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Billet de blog 24 juin 2025

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Manganèse gabonais : Eramet contre-attaque

La décision du Gabon d'interdire l'exportation de manganèse brut à partir de 2029 suscite la colère d'Eramet. Ce conflit met en lumière les tensions croissantes entre la souveraineté nationale et les intérêts de la multinationale.

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Manganèse gabonais : Eramet contre-attaque. En image : AM dworaczek-bendome, Christel Bories et le président du Gabon, Brice Clotaire Oligui Nguema © am dworaczek

Madame Bories, le Gabon ne vous appartient pas !

Madame Christel Bories, vos déclarations du 16 juin sur Boursorama, en réaction à la décision souveraine du gouvernement gabonais du 30 mai 2025 d'interdire l'exportation du manganèse brut à partir du 1er janvier 2029, constituent un parfait condensé de l'arrogance néocoloniale qui gangrène encore certaines élites économiques occidentales. Cette mesure historique, visant à favoriser la transformation locale de nos ressources, a manifestement touché un nerf sensible chez vous. En tant que citoyenne gabonaise, je me dois de répondre fermement à vos propos aussi désobligeants qu'anachroniques.

Disqualification 

Votre tentative de disqualifier la décision souveraine du Gabon en invoquant la taille de notre pays révèle une vision du monde profondément dépassée. Quand vous qualifiez le Gabon de "petit pays de deux millions d'habitants", vous ne faites pas seulement preuve d'un mépris inadmissible envers notre nation, vous révélez surtout votre incapacité à accepter qu'un pays africain puisse décider librement de son avenir économique.

Cette logique perverse voudrait que seuls les grands pays aient le droit à la souveraineté économique. Appliqueriez-vous ce raisonnement à la Norvège, ce "petit pays" de 5,4 millions d'habitants que vous citez pourtant comme modèle de transformation industrielle ? Bien sûr que non. Car derrière vos arguments pseudo-techniques se cache une vision raciste du monde où l'Afrique serait naturellement vouée à fournir les matières premières pendant que l'Occident s'octroie le monopole de la transformation et de la valeur ajoutée.

Votre comparaison grotesque évoquant "deux fois la capacité de l'Europe" pour transformer notre manganèse relève de la pure manipulation. Le Gabon n'a besoin de transformer que SA production, pas celle du continent européen ! Cette hyperbole ridicule ne vise qu'à effrayer et à décourager une initiative parfaitement légitime et techniquement réalisable.

D'ailleurs, vos propres installations au Gabon démontrent l'absurdité de vos objections. Depuis 2000, vos usines de Moanda transforment une partie de notre manganèse en utilisant notre énergie hydroélectrique que vous qualifiez vous-même d'optimale. Si vous pouvez le faire partiellement depuis vingt ans, pourquoi serait-il soudainement impossible de l'étendre ? La réponse est évidente : vous craignez de perdre le contrôle de la chaîne de valeur qui vous permet actuellement de capter l'essentiel des bénéfices en Europe.

Incompétence

Votre paternalisme atteint son paroxysme quand vous osez déclarer que vous "aiderez" le Gabon à "faire ses arbitrages". Cette condescendance insupportable présuppose que nous serions incapables de décisions autonomes sans votre tutelle bienveillante. Permettez-moi de vous rappeler que le Gabon est une République souveraine dirigée par des hommes et des femmes parfaitement compétents pour analyser les enjeux économiques et prendre les décisions qui s'imposent dans l'intérêt national.

Le Président Brice Clotaire Oligui Nguema, dans la continuité de ses prédécesseurs Léon Mba, Omar Bongo Ondimba et Ali Bongo Ondimba, incarne cette légitime aspiration à la souveraineté économique. Sa décision du 30 mai 2025 répond à une question simple, mais fondamentale : pourquoi continuer à exporter nos richesses brutes pour voir la valeur ajoutée créée ailleurs, enrichissant vos actionnaires pendant que nos populations peinent à bénéficier de leurs propres ressources ?

Vos milliards de chiffres d'affaires proviennent de NOTRE manganèse, extrait de NOTRE sol, par NOTRE main-d'œuvre. Cette époque où l'Afrique nourrissait aveuglément les industries européennes en matières premières bon marché touche à sa fin. Le modèle extractiviste colonial que vous défendez appartient au passé.

Votre argument énergétique ne tient pas davantage. Le déficit de 335 MW que vous agitez comme un épouvantail représente un défi parfaitement gérable pour un pays disposant du potentiel hydroélectrique gabonais et de quatre années de préparation. Votre propre présence industrielle sur notre territoire, utilisant nos ressources énergétiques depuis des décennies, prouve que les conditions existent. Le Gabon développera ses capacités selon ses priorités nationales, sans solliciter votre autorisation.

Reconquête

Nous sommes à un tournant historique où l'Afrique reprend en main son destin économique. Le Gabon, sous l'impulsion du Président Oligui Nguema, écrit les premières pages de cette reconquête de souveraineté. Nous pouvons certes avoir des griefs légitimes envers l'homme du 30 août 2023, mais il n'est pas question de laisser ceux qui s'enrichissent de nos richesses tenter de faire plier notre politique industrielle souveraine ou de rabaisser notre nation au rang de simple pourvoyeur de matières premières.

Vos tentatives d'intimidation se heurteront à notre détermination inébranlable. L'avenir du Gabon se construira selon nos choix, avec ou sans Eramet. Si votre groupe souhaite accompagner cette transformation dans le respect mutuel et l'égalité des partenaires, vous serez les bienvenus. Si vous persistez dans cette attitude méprisante, d'autres partenaires industriels, moins entravés par les réflexes coloniaux, sauront saisir les opportunités que vous négligez par orgueil.

Le temps où les dirigeants africains s'inclinaient devant les injonctions des multinationales occidentales est révolu. Nous assumons pleinement notre souveraineté et la défendrons contre toutes les formes de néocolonialisme, même celui qui se déguise en partenariat économique.

Madame Bories, nous vous tendons une dernière fois la main pour une coopération équitable et respectueuse. À vous de choisir entre l'adaptation et l'obsolescence. Notre détermination est inébranlable et l'avenir du Gabon ne se négociera plus dans les bureaux parisiens. Il se construit ici, chez nous, par nous et pour nous.

Avec ou sans vous !

Le message est limpide : évoluez ou disparaissez. L'Afrique souveraine avance vers son destin, avec ou sans vous.

Le Gabon debout ne pliera plus jamais !

Anne-Marie DWORACZEK-BENDOME
24 juin 2025

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