces dix-neuf mois de gestion intensive d'un secteur représentant plus de 60 % des recettes de l'État, aucune affaire de corruption ou de détournement n'a entaché la réputation du ministère, tranchant avec certaines pratiques observées par le passé.
Des défis qui persistent pour le successeur
Malgré ces succès indéniables, Marcel Abeke n'a pas caché les défis qui attendent son successeur. "Vous héritez d'un secteur en plein dynamisme et, surtout, apaisé. Mais vous héritez également d'une Administration avec des attentes nombreuses," a-t-il déclaré. Parmi ces défis figurent la régularisation des situations administratives des agents du ministère, la gestion de leurs carrières et l'amélioration de leurs conditions de travail. Le ministre sortant s'est félicité des avancées obtenues dans ces domaines, notamment l'obtention de 409 réservations budgétaires auprès du Ministère de la Fonction Publique et l'organisation prochaine de concours professionnels.
Il a également détaillé les chantiers urgents concernant l'amélioration des infrastructures du ministère : réhabilitation du réseau hydraulique, réfection des sanitaires, aménagement de nouveaux espaces de travail, audit électrique du complexe, acquisition d'un groupe électrogène, travaux d'étanchéité, et modernisation du système informatique. D'autres défis structurels persistent, notamment la baisse tendancielle de la production nationale et l'urgence d'accélérer la diversification économique. La transformation des succès institutionnels en bénéfices tangibles pour l'économie réelle et le bien-être quotidien des citoyens constitue également un enjeu majeur pour les années à venir.
Un héritage durable
En conclusion de son discours, Marcel Abeke a rendu hommage à ses collaborateurs pour leur esprit d'équipe, leur solidarité et leur professionnalisme. "Sans vous, je n'aurais sans doute pas pu comprendre ce secteur sensible, complexe et particulièrement exigeant," a-t-il reconnu. S'adressant à son successeur, il a exprimé sa confiance : "En vous confiant un secteur aussi sensible et aussi stratégique, Monsieur le Président de la République a témoigné de la confiance qu'il place en vous. Nul doute que vous ne ménagerez aucun effort pour mériter cette confiance."
Après 19 mois d'une gouvernance transformative, Marcel Abeke laisse un secteur pétrolier profondément restructuré, plus attractif et mieux intégré à l'économie nationale, posant ainsi les fondations d'une nouvelle ère pour les hydrocarbures gabonais.
Par Anne-Marie DWORACZEK-BENDOME | Journaliste | 19 mai 2025