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Comilog Moanda : rien ne va plus ! La crise qui ébranle la Compagnie minière de l'Ogooué (Comilog) à Moanda n'est pas qu'un simple conflit social ; c'est le symptôme criant d'une exploitation néocoloniale qui gangrène le Gabon sous le vernis trompeur du développement économique. L'intervention récente de Christel Bories, PDG d'Eramet, en soutien à Léod Paul Batolo, directeur général contesté de Comilog, révèle au grand jour l'arrogance d'une multinationale qui se croit au-dessus des lois et de la souveraineté d'un État africain. Cette ingérence flagrante dans les affaires internes du Gabon est une gifle à la dignité nationale et un rappel brutal de la persistance des schémas coloniaux dans l'économie moderne.
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Le groupe et Eramet et la toute-puissante Mme Christel Bories
Le 4 septembre 2024, Christel Bories a adressé une réponse aux syndicats de Comilog qui restera dans les annales du paternalisme d'entreprise. Cette missive, suintant la condescendance, est un monument d'hypocrisie et de mépris envers les travailleurs gabonais. S'appuyant sur des chiffres de production en hausse et des investissements qui apparaissent dérisoires au regard des bénéfices engrangés, elle a balayé d'un revers de main les revendications légitimes des employés. Son refrain "je ne peux partager votre analyse" résonne comme un "NIET" stalinien, digne des plus sombres heures du capitalisme sauvage. On croirait entendre les échos des patrons de mines décrits par Émile Zola dans "Germinal", sourds à la misère qu'ils engendrent, aveuglés par leur cupidité.
L'arrogance d'Eramet atteint des sommets vertigineux lorsqu'on examine les chiffres de près. L'augmentation de la production de manganèse - passée de 4,1 millions de tonnes en 2018 à 7,4 millions en 2023 - représente un bond de près de 80 %. Avec un prix de la tonne oscillant entre 4,5 $ et 5,76 $ sur cette période, cette hausse de production se traduit par une explosion des revenus pour Eramet. Un simple calcul montre que les bénéfices ont dû augmenter de plus de 100 %.
Face à cette manne financière colossale, les miettes distribuées aux travailleurs gabonais et à la communauté locale sous forme d'augmentations de salaire et de projets RSE apparaissent pour ce qu'elles sont : une insulte à peine voilée, un os jeté à un chien affamé pour le faire taire.
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Gestion de Comilog par la maison mère Eramet
Mis à part le rôle dérisoire auquel sont réduits les représentants locaux du groupe Eramet au Gabon. La gestion directe de Comilog par Eramet depuis Paris, s'apparente à une véritable entreprise de destruction sociale et économique, digne des pires prédations coloniales. Les six milliards de FCFA annuels alloués à la RSE, dont Mme Bories se gargarise, sont une farce grotesque au regard des profits générés. Qu'est-ce que 6 milliards de FCFA face aux milliards d'euros de bénéfices ? Une goutte d'eau dans l'océan de la cupidité. Moanda, malgré des décennies d'exploitation minière intensive, reste une bourgade sous-développée, privée des infrastructures les plus basiques. Pendant ce temps, les richesses extraites de son sol servent à embellir la vie des actionnaires du CAC 400, dans une caricature parfaite du pillage néocolonial. La question se pose : où sont passés les 30 milliards de FCFA censés avoir été investis en RSE sur les cinq dernières années ? La ville de Moanda n'en porte certainement pas les traces.
Sur le plan économique, l'obsession d'Eramet pour le profit immédiat a conduit à un désastre infrastructurel. En doublant sa production sur une voie ferrée non dimensionnée pour de telles charges, Eramet a littéralement sacrifié un bien public gabonais sur l'autel de sa cupidité. Cette destruction programmée de l'infrastructure ferroviaire nationale est un acte de vandalisme économique qui aurait dû entraîner des poursuites judiciaires dans tout pays respectueux de sa souveraineté.
Pire encore, en prenant le contrôle du chemin de fer à travers des contrats mal ficelés, Eramet a réussi le tour de force de mettre la main sur deux secteurs stratégiques du pays — l'exploitation minière et le transport ferroviaire. Une telle mainmise serait impensable en France, où les lois protègent farouchement les intérêts nationaux. Cette double emprise est un affront à la souveraineté gabonaise et révèle la persistance d'une mentalité coloniale chez les dirigeants d'Eramet.
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Comilog : l’Apartheid économique qui ne dit pas son nom !
Le traitement discriminatoire des travailleurs gabonais est peut-être l'aspect le plus révoltant de cette situation. Alors que les expatriés occidentaux de Comilog jouissent de salaires et d'avantages qu'ils n'oseraient même pas rêver d'obtenir dans leur pays d'origine, les ingénieurs et ouvriers gabonais sont systématiquement sous-payés et méprisés. Cette pratique s'apparente à un véritable apartheid économique, en totale contradiction avec les valeurs d'égalité et de fraternité si chères à la rhétorique française. Comment Mme Bories peut-elle affirmer sans rougir que Comilog offre les meilleurs salaires du Gabon, quand un ingénieur gabonais gagne moins qu'un simple technicien venu d’ailleurs ? Cette disparité criante est une insulte à la compétence et à la dignité des travailleurs gabonais.
