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Billet de blog 22 octobre 2025

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Présidentielle 2025 en Côte d'Ivoire 2025 : la dérive de Ouattara

Le 25 octobre 2025, la Côte d'Ivoire organise une élection présidentielle qui n'en a que le nom. Alassane Ouattara, 83 ans, s'accroche au pouvoir en briguant un quatrième mandat.

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L'opposition a été systématiquement écartée. La répression frappe toute contestation. Ce scrutin consacre la mort programmée de la démocratie ivoirienne.

Illustration 1
25 octobre 2025, Côte d'Ivoire, élection présidentielle.

Un simulacre électoral orchestré par le régime

Les chiffres parlent d'eux-mêmes : sur 60 candidatures déposées, seules cinq ont été validées par le Conseil constitutionnel. Laurent Gbagbo, Tidjane Thiam, Charles Blé Goudé, Pascal Affi N'Guessan : toutes les figures crédibles de l'opposition ont été éliminées par des prétextes juridiques sur mesure. Gbagbo est écarté pour une condamnation judiciaire. Thiam est radié au motif qu'il n'était pas ivoirien lors de son enrôlement en 2022. La justice ivoirienne fonctionne comme un instrument politique.

Le 2 octobre 2025, le Conseil national de sécurité a interdit toute manifestation contestant ces exclusions. Le message est clair : la contestation sera écrasée. Le 11 octobre, des centaines de manifestants pacifiques ont été gazés dans les rues d'Abidjan. Amnesty International dénonce 255 arrestations arbitraires ce jour-là. Le lendemain, l'opposition recense 700 arrestations et deux morts, dont un bébé de deux ans asphyxié par les gaz lacrymogènes à Abié. Tuer un enfant pour maintenir un président octogénaire au pouvoir : voilà le bilan moral du régime Ouattara.

Le déploiement de 44 000 agents de sécurité sur le territoire ne vise pas à protéger le scrutin, mais à terroriser la population. Cette militarisation sans précédent révèle la panique d'un pouvoir illégitime qui ne tient que par la force. Le Centre Carter, dans son rapport de septembre 2025, constate que les exclusions fragilisent la représentativité du scrutin. L'Institut V-Dem est plus direct : le régime ivoirien est une autocratie électorale. Les élections ne sont plus qu'un vernis démocratique sur une dictature de fait.

La manipulation constitutionnelle comme mode de gouvernance

Ouattara justifie sa candidature par une pirouette juridique : la Constitution de 2016 aurait remis les compteurs à zéro, inaugurant une Troisième République. Selon cette logique tordue, ses mandats précédents n'existeraient plus. Le Conseil constitutionnel, aux ordres, valide cette interprétation grotesque. L'opposition dénonce une violation flagrante de la loi fondamentale. Le PDCI parle de dérive autocratique. Les faits leur donnent raison.

Le 29 juillet 2025, Ouattara annonce sa candidature en invoquant la bonne santé économique et les défis sécuritaires du pays. Translation : personne d'autre ne peut gouverner. Ce messianisme politique est le propre des autocrates vieillissants qui confondent leur personne avec l'État. Un responsable politique répond immédiatement : "C'est une violation de notre Constitution et une nouvelle attaque contre la démocratie." Cette formulation polie masque une réalité brutale : Ouattara a tué la démocratie ivoirienne.

Le 18 octobre, une ONG écrit sur Twitter : "Interdire les rassemblements politiques et multiplier les arrestations fragilisent la démocratie en Côte d'Ivoire." Euphémisme. La démocratie n'est pas fragilisée, elle est anéantie. Un expert en sciences politiques interrogé par RFI l'admet : le droit électoral a été orienté pour protéger le pouvoir en place. Quand les institutions deviennent des outils de domination, l'État de droit disparaît. Le 15 octobre, l'opposition résume : "Ce scrutin sans liberté d'expression ni pluralisme ne peut être qualifié de démocratique." C'est un constat d'évidence que la communauté internationale refuse encore d'entendre.

