
Un baptême médiatique
Le 8 mai 2025, lors du premier Conseil des ministres instaurant la 5ᵉ République, un nom s'est imposé comme une évidence inattendue dans la reconfiguration du pouvoir gabonais : Patricia Lydie Mouelé, désignée responsable de la communication présidentielle. La séquence fut courte mais symboliquement dense. Dans l'enceinte du Palais présidentiel, le réaménagement orchestré par Brice Clotaire Oligui Nguema venait de toucher l'un des piliers essentiels de toute gouvernance contemporaine : la fabrique du narratif. Et de narratif, justement, Patricia Lydie Mouelé a fait sa spécialité. Ex-figure emblématique du journal télévisé de Gabon 1ère, visage connu des soirées gabonaises, elle effectue un transfert radical des plateaux aux coulisses du pouvoir.
La décision est significative. Elle concrétise cette ambition du régime d'offrir une identité renouvelée, plus féminine, plus compétente, plus convaincante - à un service devenu muet, voire maladroit, depuis trop longtemps. Télesphore Obame Ngomo, qu'elle remplace, quitte la scène après 19 mois d'une direction qualifiée d'insipide, culminant avec une cérémonie d'investiture présidentielle manifestement improvisée. C'est dans cette atmosphère presque léthargique que Mouelé fait son entrée. D'un coup, elle devient la voix officielle, ou du moins, l'expression du régime. Comme le rappelait Orwell : "Le langage politique est conçu pour faire apparaître les mensonges comme des vérités", illustrant parfaitement l'ambivalence de sa nouvelle fonction.
Un excellent parcours
La trajectoire académique et professionnelle de Patricia Lydie Mouelé force l'admiration. Titulaire d'un diplôme en Sciences de l'Information et de la Communication de l'Université Omar Bongo, perfectionnée en France aux techniques de communication politique et de gestion de crise, son ascension résulte d'un parcours méthodique. Longtemps dans les coulisses institutionnelles et familière des écrans gabonais, elle a construit sa carrière avec une précision d'orfèvre.
Sa désignation, cependant, dépasse la simple reconnaissance méritocratique ; elle s'intègre dans une refonte plus vaste de l'entourage présidentiel. Oligui Nguema semble déterminé à façonner une équipe communicante reflétant un Gabon qu'il veut réinventer : plus structuré, plus institutionnel, plus égalitaire. À ce titre, Mouelé devient davantage qu'une simple porte-parole : elle incarne une vision. Elle hérite de l'immense défi d'effacer les approximations précédentes, de restituer à la communication présidentielle une dimension professionnelle et rigoureuse.
Néanmoins, le défi est colossal. Le département communication, en pleine mutation, doit reconquérir la confiance d'une presse nationale marginalisée et d'un public sceptique. L'ère où les directeurs de communication se comportaient en censeurs, dispensant silences et réprimandes aux journalistes, doit s'achever. L'intimidation et le dédain ont fait leur temps. Pour que cette Direction de la communication présidentielle Gabon 2025 accomplisse sa transformation, il faudra construire différemment : sur une transparence mesurée, un professionnalisme authentique et une humilité tactique.

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Une pionnière
Dans une nation encore caractérisée par une gouvernance majoritairement masculine, l'arrivée de Patricia Lydie Mouelé comme directrice de la communication présidentielle constitue un signal profondément symbolique. "Leadership féminin Gabon, gouvernance au féminin", autant de formules qui se heurtent encore aux barrières invisibles des institutions. Pourtant, voici une femme désormais positionnée comme l'intermédiaire directe entre le président et la population. Ce n'est pas une simple promotion ; c'est une rupture discrète avec l'héritage patriarcal de l'appareil étatique.
Par cette nomination, le pouvoir tente simultanément d'attirer une société aspirant au changement, tout en consolidant son propre discours de modernisation. Entre remaniement et restructuration, la manœuvre politique se veut stratégique. Mais un symbole ne suffira pas à convaincre. Observée par une presse qu'elle connaît parfaitement et évaluée par un régime exigeant une fidélité sans faille et des résultats immédiats, Patricia Lydie Mouelé évolue dorénavant sur une ligne périlleuse. Sa nomination, bien qu'accueillie favorablement par certains médias nationaux, n'échappe pas à une analyse critique : celle d'un choix davantage politique que technique, un compromis entre représentation et contrôle. Car sa mission n'est pas simplement de communiquer, mais de maîtriser le récit, d'anticiper les turbulences, de s'assurer que chaque déclaration du président Brice Clotaire Oligui Nguema soit perçue comme une vérité incontestable, sinon comme une réalité objective.
Dans cette configuration, son passé journalistique peut devenir un atout ambivalent. Elle comprend les mécanismes médiatiques, ce qui lui confère un avantage certain. Mais elle connaît également, peut-être trop bien, les attentes du pouvoir envers un service de communication présidentielle : non pas informer, mais persuader. Narrer, embellir, orienter. La communication institutionnelle au Gabon n'a jamais été un espace de transparence ; elle représente une scène aux mécanismes opaques, où la rhétorique prime souvent sur les faits, et où l'omission devient parfois l'expression suprême du message.
Ainsi, son rôle consistera non seulement à réorganiser les équipes, mais à rétablir une cohésion stratégique là où régnaient improvisation et passivité. La transition du service communication présidentielle, récemment effectuée, devra être suivie d'une direction assertive. La crédibilité du régime dans sa phase post-transitionnelle en dépend. Surtout, il s'agira de transformer la direction de la communication présidentielle gabonaise d'un simple organe accessoire du pouvoir exécutif en une entité autonome, organisée, dotée d'une vision claire et capable d'exister indépendamment des directives présidentielles.
Pour réussir, Patricia Lydie Mouelé devra naviguer avec finesse : répondre aux impératifs de visibilité sans sombrer dans l'artifice, construire un discours public sans glisser vers la propagande. Comme l'écrivait Hannah Arendt : "Le mensonge politique n'est pas accidentel ; c'est une nécessité dans l'exercice du pouvoir". Cette observation lucide, bien que sévère, révèle toute la gravité de la mission qu'elle s'apprête à assumer.
Par [Anne-Marie DWORACZEK-BENDOME] | Journaliste | 21 mai 2025