Agrandissement : Illustration 1
Une transition politique en demi-teinte
La transition politique initiée après le coup d’État d’août 2023 devait incarner un renouveau démocratique pour le Gabon. Cependant, près de deux ans plus tard, le bilan du Comité de transition et de restauration des institutions (CTRI) suscite des critiques acerbes. Jean-Rémy Yama, président du Parti national pour le travail et le progrès (PNTP), ne mâche pas ses mots : « Les promesses n’ont pas été tenues. » En effet, la séparation des pouvoirs, pilier essentiel d’une démocratie fonctionnelle, reste lettre morte. La Cour constitutionnelle, censée être indépendante, est perçue comme un instrument aux mains du pouvoir exécutif. Pire encore, les réformes institutionnelles promises se sont transformées en un « bricolage » politique, selon les termes de Yama. Cette transition, loin d’être un tremplin vers la démocratie, ressemble davantage à un simulacre de changement, où les anciennes pratiques clientélistes et autoritaires persistent insidieusement.
Par ailleurs, la libération des prisonniers politiques, bien que saluée, n’a pas suffi à restaurer la confiance des citoyens. Des cas comme celui de Kelly Ondo, toujours incarcéré, rappellent que la justice gabonaise reste sélective et politisée. Ainsi, malgré des avancées symboliques, la transition peine à incarner une véritable rupture avec le passé.
Les élections de 2025 : Un test décisif pour la démocratie gabonaise
Les élections présidentielles prévues pour avril 2025 représentent un moment important pour le Gabon. Toutefois, les conditions dans lesquelles elles se dérouleront suscitent de vives inquiétudes. Jean-Rémy Yama souligne avec acuité les risques de manipulation et de fraude électorale. « Si nous n’avons pas de représentants dans chaque bureau de vote, la probabilité de bourrage des urnes est presque certaine », affirme-t-il. Cette crainte n’est pas infondée, car les élections précédentes ont été marquées par des irrégularités flagrantes, notamment des taux de participation invraisemblables dans certaines régions.
Néanmoins, Yama refuse de sombrer dans le défaitisme. Il insiste sur la nécessité de mobiliser les citoyens pour surveiller le processus électoral. « Le 12 avril, nous devons faire en sorte que les résultats sortis des urnes soient ceux proclamés », déclare-t-il avec détermination. Pour cela, il préconise une présence massive d’observateurs indépendants et l’utilisation de technologies modernes pour documenter les résultats. Cependant, cette stratégie repose sur une mobilisation citoyenne sans précédent, ce qui reste un défi dans un contexte marqué par la méfiance et la désillusion.
Le rôle clé de l’éducation et de la citoyenneté
Dans un pays où l’éducation a longtemps été négligée, Jean-Rémy Yama rappelle avec insistance son importance pour la construction d’une démocratie solide. « L’éducation est la locomotive du développement », affirme-t-il. Pourtant, le système éducatif gabonais, miné par des années de sous-investissement et de gestion calamiteuse, peine à former des citoyens éclairés. Les programmes scolaires, souvent obsolètes, ne répondent plus aux besoins d’une société en mutation.
Yama déplore cette situation, qu’il qualifie de « volonté politique d’abrutir les gens ». Selon lui, un système éducatif performant est essentiel pour former des citoyens capables de comprendre leurs droits et de participer activement à la vie politique. Il propose des réformes ambitieuses, notamment la réduction du nombre d’élèves par classe, la mise en place de cantines scolaires et l’extension des horaires de cours. Ces mesures, bien que coûteuses, sont selon lui indispensables pour redonner à l’éducation sa place centrale dans la société gabonaise.
Les défis de la réconciliation nationale
Au-delà des élections, le Gabon doit faire face à un défi majeur : la réconciliation nationale. Les années de régime autoritaire ont laissé des cicatrices profondes, tant sur le plan social que politique. Jean-Rémy Yama plaide pour la création d’une commission Vérité et Réconciliation, inspirée de modèles internationaux. « Chacun doit dire ce qu’il a fait. Nous devons nous parler, nous dire des vérités », insiste-t-il.
Cependant, une telle commission ne pourra fonctionner que si elle est perçue comme impartiale et indépendante. Or, dans un contexte où les anciennes élites conservent une influence considérable, cette impartialité semble difficile à garantir. Yama reconnaît lui-même que les « bourreaux » ne peuvent pas être les artisans de la réconciliation. Il appelle donc à une implication forte de la société civile et des leaders intègres pour mener ce processus délicat.
Un avenir incertain, mais porteur d’espoir
Malgré les obstacles, Jean-Rémy Yama reste optimiste quant à l’avenir du Gabon. « Le 12 avril, nous basculerons soit dans la lumière, soit dans l’obscurité », déclare-t-il avec une pointe de dramatisation. Pour lui, l’espoir réside dans la capacité des Gabonais à se mobiliser pour défendre leurs droits et exiger une gouvernance transparente.
Il appelle à un sursaut collectif, où chaque citoyen voterait non pas selon des considérations ethniques ou financières, mais selon sa conscience. « Le Gabon sera ce que nous voudrons qu’il soit », affirme-t-il avec conviction. Cependant, cet optimisme reste mesuré, car il reconnaît que le chemin vers la démocratie est semé d’embûches. Les élections de 2025 seront un test décisif, mais elles ne suffiront pas à elles seules à garantir un meilleur avenir.
En définitive, le Gabon se trouve à un carrefour crucial de son histoire. Les choix qui seront faits dans les mois à venir détermineront non seulement l’issue de la transition, mais aussi le destin d’une nation en quête de stabilité et de prospérité.
Élections 2025 : Une étape
Entre espoirs et désillusions, le Gabon s’apprête à vivre un moment décisif de son histoire. Les élections de 2025, bien que cruciales, ne seront qu’une étape dans un long processus de reconstruction démocratique.
Par Anne-Marie DWORACZEK-BENDOME | Journaliste indépendante | 21/02/2025