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Billet de blog 21 octobre 2024

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Transition au Gabon : Affaire NGNAMANKALA-Okoumba

La récente plainte opposant Bernard NGNAMANKALA à Wilfried Okoumba a jeté une lumière crue sur les tensions et ambiguïtés qui agitent le paysage politique gabonais.

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Cette affaire, loin d'être anodine, révèle les dessous d'un pouvoir en transition, où les jeux d'influence et les faux-semblants dominent un peu plus d'un an après le coup d'État du 30 août 2023, qui a mis fin au règne de la famille Bongo.

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BERNARD NGNAMANKALA, Directeur de la direction générale de la documentation et de l’immigration du Gabon(DGDI).

Un paysage politique tumultueux : entre accolades publiques et plaintes secrètes

Le 1ᵉʳ juin 2024, à Croissy-Beaubourg en banlieue parisienne, une scène surprenante se déroule devant les yeux de la diaspora gabonaise. Wilfried Okoumba, figure dissidente notoire et critique acerbe du régime, échange des accolades avec le président de la Transition, Brice Clotaire Oligui Nguema. Cette image de cordialité, largement relayée dans les médias, semblait symboliser une réconciliation nationale tant attendue.

Cependant, cette façade d'unité cachait une réalité bien plus complexe. En coulisses, les manœuvres politiques battaient leur plein. Bernard NGNAMANKALA, Directeur général de la puissante DGDI (Direction générale de la documentation et de l'immigration), avait déjà déposé plainte contre Okoumba entre avril et mai 2024, soit plusieurs semaines avant cette rencontre publique.

Un observateur politique gabonais, sous couvert d'anonymat, confie : "Cette dualité entre l'image publique et les actions en coulisses est symptomatique de la politique gabonaise actuelle. On ne sait plus qui joue quel rôle, ni quels sont les véritables enjeux de pouvoir."

La dualité du nouveau régime soulève des questions cruciales :

Quelle est la véritable nature du pouvoir en place au Gabon ? S'agit-il d'une réelle transition démocratique ou d'une simple reconfiguration des élites ? - Assistons-nous à une mascarade politique orchestrée, où les apparences de changement masquent une continuité des pratiques de l'ancien régime ?

Wilfried Okoumba : le porte-voix incisif de la dissidence gabonaise

Connu sous le pseudonyme évocateur de Kamitatou Lénine d'Andjogo, Wilfried Okoumba s'est imposé comme une figure incontournable de l'opposition depuis la chute de l'ancien régime. Son franc-parler et ses critiques acerbes envers le gouvernement militaire en font le porte-parole d'une dissidence de plus en plus audible et structurée.

Dans l'un de ses discours virulents, Okoumba n'a pas hésité à déclarer : "Ce régime de transition n'est qu'une façade. Ils se présentent comme les sauveurs de la nation, mais ne sont en réalité que les héritiers d'un système corrompu qu'ils prétendent combattre."

Un discours qui résonne profondément dans la société gabonaise :

Okoumba qualifie régulièrement les représentants du régime de "vendeurs d'illusions", une expression qui fait mouche auprès d'une population lassée des promesses non tenues. Ses déclarations, souvent relayées sur les réseaux sociaux, deviennent un véritable cri de ralliement pour une communauté en quête d'authenticité, de transparence et de véritable changement politique.

La plainte de NGNAMANKALA : stratégie d'intimidation ou réelle procédure judiciaire ?

La démarche de Bernard NGNAMANKALA, qui s'est rendu en France pour déposer plainte contre Okoumba, soulève de nombreuses interrogations. Cette action juridique intervient dans un contexte où le général-président Oligui tente de ménager les différentes factions politiques, tout en maintenant son autorité sur un pays en pleine mutation.

Un avocat spécialisé en droit international commente : "Le choix de déposer plainte en France n'est pas anodin. Il pourrait s'agir d'une tentative d'utiliser le système judiciaire français pour exercer une pression sur un opposant, tout en donnant une apparence de légalité à la démarche."

Un jeu d'équilibriste politique révélateur :

Lors de leur rencontre en France avec les gabonais résidents en France, Oligui Nguema avait remis personnellement la somme 5 000 euros à Okoumba, un geste qui peut être interprété de multiples façons. Le président avait demandé expressément à Okoumba de rentrer au Gabon, malgré la plainte en cours, illustrant ainsi, encore une fois, la complexité des relations entre le pouvoir et ses opposants.

Un diplomate européen en poste à Libreville observe : "Ces actions contradictoires du président Oligui Nguema montrent à quel point la situation politique au Gabon reste instable et imprévisible. Il tente de jouer sur tous les tableaux, mais cette stratégie pourrait s'avérer risquée à long terme."

