[TW : spoilers ; j’ai vu le film au cinéma]
Il est de ces films qui réussissent le coup suprême : raconter, montrer, les relations. Celles que l’on peut sentir, toucher, que l’on aimerait attraper à travers l’écran. Celles que l’on ne souhaite pas presser. Et si cela doit prendre deux heures aux deux personnages pour se trouver, pour comprendre peut-être, c’est que c’était la temporalité parfaite. Ni remords d’avoir voulu presser le temps, ni regrets de l’avoir laisser couler.
Rares sont celleux qui peuvent retranscrire en scènes la construction d’une amitié, d’un amour, d’une connivence entre deux personnes. Là où la plupart se bornent à envoyer des scènes clefs, laissant le reste à l’imagination du pauvre spectateur, Paul Thomas Anderson nous prend par la main. C’est une main rassurante, épaisse et chaude, ni humide ni pressante. Elle ne nous cache pas les dangers du monde, mais on les traverse comme au volant d’un camion plein d’essence. Ça roule, ça glisse ; pas trop vite pour ne pas nous faire peur, sans arrêts car la vie n’en a pas pour les aventuriers.
Plus que nous montrer, nous sublimer ce que l’on tente de vivre la prouesse tient à le capturer sans l’once d’un cliché qui entraverait le déroulé de l’histoire. Oublié les rapports de force inopportuns, les scènes déjà-vues, les dialogues ennuyeux, les arcs narratifs que l’on connaît par coeur. Dépouillés de la moindre gêne, Gary et Alana ne s’embarrassent pas des questionnements des lieux communs qui nous paralysent, nous les personnages de la vie. Iels ne s’enchevêtrent qu’en suivant leurs intuitions, courant de pièce en pièce de leur immense studio comme une grande pièce de jeux avec le plus grand sérieux, et la plus grande gravité. On ne rigole pas avec le coeur.
Et on accueille le sourire aux lèvres la course des deux amoureux ayant compris qu’iels l’étaient, l’un vers l’autre, avant de s’étreindre. Le cinéma reste le cinéma.
Si une histoire d’amour qui se construit dans les années 70 sur la côte ouest devrait se résumer en une musique, ce serait Stumblin' In.