Croissance économique pour les élites, misère pour le peuple

Le régime Ouattara se targue d'une croissance de 6,5 % par an entre 2020 et 2024. Abidjan s'est couverte d'autoroutes et d'immeubles modernes. La Banque mondiale applaudit. Derrière ces chiffres, la réalité sociale est accablante. Selon l'Institut national de la statistique, plus de 35 % des Ivoiriens survivent avec moins de 30 euros par mois. La croissance profite à une minorité pendant que le peuple s'enfonce dans la pauvreté.

Les opérations de déguerpissement ont chassé des milliers d'habitants des quartiers centraux d'Abidjan. Ces expulsions brutales, justifiées par la modernisation urbaine, servent en réalité à nettoyer la capitale pour attirer les investisseurs étrangers. Les pauvres sont invisibilisés, déplacés, oubliés. Un expert en urbanisme interrogé par RFI avertit : "La croissance économique sans inclusion sociale risque d'alimenter des frustrations durables." Le régime s'en moque. Il préfère les façades clinquantes aux politiques sociales.

La jeunesse ivoirienne paie le prix fort. Selon l'Institut national de la statistique et de la démographie, 60 % des emplois restent précaires. Des millions de jeunes sont privés d'avenir stable pendant que la gérontocratie au pouvoir se perpétue. Cette jeunesse majoritaire exprime son impatience face à un système politique fossilisé. Le discours officiel promet la prospérité, mais livre l'exclusion. Cette fracture entre l'élite dirigeante et la population marginalisée crée un terrain fertile pour l'explosion sociale. Les défis économiques et les tensions politiques forment un mélange explosif. La question n'est plus de savoir si la Côte d'Ivoire basculera dans la violence, mais quand.

Militarisation, instabilité régionale et silence complice de l'Occident

La Côte d'Ivoire joue un rôle stratégique en Afrique de l'Ouest au sein de la CEDEAO et de l'Union africaine. Mais les tensions internes menacent cette position. Le nord du pays fait face à des menaces djihadistes croissantes. La frontière avec le Burkina Faso est instable. Le 20 octobre, un gendarme a été tué près d'Agboville. Ce meurtre rappelle les violences post-électorales de 2020, qui avaient fait au moins 85 morts. Le pays est au bord du gouffre. Amnesty International dénonce l'usage excessif de la force par les forces de sécurité. Le déploiement militaire massif vise à étouffer la contestation, pas à pacifier le scrutin. Cette militarisation de la vie politique rend impossible toute élection crédible.

La France, principal partenaire de la Côte d'Ivoire, reste remarquablement silencieuse. En septembre 2025, la diplomatie française a mollement appelé au respect du processus électoral et au dialogue inclusif. Langue de bois habituelle. Paris tolère les dérives autoritaires de Ouattara tant que ses intérêts économiques sont préservés. L'héritage colonial pèse encore lourdement sur cette relation, mais les jeunes générations ivoiriennes exigent autre chose qu'un néocolonialisme de façade.

L'Union européenne et les Nations unies ont été écartées du processus électoral. L'État ivoirien finance seul le scrutin avec un budget de 55 milliards de francs CFA. Le régime présente cela comme une marque de souveraineté. C'est surtout un moyen de contrôler totalement un processus truqué d'avance. Sans observateurs internationaux indépendants, rien ne garantit la transparence du vote. La communauté internationale observe ce naufrage démocratique dans un silence complice. Elle préfère la stabilité apparente à la justice et aux droits humains.

Le prix de l'impunité

Cette élection illustre l'échec collectif des démocraties occidentales face à la dérive autoritaire en Afrique. Ouattara bénéficie d'une impunité totale parce qu'il sert les intérêts économiques de la France et maintient une apparence de stabilité. Mais cette stabilité est un mirage. La répression crée les conditions d'une explosion future. Les frustrations accumulées, la jeunesse sans avenir, les exclusions massives : tout indique que la Côte d'Ivoire se dirige vers une nouvelle crise violente.

Le 25 octobre 2025, Ouattara remportera probablement son élection factice. Il continuera de régner sur un pays fracturé, appauvri, militarisé. Mais cette victoire sera celle d'un vieil homme qui a sacrifié la démocratie pour conserver le pouvoir. L'histoire jugera sévèrement ceux qui, en Côte d'Ivoire et à l'étranger, ont laissé cette mascarade se produire.

[Analyse] Par Anne-Marie DWORACZEK-BENDOME – 22 octobre 2025

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