Une démocratie à marche forcée
Du 12 au 22 septembre, 168 parlementaires nommés par le pouvoir de transition ont examiné l'avant-projet de Constitution censé ouvrir une nouvelle ère politique au Gabon. Un délai étonnamment court pour repenser les institutions d'un pays marqué par cinq décennies de règne quasi-dynastique des Bongo.
Le général Brice Oligui Nguema, à la tête du Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI), avait promis un processus "inclusif". Force est de constater que l'inclusivité se limite à un cénacle restreint, soigneusement sélectionné par le pouvoir militaire.
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Un activisme parlementaire inattendu
Contre toute attente, les débats ont été animés. Pas moins de 801 amendements ont été proposés aux 194 articles du texte initial. Un chiffre impressionnant qui pourrait laisser croire à un véritable travail de fond. Cependant, des sources proches du dossier nous confient que "la plupart de ces amendements portent sur des points mineurs, laissant intactes les orientations principales voulues par le CTRI".
Le vote final (157 voix pour, 8 contre, 3 abstentions) donne l'image d'un consensus large. Une unanimité qui interroge dans un pays habitué aux débats politiques houleux. Jean Valentin Leyama, l'un des rares à avoir voté contre, dénonce "des conditions d'éligibilité à la présidence discriminatoires" et un "recul démocratique". Des critiques qui n'ont visiblement pas trouvé d'écho au sein de l'assemblée.
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Les zones d'ombre de la nouvelle Constitution
Plusieurs points cruciaux restent flous. La limitation des pouvoirs présidentiels, présentée comme une avancée majeure, se résume à une limitation à deux mandats de sept ans. "C'est mieux que rien, mais c'est encore trop long", nous confie un opposant historique sous couvert d'anonymat. "Quatorze ans au pouvoir, c'est une éternité en politique africaine."
L'indépendance de la justice, enjeu majeur dans un pays où l'appareil judiciaire a longtemps été instrumentalisé, n'est qu'effleurée. Le texte parle de "garanties d'indépendance" sans en préciser les modalités concrètes.
La gestion des ressources naturelles, nerf de la guerre économique au Gabon, brille par son absence. Aucune disposition ne semble prévue pour assurer une meilleure transparence dans l'exploitation du pétrole et des minerais, principales sources de revenus du pays.
Un processus verrouillé
Le rôle purement consultatif de l'Assemblée constituante pose question. Le décret l'instituant est clair : les parlementaires n'ont qu'un rôle d'"avis motivés". Le pouvoir de transition conserve donc toute latitude pour modifier le texte à sa guise avant le référendum prévu d'ici à la fin de l'année.
Cette configuration soulève des doutes sur la sincérité du processus. "C'est une manière habile de légitimer des décisions déjà prises", analyse un constitutionnaliste gabonais qui préfère garder l'anonymat. "On donne l'illusion d'un débat démocratique tout en gardant la main sur le contenu final."
Les vrais enjeux occultés
Pendant que l'Assemblée constituante débattait à huis clos, les problèmes structurels du Gabon restaient en suspens. La pauvreté qui touche près d'un tiers de la population, malgré les richesses naturelles du pays, n'est pas adressée. La corruption endémique, qui gangrène l'administration et l'économie, n'est mentionnée qu'à la marge.
Les libertés fondamentales, si souvent bafouées sous l'ère Bongo, ne semblent pas être une priorité. Le droit de manifester, la liberté de la presse, l'accès à une information pluraliste. Autant de sujets cruciaux pour une démocratie vivante qui restent dans l'ombre.
Un avenir incertain
Le référendum constitutionnel s'annonce comme un moment de vérité. Mais sans véritable débat public, sans campagne d'explication digne de ce nom, les Gabonais risquent de voter sur un texte dont ils ignoreront la plupart des implications.
La communauté internationale, qui a accueilli avec un certain soulagement la chute du clan Bongo, semble pour l'instant se satisfaire des apparences de démocratisation. Une attitude qui pourrait s'avérer à courte vue si le Gabon venait à basculer dans une nouvelle forme d'autoritarisme, cette fois-ci en uniforme.
En définitive, cette révision constitutionnelle apparaît plus comme un exercice de communication politique que comme une véritable refondation démocratique. Le Gabon semble encore loin d'une transition qui répondrait aux aspirations profondes de sa population. Le changement de Constitution ne garantit en rien un changement de pratiques politiques. L'histoire récente de l'Afrique est là pour nous le rappeler.
@DworaczekBendom