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Billet de blog 6 février 2022

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Don't Look Up (Adam McKay, 2021)

This movie tries to deliver a message. And fails to, dramatically.

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[TW : spoilers / j’ai vu le film sur mon ordinateur en plusieurs fois]

Il m’est impossible d’écrire poétiquement sur un objet qui ne vient titiller que ma raison ; à défaut de vous livrer l’intérieur de mon être, voici mes pensées sur ce que je viens de regarder.

Un grand gâchis. Voilà ce qu’est cet objet audiovisuel : un grand gâchis du talent des acteurices, des moyens de production et de l’audience. Le message à délivrer, pourtant, est aussi dramatique que limpide : la planète se meurt malgré tout ce que l’on peut vous faire croire, et cela se voit. Il suffit de regarder par soi-même. Message applicable à une ribambelle de faits de la sorte, mais qui par la présence de Léonardo di Caprio et quelques autres indices, est assurément lié au réchauffement climatique.

Je ne sais ce que de la forme ou du fond est le plus déplaisant.

Pour la forme, l’intention est bonne : on décèle un effort de reproduire l’attention telle qu’elle se vit aujourd’hui, turbulente, agitée, à la fois insatiable et pourtant jamais concentrée sur la même chose plus d’une minute. Les changements de focalisation à la limite du subliminal, exposant le déficit d’attention de l’interlocuteur voire du locuteur sont une belle tentative. Mais restent inefficients, tout comme d’ailleurs le xanax qui disparaît à la seconde moitié du film : oubli volontaire signifiant l’évasion de la société ? Ils troublent merveilleusement bien le spectateur, mais sans apporter un côté méta qui lui permettrait de faire un pas de côté. Autrement dit, voir (de manière forcée par le mouvement de la caméra) des personnages subir les mêmes troubles de l’attention que l’on a déjà n’est pas suffisant à leur révélation.

A la rigueur, les plans sur les posts des réseaux sociaux, procédé cinématographique déjà expérimenté de nombreuses fois, rend mieux à l’écran.

Pour le fond, que dire… il y a « à boire et à manger ». Bien sûr, il est important de transmettre les messages que les plateaux de télévision (et autres médias) cherchent la sensation et non l’information. Bien sûr, il est important de montrer que cette information se trouve déformée par les croyances de chacun·e dans un téléphone arabe géant. Bien sûr, il faut montrer que les industriels n’agissent qu’en fonction de leurs intérêts économiques et que les politiques n’agissent qu’en fonction de leurs opportunités électorales.

Mais féliciter une oeuvre, y compris cinématographique, pour le seul fait qu’elle tente de traiter ces thématiques… serait un bien bas niveau d’attente — voire d’espoir. Il deviendrait même dangereux d’encenser un objet culturel (d’autant plus au public si large !) qui, par son imprécision, laisse la porte ouverte à des dérives, incompréhensions ou autres sur ces sujets si précieux. Quel dommage, notamment, de ne pas développer l’idée du téléphone rendant heureux et s’adaptant à nos émotions tout au long de la journée. Si cela était également une fake news, encore aurait-il fallu le montrer ; si cela était utilisé par la majorité de la population, nous n’en savons rien.

On en revient ici à la forme, mais cela démontre qu’en jouant avec les mauvais « codes » de notre perception aujourd’hui, facilement le propos peut tomber par inefficacité. Tout va très vite dans ce film, plus encore que les produits américains de manière générale. Ce n’est pas un problème en soi ; mais la manière dont l’enchaînement des évènements est traité ne rend pas compte du temps qui passe. Rappelons-nous : six mois s’écoulent entre le début et la fin ! Et pourtant, aucun procédé — ils sont pourtant légion — n’est véritablement utilisé pour montrer le temps écoulé entre les scènes. Ces dernières s’enfilent comme des perles, comme si tout était la conséquence directe, du jour au lendemain, de la précédente. N’est-il pourtant pas important de faire ressentir le temps qui passe dramatiquement vite au regard de l’inaction politique ? Puis le temps qui passe trop vite durant la préparation d’une explosion de la comète à l’aide des russes ?

Peut-être tout cela n’est-il que culturel. Peut-être qu’outre Atlantique, ce film a été apprécié, son message porté à sa juste hauteur. Cette différence, certes peu probable, rassurerait sur la tragique globalisation culturelle. Elle reste une possibilité ; les codes du cinéma américain actuel, qui ne me plaisent guère, se retrouvent ici. Un propos (souvent scientifique ou technique) rapide au point que le spectateur ait l’impression d’être « in » sans pourtant comprendre, une rapidité des évènements pour que l’histoire saute d’un rebondissement à l’autre, des personnages moqueurs ou dédaigneux, une « jolie » scène familiale à la Thanksgiving avec une petite musique pour le crédit émotion. Il faut y ajouter en l’espèce un montage abracadabrant avec l’intention de perdre le spectateur (le cinéma est-il une attraction de fête foraine ?), et un propos simpliste ou simplifié sur l’enjeu le plus nébuleux de l’anthropocène.

C’est un bel (pas le meilleur) effort que d’avoir cherché à dépeindre la corruption à l’oeuvre dans les différentes sphères décisionnelles d’un pays. C’est une proposition intéressante que d’avoir cherché à le tourner en ridicule. C’est… dommage de n’en laisser que des ersatz de propositions de scènes — forcément, à vouloir tout enchaîner, en 2h30 il reste impossible de tout présenter à l’écran.

Le pire néanmoins, la cerise sur ce mauvais gâteau trop sucré, est la scène de fin. Les survivant·es (très blancs) des deux mille humains voyageant en vaisseau spatial depuis l’explosion de la comète à la surface de la Terre débarquent sur une planète verdoyante, où l’oxygène est même plus élevé que sur la planète bleue. Outre la présence invasive d’animaux — dont un dévore la présidente — cette planète a l’air magnifique, accueillante, parfaite pour le renouveau de l’humanité qui s’y trouve en tenue d’Adam et Ève. Et c’est ainsi que des années de travail s’écroulent par une seule scène. Si des signes avaient révélé au spectateur qu’il ne s’agissait là que d’un retour sur Terre, le message aurait été différent. Mais on nous présente ici un futur enviable d’une planète toute fraîche, prête à accueillir notre pollution nauséabonde. Or, faudra-t-il vous le rappeler ? THERE IS NO PLANET B.

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