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France, samedi 1ᵉʳ juin 2024, à Croissy-Beaubourg, Brice Clotaire Oligui Nguema et Wilfried Okoumba, alias Kamitatou Lénine D’Andjogo.

Le double discours des nouvelles autorités gabonaises

Le régime de transition semble jouer un double jeu, illustrant la perversion d'un discours en apparence inclusif, mais dont les actions contredisent souvent les paroles :

D'un côté, il encourage le retour des Gabonais au pays avec des promesses d'avenir radieux et de réconciliation nationale. Le général Oligui Nguema a déclaré lors d'un discours officiel : "Notre Gabon a besoin de tous ses enfants pour se reconstruire. Rentrez au pays, participez à l'édification d'un Gabon nouveau et prospère."

De l'autre, il s'en prend à ceux qui osent s'exprimer contre le pouvoir en place, utilisant des méthodes qui rappellent étrangement celles de l'ancien régime. Un journaliste gabonais, préférant garder l'anonymat, témoigne : "Plusieurs de mes confrères ont reçu des avertissements après avoir publié des articles critiques envers le gouvernement. La liberté de la presse, tant promise, semble avoir des limites très étroites."

Cette dichotomie révèle la complexité de la situation politique actuelle au Gabon, où "faire semblant" semble être devenu le mot d'ordre dans un contexte où les mots ont perdu de leur valeur.

Un analyste politique de l'Université Omar Bongo de Libreville explique : "Ce double discours est une stratégie classique des régimes en transition. Il s'agit de donner l'illusion du changement tout en préservant les structures de pouvoir existantes. Le défi pour la société civile est de ne pas se laisser berner par ces apparences trompeuses."

Un avenir politique incertain pour le Gabon

Alors que l'affaire NGNAMANKALA-Okoumba se développe, le Gabon se trouve à un carrefour décisif. Les actions du gouvernement, en apparence rassurantes, semblent dissimuler des vérités plus complexes et potentiellement inquiétantes pour l'avenir démocratique du pays.

Un membre de l'opposition, sous couvert d'anonymat, confie : "Nous sommes dans une période charnière. Soit, nous parvenons à instaurer un véritable changement, soit nous risquons de retomber dans les travers du passé, avec simplement de nouveaux visages au pouvoir."

Les enjeux majeurs pour l'avenir politique du pays :

La crainte d'une répression similaire à celle vécue sous Ali Bongo persiste notamment après l'expérience traumatisante de Landry Washington. Un militant des droits de l'homme rappelle : "Le cas de Landry Washington, arrêté dès son retour au pays sous l'ancien régime, reste dans toutes les mémoires. Beaucoup craignent que l'histoire ne se répète."

L'engagement d'Okoumba pourrait catalyser un mouvement d'opposition plus large et structuré. Un politologue gabonais analyse : "Okoumba a le potentiel pour fédérer les différentes voix de l'opposition. Sa capacité a mobilisé, notamment via les réseaux sociaux, en fait un acteur incontournable de la scène politique gabonaise."

La vigilance reste de mise face aux potentielles dérives du pouvoir en place, malgré les promesses de changement. Une figure de la société civile avertit : "Nous devons rester extrêmement vigilants. Les habitudes de l'ancien régime sont profondément ancrées dans les structures de l'État. Le changement ne se fera pas du jour au lendemain."

Illustration 3
Brice Clotaire Oligui Nguema, Président par intérim du Gabon depuis le 04 septembre 2023

Un équilibre fragile entre renouveau et continuité

L'affaire NGNAMANKALA-Okoumba met en lumière les défis colossaux auxquels le Gabon est confronté dans sa transition politique. Entre faux-semblants et luttes de pouvoir, l'avenir du pays demeure incertain, suspendu à un fragile équilibre entre les aspirations au renouveau et les forces de continuité.

Un historien gabonais conclut : "Notre pays est à la croisée des chemins. L'issue de cette transition dépendra de notre capacité collective à tirer les leçons du passé et à construire des institutions véritablement démocratiques et transparentes."

La lutte pour la vérité et l'authenticité se poursuit, et l'engagement d'acteurs comme Wilfried Okoumba pourrait jouer un rôle crucial dans la formation d'un Gabon plus transparent et démocratique. Cependant, il est essentiel de rester vigilant face aux perversions potentielles du pouvoir en place, qui semble parfois reproduire les schémas du régime précédent.

Alors que le pays tente de se reconstruire après le coup d'État, cette affaire souligne la nécessité d'une véritable refondation politique, basée sur la transparence, l'intégrité et le respect des aspirations démocratiques du peuple gabonais. L'avenir dira si cette transition marquera un véritable tournant dans l'histoire du Gabon ou si elle ne restera qu'un changement de façade dans la continuité d'un système politique profondément enraciné.

@DworaczekBendom

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