La structure même de Comilog révèle son caractère profondément néocolonial. Les véritables centres de décision financière et commerciale de cette soi-disant entreprise gabonaise se trouvent à Paris, dans la tour luxueuse de Montparnasse, dans le 15ᵉ arrondissement. Cette centralisation du pouvoir décisionnel à des milliers de kilomètres des réalités du terrain est non seulement inefficace, mais profondément méprisante envers les compétences locales. L'intervention directe de Christel Bories dans un conflit social local en est la preuve flagrante. Quelle légitimité à cette dirigeante, confortablement installée dans son bureau parisien, pour dicter la conduite à tenir face à des revendications sociales à Moanda ? Cette ingérence est une négation pure et simple de l'autonomie et de la compétence des dirigeants locaux.
Comilog : Les salariés, variables d'ajustement dans la stratégie d'Eramet
Les récriminations des salariés de Comilog forment un catalogue accablant des pires pratiques managériales. Licenciements abusifs, notamment des agents de carrière, sanctions arbitraires et excessives, blocage systématique des carrières des agents gabonais, utilisation abusive d'intérims et d'avenants aux contrats en violation flagrante de la convention collective, accusations et emprisonnements de travailleurs sans preuves formelles ni respect des procédures judiciaires, discrimination éhontée dans les promotions et les avancements, départs volontaires forcés, remplacement programmé des Gabonais par des expatriés aux postes clés, diffusion d'informations inexactes, et violation des accords de vente de logements. Chacun de ces points est une violation grave du droit du travail et des droits humains fondamentaux. Ensemble, ces constants dressent le portrait d'une entreprise qui traite ses employés gabonais comme des citoyens de seconde zone, des pions interchangeables dans la quête effrénée du profit.
Face à ce tableau accablant, l'attitude de déni et d'arrogance de Léod Paul Batolo est non seulement intolérable, mais criminelle. Son refus obstiné d'entendre les revendications légitimes des syndicats et sa propension à qualifier de "désordre" toute forme de contestation révèlent une gouvernance non seulement autocratique et rétrograde, mais profondément anti-démocratique.
Le CTRI dans le court-termisme
L'implication du Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI) dans ce conflit soulève des questions cruciales sur l'indépendance réelle du pouvoir politique face aux intérêts économiques étrangers. La distribution d'une enveloppe de 30 millions de FCFA lors de la visite présidentielle à Moanda, loin d'être un geste d'apaisement, apparaît comme une tentative grossière d'acheter la paix sociale. Cette approche court-termiste ne fait qu'exacerber les tensions et mettre en lumière l'incapacité du pouvoir à apporter des solutions durables aux problèmes structurels.
Le projet de constitution du CTRI, qui affirme la pleine souveraineté du Gabon sur ses richesses minières, gazières et pétrolières, sonne creux face à la réalité de l'exploitation néocoloniale en cours. Il est grand temps que ces belles paroles se traduisent par des actions concrètes pour mettre fin à ce pillage organisé des ressources nationales.
Il est impératif que le Gabon reprenne le contrôle de ses ressources naturelles. L'ironie amère de la situation actuelle ne peut échapper à personne : sans Moanda, sans le Gabon, Eramet aurait du mal à se targuer d’être le premier producteur mondial de manganèse avec 7,4 Mt de minerai produites en 2023.
Comilog : Christel Bories, au cœur de la solution pour sortir de la crise
La crise à Comilog n'est pas qu'un simple conflit social ou une divergence d'intérêts entre employeurs et employés. C'est le symptôme criant d'un modèle économique postcolonial moralement en faillite et économiquement insoutenable. Ce système, qui enrichit une poignée d'actionnaires et de dirigeants au détriment de toute une nation, est une bombe à retardement sociale et politique. Il est impératif que les autorités gabonaises, Eramet et Comilog cessent ce jeu macabre et engagent un dialogue sincère et transparent pour refonder un contrat social véritablement équitable.
La restauration de la souveraineté du Gabon sur ses ressources naturelles n'est pas seulement une nécessité économique, c'est un impératif moral et politique pour l'avenir de la nation. Sans une refonte complète des relations entre le Gabon et les multinationales qui exploitent ses ressources, le pays restera prisonnier d'un cycle de pauvreté et de dépendance, malgré ses immenses richesses naturelles. L'heure est venue pour le Gabon de briser les chaînes du néocolonialisme économique et de tracer sa propre voie vers un développement authentique et durable.
@DworaczekBendom